lundi 3 août 2020

BAS LES MASQUES

par Arnaud RIOU

BAS LES MASQUES

Le 1er août, le masque sera obligatoire dans l’essentiel des lieux publics clos. Les contraventions prévues pourraient s’élever à 135 euros, puis à 1 500 pour une récidive, et jusqu’à 3 700 et 6 mois d’emprisonnement si nous réitérons.

De quoi mettre tout le monde d’accord, ou au contraire, de quoi renforcer les tensions des uns contre les autres.

Car il est un virus bien plus dangereux que le Covid, c’est celui qui se nourrit des peurs et de la haine, la peur de l’autre que l’on ne voit plus comme un frère mais comme un ennemi parce qu’il ne pense pas comme nous. L’histoire nous a tant de fois montré combien les hommes étaient prêts à s’étriper pour imposer leur vision du monde. Car c’est bien de cela dont il s’agit.

Deux voisins peuvent rire au cinéma d’un même film en ayant voté la veille l’un pour le centre gauche et l’autre pour l’extrême droite. On peut être vegan ou carnivore et fréquenter les mêmes restaurants. Deux inconnus peuvent entrer dans une même pharmacie pour acheter l’un de l’homéopathie et l’autre du sirop pour la toux. Bien sûr, certains se toiseront en ricanant intérieurement de la façon dont leur voisin s’alimente, se soigne, ou se distrait.

Quant au masque, ceux qui le portent depuis le début de la crise, même seul en voiture, même en forêt sont généralement convaincus de son efficacité. Soit, ils l’ont simplement entendu à la télé, soit ils se sont documentés, ont lu attentivement les études et les chiffres. Ils ont peut-être un membre de leur famille, un ami atteint du Covid, ils ont entendu des experts, des membres du gouvernement encourager son port. Ils savent que ce satané virus a déjà tué 600 000 personnes dans le monde, qu’il peut y avoir une seconde vague, qu’un homme averti en vaut deux, qu’il vaut mieux faire partie de la solution que du problème. Beaucoup portent le masque non par crainte de la maladie, mais par esprit de solidarité. Ils ne craignent pas le virus, mais ne veulent pas contaminer un proche, une personne fragile. Certains ne se posent pas de question, ils portent le masque pour ne plus avoir à montrer leur visage.

D’autres refusent de le porter. Ils en font un principe. Une atteinte à leur liberté individuelle. Quel intérêt de porter un masque alors que son efficacité, voir sa nocivité est dénoncée par plusieurs spécialistes. Quel intérêt de porter un masque alors que tous les chiffres de l’épidémie sont à la baisse. Quel intérêt de porter un masque alors que justement, c’est dans ces moments de fin d’épidémie qu’il est préférable de renforcer notre immunité naturelle. Le Covid a tué 30 000 personnes en France. Les maladies cardiovasculaires tuent 150 000 personnes par an. Quel intérêt alors de porter un masque pour aller dans une grande surface acheter des produits trop sucrés, trop salés, trop chimiques qui vont nous tuer autrement et plus surement. Quelle congruence de porter un masque pour aller au bureau de tabac acheter des cigarettes.

Nos ministres et plusieurs spécialistes de la santé se sont tant contredits, les interactions politiques, les conflits d’intérêts des laboratoires sont si nombreux qu’il est bien difficile d’obtenir un avis objectif sur une question qui dépasse celle d’un simple geste barrière.

Est-ce justifié alors d’imposer à toute une population de porter le masque avec toutes les implications que cela signifie en termes de symbole, d’effets secondaires, de conflits.

L’objectivité n’existe pas. Si je suis persuadé que le masque est utile et que cette maladie est dangereuse, je trouverai toutes les informations qui valident ma croyance, car tout part d’une croyance. Si je suis persuadé qu’il s’agit d’un complot d’état, je trouverai aussi toutes les preuves pour le démontrer.

Il existe aujourd’hui des études qui démontrent la nocivité de la 5G, d’autres qui prouvent qu’elle n’est pas dangereuse. Il existe des études qui démontre l’efficacité de l’homéopathie, d’autres qui dénoncent l’effet placebo.

L’objectivité n’existe pas. Toute opinion est filtrée par notre carte du monde et nos intérêts plus ou moins conscients. Qu’il s’agisse de la politique, de la santé publique ou de l’éducation, notre apriori conditionne notre comportement, notre comportement oriente notre expérience, notre expérience crée notre résultat et notre résultat renforce notre apriori. C’est sur ce schéma que se renforcent nos certitudes et que s’affaiblit notre capacité à entendre l’autre dans sa carte à lui et à nous entendre nous-même dans notre totalité.

Bien sûr, il existe quelques situations, qu’on appelle des situations d’éveil, ou une personne soudain change profondément sa carte du monde, après une expérience intime forte, après un accident, un choc, ou suite à une expérience spirituelle. Il arrive que nous changions profondément notre regard sur nous, et que nous transformions petit à petit notre façon de nous soigner, de nous alimenter, de nous comporter.

Pour les chamans, nous créons notre réalité. Le monde extérieur n’est qu’une fractale de notre monde intérieur. Changer sa carte du monde, c’est changer le monde.

Les discussions houleuses qui concernent le port du masque ne sont rien au regard de celles qui viendront demain si la vaccination devient obligatoire pour rentrer dans un magasin, dans une salle de concert ou dans un bureau de vote. Les conversations deviendront violentes si le traçage ou le puçage qui se préparent déjà s’imposent dans notre vie quotidienne.

Lorsque les mots ne suffiront plus pour permettre à ceux qui refusent la vaccination d’échanger avec ceux qui appellent le vaccin de leur vœu, que nous restera t’il pour nous mettre d’accord ? La violence physique, la résignation, la résistance ou la résilience.

Ce sont dans les situations extrêmes que la sagesse nous rappelle qu’il n’y aura aucune paix sociale, aucune paix sanitaire ou politique tant qu’il n’existera pas de paix dans notre propre cœur.

Lorsqu’un couple se dispute, c’est souvent pour une question de tube de dentifrice qui n’est pas rebouché, de cuvette des toilettes pas rabaissée, de retard à un rendez-vous. Mais derrière ces anecdotes se cachent d’autres conflits et besoins bien plus importants qui concernent notre territoire, nos besoins de reconnaissance, de lien ou d’indépendance.

Ce ne sont bien évidemment pas ces quelques centimètres de tissus blanc ou bleu qui nous protègeront de la seconde vague d’un virus qui nous a déjà tant appris sur nous-même, sur nos ressources et sur notre environnement, mais notre posture, notre alignement et notre ouverture à l’autre, au moment où nous déciderons de tirer les élastiques sur les oreilles, ou pas.

Arnaud RIOU