C'est la rentrée.
Quelle est ma valeur ? Est-ce que je compte ? Suis-je important ? L’école devrait bâtir dans le coeur de l’enfant la douce certitude qu’il compte et est important. L’école devrait enseigner aussi que l’autre est sans prix. Un enfant respecté respecte son prochain. Un enfant que l’on a ouvert à lui-même s’ouvre aux autres et au monde. Je reste convaincu que la meilleure manière de vaincre la misère sociale est d’enseigner à chaque être qu’il est riche de lui-même. Encore faut-il révéler cette richesse. Tant que l’enseignement se fera dans l’idée que Molière, Pascal, Rousseau, Descartes, Mozart, etc., sont des esprits supérieurs à l’élève qui, lui, ne peut être qu’un sous-produit d’intelligence, tant que cet enseignement se fera dans la compétition, la comparaison, la réussite au détriment de l’autre, misère et violence perdureront. Molière, Pascal, Rousseau, Descartes, Mozart et tant d’autres lumières du passé n’ont de sens que si celles-ci révèlent les lumières d’aujourd’hui. Cette révélation ne peut pas se faire dans la soumission et un apprentissage au par coeur sans âme mais dans la rencontre, une rencontre d’égal à égal. Sophie rencontre Molière, Abdul rencontre Pascal, Al rencontre Rousseau, Tidiane, Descartes, Ingrid, Mozart etc… Là est le véritable enjeu de l’éducation. Que veut dire éduquer ? La réponse du dictionnaire est révélatrice : ce verbe viendrait du latin educo, educare qui signifie « nourrir, instruire ». Mais surtout, il nous révèle un autre verbe dont l’infinitif est e-ducere,
qui se traduit par « conduire hors de soi-même ». Être éduqué, c’est aller hors de soi pour aller vers l’autre. Éduquer c’est déclencher la rencontre. En tout premier lieu avec soi. Comme dit Albert Jacquard : « L’objectif premier de l’éducation est évidemment de révéler à un petit d’homme sa qualité d’homme, de lui apprendre à participer à la construction de l’humanitude et, pour cela, de l’inciter à devenir son propre créateur, à sortir de lui-même pour devenir un sujet qui choisit son devenir et non un objet qui subit sa fabrication. »Assurément, un bon élève n’est pas un perroquet qui répète sans se tromper quelques vers de Corneille, un bon élève est initié à lui-même par ses rencontres. Il sait qu’un maître est aussi en lui et, en toute humilité, enrichi de ces multiples rencontres, il essaye de faire ce qu’il faut pour nous livrer son propre message.
Extrait du prochain livre de Marc Vella "La Clé d'Être" aux éditions Guy Trédaniel
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Daniel Buren : "L'asphalte est un matériau magnifique"0
Dans la série "Mémoires vives" consacrée aux oeuvres dans la rue qui font réagir, aujourd'hui, les Deux Plateaux de Daniel Buren, communément appelés "les colonnes" : 260 colonnes tronquées installées dans la cour d'honneur du Palais Royal en 1986, et ayant suscité une importante controverse.
(Episode 3/5)
"Mais moi je ne comprends pas pourquoi on fait des bittes d'amarrage, on ne va pas amarrer des chalands là ! Je comprends pas...", réagit avec vigueur un passant en mars 1986, devant la caméra d'Antenne 2. Durant et après l'installation (compliquée) de ses colonnes devant le Palais Royal, Buren s'attire les foudres des piétons, des critiques d'art et des défenseurs du patrimoine : tous voient dans la démarche de l'artiste, une volonté de désacraliser le lieu.
Deux ans plus tard, en 1988, Buren revient sur son projet artistique et la manière dont il a justement tenté de conjuguer le moderne et l'ancien. C'était au micro d'Alain Jouffroy, dans l'émission "A Voix nue" :
Colonnes de Buren © FLICKR/ JEAN-FRANÇOIS GORNET
La commission supérieure des monuments historiques s'était prononcée contre le projet en octobre 1985, mais le ministre de la Culture, Jack Lang, était passé outre. En 1986, l'installation de l'oeuvre de Buren devant le Palais Royal soulève un formidable tollé à l'échelle nationale, et une campagne de presse virulente. Si bien qu'une interruption des travaux est imposée par la Mairie de Paris.
Après un véritable feuilleton politico-administratif au cours duquel François Léotard, remplaçant de Jack Lang, étudie la possibilité d'une démolition des cylindres, l'achèvement des travaux est finalement ordonné le 5 mai 1986.
La polémique ne s'essoufflle totalement qu'en 1992, avec la disparition des derniers recours juridiques.
© FLICKR/ CLÉMENT
Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Daniel BUREN : 5ème et dernière partie", diffusée sur France Culture le 1er janvier 1988 dans "A voix nue " :
Episode 2/5 -
Le Monument à Balzac, livré par Auguste Rodin en 1893, mais inauguré à Paris en 1939 seulement.
"Un pingouin", "un sac de charbon", "un menhir". A la fin du XIXe siècle, la statue de Balzac réalisée par Auguste Rodin ne laisse personne de marbre. En témoigne l'écrivain Georges Lecomte, ami de Rodin, qui, en 1956, deux ans avant sa disparition, se remémore l'affaire. Il évoque notamment la manière dont le président Félix Faure ignora sciemment l'oeuvre exposée au Salon de la Nationale, en 1899. Des propos rediffusés en 1995 sur France Culture, dans "Radio archives" :
Monument à Balzac, Rodin © JEFF KUBINA/ CC BY-SA 2.0
Rodin travailla sur ce monument en bronze de 1893 à 1899. Il fut commandé au sculpteur par Emile Zola qui présidait la Societé des gens de lettres, après la mort de Chapu, artiste tout d'abord désigné pour cette réalisation.
La silhouette effacée, noyée dans le drapé d'une robe de chambre, les cheveux en pagaille, les sourcils proéminents surmontant un visage au modelé abrupt... La statue prend le contre-pied des canons de la sculpture traditionnelle de l'époque en diluant ainsi les formes : il s'agit moins de représenter l'homme, que la flamboyance imposante du génie. C'est révolutionnaire, donc ça choque.
Ne souhaitant pas s'enliser dans le conflit, Rodin rembourse les sommes perçues pour cette commande, avant de quitter Paris pour Meudon. Mais la bataille, qualifiée de "nouvelle affaire Dreyfus", n'en dura pas moins de... 42 ans, jusqu'à l'inauguration de l'oeuvre à Paris en 1939, au milieu de boulevard Raspail.
Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Auguste Rodin, sans ménagement", diffusée sur France Culture le 8 décembre 1995 dans "Radio archives" :
Episode 1/5 -
Le Pont Neuf emballé par Christo il y a trente ans, du 22 septembre au 7 octobre 1985, dans de la toile soyeuse en polyamide jaune ocre
Lorsque l'artiste américain d'origine bulgare, Christo, et sa compagne, Jeanne-Claude Denat de Guillebon, proposent de recouvrir pour quinze jours le plus vieux pont de Paris d'un drapé de toile jaune, ils se heurtent à des réactions, quant à elles, peu emballées : ce monument est un symbole. Il leur faudra dix ans pour obtenir les autorisations nécessaires à la réalisation de leur projet.
Pourtant, une fois le Pont Neuf empaqueté comme un immense cadeau doré, le succès est retentissant, les passants, conquis.
En témoigne cet extrait d'une archive du 26 septembre 1995 : écoutez les réactions du public à l'époque, et une interview de Christo lui-même, dans ce "Panorama" produit parJacques Duchateau et Bertrand Jérôme :
Le Pont-Neuf emballé par Christo © MAXPPP
Pour réaliser cette monumentale oeuvre de Land Art, douze tonnes d'acier, 40 900 mètres carrés de toile et treize kilomètres de corde ont été nécessaires. Une dizaine d'entreprises ont été mobilisées, ainsi que deux cents personnes dont des plongeurs et des alpinistes....
Les travaux de 19 millions de francs (2,9 millions d'euros) furent entièrement pris en charge par Christo, grâce à la vente de ses collages et dessins préparatoires.
Dix ans après, le couple d'artistes emballait le Reichstag à Berlin dans une immense toile argentée, un projet dénoncé par Helmut Kohl qui y voyait une atteinte à la grandeur de l'Allemagne.
© GFDL ET CREATIVE COMMONS CC-BY-2.5
Vous pouvez également écouter ici l’émission intégrale dont est issu cet extrait, "Panorama du 26 septembre 1985', diffusée sur France Culture :