vendredi 25 décembre 2015

"Voilà le vrai islam"


A Lens (Pas-de-Calais), une dizaine de musulmans sont venus symboliquement protéger l'église, durant la messe célébrant la Nativité.

Une dizaine de musulmans sont venus symboliquement protéger l’église de Lens (Pas-de-Calais) pendant la messe de minuit de Noël ce vendredi, un «geste fort», selon le président de la Fédération des associations musulmanes du Nord-Pas-de-Calais, Abdelkader Aoussedj.
«C’est tout à fait normal que les musulmans respectent les autres religions et ce geste fort qui honore tous les musulmans montre qu’ils sont aux côtés de nos concitoyens» après les attentats de Paris, a déclaré M. Aoussedj.

"Voilà le vrai islam"

Cette initiative inédite, prévue depuis plusieurs jours, avait été lancée par l’union des citoyens musulmans du Pas-de-Calais et avait pour but de «donner une autre image des musulmans». «On aurait souhaité que cela se fasse partout ailleurs, surtout en cette période où les musulmans sont montrés du doigt. Voilà le vrai islam, il n’a rien à voir avec ces fous, ces brebis galeuses», a poursuivi le représentant cultuel rappelant que «c’est par de tels gestes qu’on se comporte dignement dans la République».
Cette action a été particulièrement appréciée par les quelques 200 fidèles venus assister à la messe. En guise de remerciement et en signe de fraternité, l’abbé Lemblé a alors terminé sa prière en remettant aux représentants musulmans la lumière de Bethléem, symbole de paix.


L'église Saint Léger de Lens, 
http://www.dna.fr/actualite/2015/12/25/des-musulmans-protegent-la-messe-de-noel

lundi 14 décembre 2015

La politique autrement


" Je revendique le fait de pouvoir faire changer les choses autrement que par le vote », témoignait récemment sur Rue89 un riverain abstentionniste.
Dans les nombreux messages que vous nous avez adressés pendant les régionales, on a lu du ras-le-bol et de la résignation. Certains d’entre vous votent sans y croire et d’autres, nombreux, ne votent pas ou plus.
Rappelons qu’en matière d’action politique, il n’y a heureusement pas que les élections : il existe des lieux et des groupes où l’on pratique la politique autrement.

A Chicago, en 1940...

« Agir en démocratie » de Hélène Balazard (Les Editions de l’atelier, 2015)
Hélène Balazard, docteure en sciences politiques, a étudié deux expériences construites sur le modèle du « community organizing ». Elle a consacré à ces alternatives un ouvrage, « Agir en démocratie » (Les Editions de l’atelier, 2015).
Le « community organizing », que l’on pourrait traduire par organisation communautaire, est un mode d’action locale né aux Etats-Unis. Saul Alinsky, un sociologue américain, a expérimenté ce mode d’organisation dans un quartier de Chicago, à partir de 1940, avant de le développer dans d’autres villes.
Un de ses disciples a plus tard essaimé à Londres. London Citizens, qui a remporté plusieurs combats depuis sa création, a été le sujet de thèse d’Hélène Balazard. Cette dernière a aussi fait partie du petit collectif qui a initié en 2010, sur le modèle londonien, une Alliance citoyenne à Grenoble. Un autre collectif s’est depuis formé à Rennes.

« Créativité citoyenne »

Le « community organizing » est fondé sur l’action de terrain et le pragmatisme anglo-saxon. « Une de ses caractéristiques, c’est de fonctionner en parallèle du système politique partisan, électoral, et de faire de la politique autrement », résume Hélène Balazard.
« Ce n’est pas la panacée, simplement une organisation qui permet de faire avancer les choses, tant du point de vue de la justice sociale qu’en termes de développement du pouvoir politique et de l’engagement. Mais il y a plein d’autres choses qui se font ou qui restent à imaginer. Il ne faut surtout pas se limiter dans sa créativité citoyenne. »
Entretien.
Rue89 : Pendant les régionales, on a lu ou entendu du ras-le-bol, de la résignation. Comment agir là-dessus ?
Hélène Balazard : Face au problème du Front national, il y a un travail d’éducation populaire de longue haleine à faire. Le FN joue sur le fait qu’il y a une défiance croissante envers la classe politique mais il en fait lui-même partie. Dans leurs discours, ils disent que le pouvoir est entre les mains des élites politico-économiques mais au lieu d’allier les gens pour créer un contre-pouvoir, ils divisent les classes populaires. Les électeurs sont trompés.
Hélène Balazard - DR
Il y a pas mal de choses à faire en dehors de la politique partisane et des élections. On peut par exemple s’organiser au niveau local pour créer une force citoyenne capable de faire rendre des comptes à ses élus et aux dirigeants économiques.
Concrètement, ça veut dire dans un premier temps réunir des gens du quartier, essayer de faire le tour de tous les problèmes qu’ils rencontrent et qu’ils aimeraient voir changer. Il faut ensuite s’attaquer à un ou deux problèmes qui sont le plus partagés et qui pourraient être résolus assez facilement afin de sortir du fatalisme « de toute façon, on n’a pas de pouvoir, on ne peut rien faire ».
S’il y a des intérêts divergents, on laisse le problème de côté : on travaillera dessus plus tard et peut-être qu’il va se résoudre naturellement, quand on aura appris à se connaître. Le but, c’est de recréer du lien entre les gens pour redonner du sens à la politique. Faire de la politique, c’est organiser la vie en société et pour cela, il faut qu’on la vive cette société, il faut en être conscient.
La démocratie n’est pas un modèle figé. A l’école, dans les cours d’éducation civique, on a l’impression qu’on est des citoyens passifs, qu’on attend que des gens prennent des décisions à notre place. Sauf qu’on peut s’organiser en fonction d’intérêts communs pour faire pression sur les personnes qui prennent des décisions. C’est du pragmatisme.
Il y a quelque chose à tirer d’Alinsky et de l’expérience de Londres : le pragmatisme, l’action. En France, on a tendance à être un peu trop dans la théorie, à réfléchir à un modèle qui serait idéal, à être dans la critique permanente et du coup à rester plutôt inactifs. On reste fixés dans l’idéal républicain issu des Lumières – un idéal assez parfait mais qui, dans la pratique, ne marche pas.
Vous dites qu’il faut redonner du sens à la politique. Qu’entendez-vous par là ?
On a perdu le sens de pourquoi on s’organise. La politique, ce n’est pas une affaire de professionnels : cela devrait concerner tout le monde. 
On a l’impression que de toute façon, on ne peut rien faire, que la politique est cette machine opaque que l’on voit à la télé, que d’autres la font à notre place... Si tout le monde remettait la main à la pâte, y compris au niveau local, cela permettrait que des gens différents se rencontrent et se rendent compte de la complexité d’organiser la vie en société : il y a des aspirations différentes, il faut ménager la chèvre et le chou et les décisions sont parfois dures à prendre.
En étant intégrés à ce processus, on serait aussi plus enclins à être dans un esprit coopératif plutôt que dans la compétition. Avec les logiques de partis, on a parfois du mal à voir en quoi ces derniers s’opposent, on est perdus. La politique devient un truc qui n’a plus de sens pour les citoyens qui ne sont pas engagés dans ces rouages-là.
Attente des résultats du second tour des régionales, au QG du PS, le 13 décembre 2015 à Lyon - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/AFP
Le premier pas, c’est agir. Il y a déjà plein de gens qui agissent dans des associations, qui s’impliquent dans les écoles de leurs enfants, dans un syndicat ou un CE d’entreprise, dans un parti politique... L’idée aussi, c’est de rencontrer des gens qu’on n’a pas l’habitude de rencontrer, de sortir de sa zone de confort, de parler à des gens sur lesquels on a des préjugés. Il faut peut-être aussi changer la manière dont la citoyenneté est enseignée à l’école. En Angleterre, ils ont un enseignement de la citoyenneté plus actif – des écoles sont notamment membres de la London Citizens. 
Qu’est-ce que le « community organizing » et comment ses participants agissent-ils ?
Le principe du « community organizing », c’est d’organiser des communautés de citoyens qui se réunissent autour de problèmes communs, d’intérêts partagés.
Le mot communauté a parfois un sens péjoratif en France, les Anglais en ont une utilisation beaucoup plus large : ils diraient par exemple que créer une association, c’est créer une communauté de gens qui partagent des intérêts, des opinions ou des valeurs.
Dans le modèle du « community organizing », on crée d’abord sa communauté d’intérêts, on identifie les sujets sur lesquels on veut agir et on se lance dans une enquête (quel est le problème ? D’où vient-il ? comment apporter une solution ?).
L’idée, c’est d’être dans la critique constructive : ne pas dire « on est contre ça » mais « on n’est pas contents et on pense que ça serait mieux ainsi, on est ouverts à la discussion ». Il faut pour cela dialoguer avec les personnes qu’on a identifiées comme responsables et qui ont le pouvoir de changer cette situation problématique.
Parfois, ces responsables ne vont pas vouloir nous rencontrer. C’est là qu’on va organiser des petites actions pour les interpeller, les forcer à nous recevoir. Comme l’idée est de susciter constamment des occasions pour que les gens se rencontrent, les actions sont conviviales, sympathiques, plutôt positives.
A Grenoble par exemple, pour un problème de poubelles non ramassées, ils ont apporté des sacs-poubelle dans le bureau du bailleur qui a fini par les écouter. En 2012, toujours à Grenoble, un autre combat a concerné des femmes de ménage dont on avait augmenté les cadences. Comme les demandes de rendez-vous restaient sans réponse, ils ont ramené du monde dans l’hôtel des impôts où les femmes étaient employées. Les gens sont arrivés avec des sceaux, des balais, des serpillères : « On va faire le ménage avec elles : elles ne peuvent plus le faire seules car les cadences ont été augmentées. » C’était une action visuelle pour les médias, qui décrit bien la situation problématique, qui mobilise du monde, qui est sympathique à faire. A Grenoble encore, les élèves sont allés faire classedans la mairie pendant un conseil municipal. Leur école, qui avait brûlé en 2012, a fini par être reconstruite.
Un homme regarde le panneau électoral, au sortir d'un bureau de vote lyonnais, le 13 décembre 2015
Un homme regarde le panneau électoral, au sortir d’un bureau de vote lyonnais, le 13 décembre 2015 - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/AFP
Par rapport à ce que je décris, vous pourriez vous dire qu’une communauté d’intérêts pourrait très bien porter sur quelque chose qui s’oppose à l’intérêt général. Dans le « community organizing », il y a une volonté de réunir des personnes différentes pour ne pas créer des groupes qui vont s’opposer à d’autres groupes dans la société. Les organisateurs sont là pour éloigner tous les sujets qui pourraient ne pas être progressistes. Pour cela, ils essaient toujours de remonter aux causes d’un problème plutôt qu’à ses conséquences qui pourraient diviser. L’idée, c’est de retisser la société civile dans son ensemble et ne pas monter des personnes les unes contre les autres. Il y a une visée humaniste derrière, l’idée de justice sociale, d’égalité...
Le fait de retisser des liens entre des personnes va recréer des liens de confiance pas officiels. Ce n’est pas comme voter tous les cinq ans pour une personne qu’on connaît à peine et à qui on fait moyennement confiance. On peut faire davantage confiance à quelqu’un qu’on voit régulièrement. Cela permet de redonner du sens à la représentation : mis à part certains élus qui font un travail de terrain, on ne connaît plus nos représentants et il n’y a pas de rendu compte du lien de confiance...
Petit à petit, les citoyens qui participent à des expériences de « community organizing » construisent un pouvoir et s’attaquent à des sujets sur lesquels ils ne pensaient pas avoir d’emprise. Ils vont plus loin dans les changements qu’ils proposent tout en continuant de mener des actions sur des sujets plus anecdotiques pour ne pas s’éloigner de la base et continuer à mobiliser du monde.
Ils utilisent aussi des moyens d’action classique (pétitions, manifs...) ?
Ils essaient d’utiliser ce qui va faire avancer les choses le plus rapidement possible. A Grenoble, ils n’ont jamais organisé de manifestations ; à Londres, si. Disons qu’ils ont globalement un répertoire d’actions plus larges. Sur les pétitions, ils vont souvent dire que ce n’est pas une action qui regroupe, qui va être conviviale. Dans leur manière d’agir, ils pensent toujours à développer l’exercice du pouvoir ainsi que les relations interpersonnelles entre les personnes qui d’habitude ne se rencontrent pas.
Le numérique fait-il partie des outils utilisés par ces groupes ?
Il l’est, forcément, mais ce n’est pas un outil principal. Ils ne se sont pas construits sur le numérique. Quand les réseaux sociaux sont apparus, ils ont même mis du temps à s’y mettre. En fait, le numérique seconde les moyens de mobilisation classique : quand ils organisent un événement, ils créent aussi un évènement Facebook par exemple.
C’est comme si les réseaux sociaux venaient seconder les vraies relations qu’ils ont construites. Ce n’est pas en créant un évènement Facebook que les gens vont venir en réunion. Eux disent que le meilleur moyen d’organiser une réunion, ce n’est pas d’envoyer un courrier, un e-mail ou distribuer des flyers, mais cela doit passer par la construction de liens – une personne vient en réunion parce qu’elle sait qu’elle va retrouver des personnes qu’elle connaît.
Quelles sont les relations entre les membres des « community organizing » et les élus ?
Ça dépend. London Citizens, par exemple, organise depuis 2000, avant chaque élection municipale, une assemblée qu’ils appellent « Accountability Assembly » [assemblée des responsabilités, ndlr]. Ce sont des grandes réunions qu’ils organisent eux-mêmes pour ainsi maîtriser toutes les règles du jeu (c’est un moyen d’action).
Avant chaque assemblée, ils font une campagne d’écoute auprès de tous leurs membres pour définir quels sujets vont être prioritaires. Ils vont ensuite travailler sur quatre propositions correspondant à des revendications. Ils demandent à chaque candidat politique : « Est-ce que, oui ou non, vous êtes prêt à agir, à mettre en place cette solution et si oui, êtes-vous prêt à nous rendre compte de la mise en place de cette action ? »
Ken Livingstone, maire de Londres de 2000 à 2008, avait bien joué le jeu en étant quand même critique. En tant que travailliste, il était plus proche d’eux idéologiquement que Boris Johnson, élu en 2008.
London Citizens n’est pas partisan : ils ne donnent pas de consigne de vote à la fin des assemblées. Ils essaient de rester très indépendants du pouvoir.
A Grenoble, quelles actions de l’Alliance ont abouti ?
Les femmes de ménage ont obtenu le retour à des cadences normales et certaines ont même été titularisées alors qu’elles enchaînaient les CDD, l’école des Buttes a été reconstruite, les étudiants étrangers de la fac ont obtenu l’ouverture d’un nouveau guichet d’accueil pour faciliter les démarches administratives... Il y a eu d’autres victoires.
Quels effets la participation a sur les gens ?
Il y a d’abord une prise de conscience de leur pouvoir. En impliquant les personnes dans une petite action qui aura de l’effet, elles vont prendre conscience qu’elles peuvent changer les choses. Il y a aussi une forme de reconnaissance : « C’est la première fois qu’on me demande mon avis, je ne pensais pas qu’il comptait. »
A travers toutes ces actions, l’idée, c’est aussi de développer des compétences politiques. Organiser des réunions, les animer, développer des compétences d’expression et de négociation... : ce sont des choses que les organisateurs essaient d’apprendre aux participants. Il y a des cours d’éducation au leadership. Ceux qui participent vont par ailleurs devenir plus engagés dans leurs activités, ça renforce leur engagement de citoyen.
L’engagement, l’action politique, ça s’apprend ?
Ça s’apprend notamment en se vivant, pas forcément en lisant des livres. Il faut pour cela que des gens nous entraînent à le faire – dans les deux sens du terme.
L’engagement, d’une certaine manière, ça s’apprend aussi. La motivation à s’engager se développe. Certaines personnes l’acquiert de par leur éducation ou leur parcours de vie, d’autres non. L’engagement peut se développer par des récits d’expérience, des rencontres, la prise de conscience d’injustices qu’on subies ou la prise de conscience qu’on a un moyen d’action dessus.
Après, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que les gens ont leur emploi du temps, leur vie personnelle... Les engagements, ça va et ça vient en fonction de ses envies, de son emploi du temps et d’autres contraintes de la vie.
Il faudrait peut-être changer la manière dont on peut participer à l’organisation de la vie en société : avoir plus de temps libre, des congés de citoyenneté payés, un revenu de base universel, etc.
http://rue89.nouvelobs.com/2015/12/14/pouvoir-faire-changer-les-choses-autrement-vote-262419

dimanche 13 décembre 2015

UTOPIE ? Un monument qui ne recense pas les morts mais qui parle de générosité, d'espoir, de paix... de fraternité


LE MONDE 13-12-2015

je crois qu’il faut se l’avouer, nous ne sommes pas à la mode, nous ne sommes pas dans l’air du temps. Nous, c’est ce petit groupe de gens réunis qui ont été embarqués par le réalisateur Christian Carion (il est difficile de résister à sa fougue chaleureuse), soutenu par le producteur Christophe Rossignon, pour exaucer un rêve.
Un rêve ancien. Celui du caporal Louis Barthas. Il faisait partie des soldats qui avaient fraternisé avec les Allemands, à Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras (Pas-de-Calais) au cours de la première guerre mondiale. Ces soldats qui, dans les deux camps, avaient stoppé la guerre pour imposer un moment de camaraderie, de fraternité. Et Barthas s’était dit que ce serait beau qu’on édifie un monument, rappelant ce moment d’audace, un monument qui ne recense pas les morts mais au contraire nous parle de paix, d’espoir, de générosité.
Le 17 décembre prochain, à 10 h 30, sera inauguré le monument dont rêvait le caporal Louis Barthas, à l’endroit même où il l’a imaginé. Sous le haut patronage du chef de l’Etat, dont, au moment où j’écris ces lignes, on ne sait pas encore s’il viendra, se réuniront des personnalités du monde politique, culturel et aussi des contributeurs de la société civile qui ont souhaité participer financièrement à l’édification de ce monument à la paix.
« Oui, nous communions dans le chagrin, le deuil des victimes. Mais cela ne nous empêche nullement de rêver à autre chose, même si cela paraît utopique »
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/13/celebrons-ces-soldats-de-1914-qui-ont-ose-fraterniser-avec-l-ennemi_4830736_3232.html#TiY1KQ5fsMS0trbt.99



extrait "CARNET DE GUERRE" Louis BARTHAS

« Ah si nous n’étions pas tous des lâches…..ceux qui la veulent la guerre viendraient ici à notre place. Nous verrions alors ! C’est trop tard, dis-je à mon tour, c’est avant qu’il fallait voir clair…. » « Souvent, je pense à mes nombreux camarades tombés à mes côtés. J’ai entendu leurs imprécations contre la guerre et ses auteurs, la révolte de tout leur être contre leur funeste sort, contre leur assassinat. Et moi, survivant, je crois être inspiré par leur volonté, en luttant sans trêve ni merci, jusqu’à mon dernier souffle, pour l’idée de paix et de fraternité humaine. »


http://fr.ulule.com/noel14/
extraits
Description du projet
" Dans le petit coin de l'Artois où je suis né, le souvenir du premier conflit mondial est partout.
Après s'être retirée, la guerre a laissé au milieu des champs des cimetières au gazon impeccable. Les cultures ont appris à épouser les contours de ces espaces où reposent des gamins de 20 ans venus d'Australie , de Nouvelle-Zélande , du Canada , de Grande-Bretagne et d'ailleurs.
Chaque automne, mon père et moi ramassions des obus ramenés à la surface par les labours. Nous les portions dans nos bras pour les déposer à l'entrée de nos champs. Ensuite, une 4 L de la préfecture venait les charger comme des pommes de terre pour les emporter mystérieusement. Des chercheurs ont estimé que pendant sept siècles encore, la terre racontera, à sa manière, la guerre de 1914-1918.
Les 11 novembre, j'allais chanter La Marseillaise avec mes camarades de classe sous le regard glaçant d'un poilu en pierre, juché sur une colonne dont nous devions lire , à haute voix, chaque nom et chaque prénom.
Nous habitions dans des maisons dont aucune ne datait d'avant les années 1920.
Parfois l'une d'elles s'affaissait car construite sur une ancienne sape souterraine creusée par les soldats. Ces sinistres étaient considérés comme un dommage de guerre et l'Etat indemnisait la famille …1914-1918 n'était pas seulement une date inscrite sur les pages de mon cahier d'écolier. C'était le décor de mon enfance.
Plus tard, j'ai lu des témoignages de soldats, des livres d'histoire sur cette guerre qui a changé le monde.

En 1992, j'ai découvert les fraternisations de Noël 1914, dans le livre d'Yves Buffetaut, Batailles de Flandres et d'Artois (Tallandier, 1992). J'apprends que des soldats français ont applaudi un ténor bavarois le soir de Noël, que d'autres ont joué au football avec les Allemands le lendemain, qu'il y a eu des enterrements en commun dans le no man's land, des messes en latin.

Diane Kruger et Gary Lewis dans "Joyeux Noël"
Rentré chez moi, j'ai compris plusieurs choses. Les fraternisations de Noël 1914 impliquèrent un nombre considérable de soldats, en plusieurs endroits du front, toutes nationalités confondues.
Les états-majors ont été pris de court par ces « débordements ».
Ils se sont employés à remettre de l'ordre en déplaçant les unités «contaminées», selon l'expression d'un officier supérieur de l'époque.
Des Ecossais, engagés volontaires, furent renvoyés chez eux après deux semaines passées à prendre le thé avec les Allemands, à jouer au foot ou à organiser des visites de tranchées de part et d'autre pour comparer et améliorer les conditions de « travail ».
Personne ne fut passé par les armes pour fraternisation, car trop de gens étaient mêlés à l'affaire. Le « fusillé pour l'exemple » n'avait pas encore été inventé.
Il fallut tout de même casser les fraternisations et, côté français, leur mémoire surtout. N'avait-on pas éduqué tout un peuple pour qu'il puisse, le moment venu, offrir sa jeunesse au champ d'honneur ?
Et, l'espace d'un soir, tout ce travail a été réduit à néant à cause d'un chant venu d'en face, du son d'un harmonica ou d'une cornemuse, d'une bougie qu'on a allumée là-bas pour guider ceux qui s'avançaient, sans armes, sur le no man's land.
Partis le 3 août, ces hommes avaient tout oublié à la Noël ? C'était à n'y rien comprendre .
En Grande-Bretagne et en Allemagne, les journaux ont relaté les phénomènes des fraternisations. Sur les rives de la Tamise, des photos furent publiées par la presse.
En France, pas une ligne sur le sujet. Les journaux avaient été transformés en outils de propagande au service de l'armée et du pouvoir.
Les fraternisations ne pouvaient trouver un quelconque écho.
Mais pourquoi personne n'avait-il parlé de ces fraternisations, une fois le conflit terminé ? Aucun ouvrage sur le sujet, aucune recherche… Je ressentais ce silence comme une deuxième punition à l'égard des hommes de Noël 1914.
Ce sentiment d'injustice a fait naître en moi le désir profond de réaliser le film Joyeux Noël.

J'ai alors retrouvé les mêmes postures qu'à l'époque, toutes proportions gardées. Une minorité au sein de l'armée française m'a empêché d'avoir accès à un terrain militaire pour reconstituer le champ de bataille.

La Grande Muette ne pouvait être « partenaire d'un film sur des rebelles », m'a-t-on expliqué.
Rebelles…
Le même mot se retrouve dans les comptes rendus de 1914.
La mort dans l'âme, nous nous sommes exilés en Roumanie et le film s'est fait, malgré tout, avec l'énergie de tous, acteurs et techniciens.
A la sortie du film, j'ai été pris à partie par quelques historiens qui se sont sentis visés lorsque je disais ne pas comprendre l'absence de recherches sur le sujet.
On m'a reproché d'en faire trop à propos d'une anecdote. Il n'y aurait eu que deux soldats qui se seraient serré la main, mon film portait sur ces deux-là…
Quelques mois après la sortie du film, on m'a demandé de réaliser un documentaire, afin d'authentifier les faits de fraternisation présentés dans le film.
J'ai voulu retourner aux archives militaires pour filmer les preuves. A Vincennes, je fus accueilli par un jeune civil qui avait préparé tous les dossiers que j'avais consultés, avec quelques difficultés, treize ans auparavant. Il me demanda si je voulais voir d'autres choses.
Et il me montra les archives du 2e bureau, les services secrets français.
Je fus abasourdi en découvrant que l'état-major avait dépêché sur les lieux des fraternisations des officiers des services secrets, pour savoir et comprendre.




Barthas, Louis (1879-1952)


 http://www.crid1418.org/temoins/2008/02/09/barthas-louis-1879-1952/
barthas.jpg
1. Le témoin
Né à Homps (Aude) le 14 juillet 1879, fils de Jean Barthas, tonnelier, et de Louise Escande, couturière. La famille s’installe ensuite à Peyriac-Minervois dans le même département. Louis Barthas est allé seulement à l’école primaire, mais il a été reçu 1er du canton au Certificat d’études. Grand lecteur : dans son témoignage de guerre figurent de nombreuses citations tenant à l’histoire (Valmy, Crécy, Attila, Turenne, Louis XIV, Louis XVI, Napoléon, chevalier d’Assas, César, les Francs et les Wisigoths), à la littérature (Victor Hugo, Anatole France, Goethe, Mme de Sévigné, Courteline, André Theuriet, Dante, Homère), à la mythologie (Bacchus, Damoclès, les Danaïdes, Tantale, Mars, Vulcain, Borée).
Marié. Deux garçons, 8 et 6 ans en 1914. Tonnelier et propriétaire de quelques arpents de vigne.
Il se dit lui-même chrétien, il est de culture catholique (Jésus, le Calvaire, Sodome et Gomorrhe). Anticlérical sans excès (allusion aux rigueurs de l’Inquisition, au supplice du chevalier de la Barre).
Adhère au parti socialiste (très nombreuses allusions anticapitalistes). Antimilitariste.

Sa situation ne change pas après la guerre. Il meurt à Peyriac-Minervois le 4 mai 1952.

POUR ALLER PLUS LOIN :
http://audealaculture.fr/sites/default/files/Archives/carnet_14-18_interieur.pdf

vendredi 4 décembre 2015

Un tigre se lie d'amitié avec le bouc... qu'il devait manger

Un tigre est devenu le meilleur ami d’un bouc qui devait lui servir de dîner, dans un parc safari de l’Extrême-Orient russe.

Deux fois par semaine, les tigres du parc safari Primorski, situé à environ 70 km de Vladivostok en Russie, « mangent des animaux vivants dans le cadre d’un programme de reproduction en captivité», explique l’administration de l'établissement. Mais « le tigre baptisé Amour n’a pas voulu manger le bouc Timour parce que ce dernier s’est avéré être très courageux et ne savait pas qu’il fallait avoir peur d’un tigre».
Pour sa part, le bouc a pris le carnassier «pour son chef et il le suit partout», passant même plusieurs jours dans l’abri construit pour Amour sans qu’«aucune agression ne soit constatée» de la part du tigre. Tous les jours, «ces amis inséparables, le tigre et le bouc, se promènent ensemble» dans le parc, se félicite le directeur de l’établissement Dmitri Mezentsev qui met régulièrement en ligne des photos et des vidéos de leur vie quotidienne.
Agé de trois ans, Amour marche toujours le premier, de manière majestueuse, lors de ces promenades à travers la forêt et les neiges abondantes dans le parc, alors que Timour le suit pas à pas, sous le regard plein d’envie des autres tigres qui vivent dans une autre partie séparée par des grillages.
Lorsqu’ils font une pause, le tigre et le bouc s’allongent dans la neige l’un près de l’autre et restent longtemps à se regarder ou contempler le paysage. «C’est une situation extraordinaire, incroyable, phénoménale... Mais c’est la réalité! Ce sont de grands amis et ils sont heureux ensemble!», souligne M. Mezentsev.

http://www.dna.fr/actualite/2015/12/04/un-tigre-se-lie-d-amitie-avec-le-bouc-qu-il-devait-manger

jeudi 3 décembre 2015

Comment briser le cercle de la vengeance

MEDIAPART 02-12-2015
Réflexions sur les politiques antiterroristes liées aux attentats du 13 Novembre 2015. «Toi qui les a tué. Dis toi bien que ta violente bêtise ne m’entrainera pas vers la bêtise de la violence. Je ne veux pas que l’amour que tu as tué, se convertisse en haine et en guerre, ce serait te faire trop de plaisir.»
la sociologie politique des conflits nous apprend que le premier élément de réflexivité nécessaire à l’analyse est de percevoir le mimétisme entre des adversaires qui ne cessent de jurer leur différence radicale, poussant l’autre dans l’inhumanité et promettant son éradication totale et finale. Malgré les dissymétries existantes en terme de représentativité de communauté, de processus électoraux, de systèmes normatifs, les pratiques d’acteurs engagés dans des violences extrêmes finissent par les indifférencier au fur et à mesure de la lutte, cette dernière engageant dans une réciprocité des actes de violence, dont la monotonie et la bêtise ne sont qu’un des aspects les plus apparents. Aux bombes succèdent les bombardements à moins que ce ne soit l’inverse. Un peu comme dans la pièce “qui a peur de Virginia Woolf?” chaque adversaire tend à justifier sa violence par une phrase enfantine: “ce n’est pas moi qui ait commencé”, en tentant de repousser ainsi l’origine du premier acte violent sur celui qu’il dénonce. Le processus d’accusation que François Tricaud avait, il y a bien des années, exploré, repose sur cet élément quasi magique où la désignation de l’origine de la violence du côté de l’adversaire, sert non seulement à l’accuser d’être un fauteur de troubles qu’il faut détruire, mais il provoque aussi, et surtout, une “purification” de la violence de retour, celle par qui l’on se venge, celle par qui on applique la loi du talion. Cette dernière n’est plus violence, elle est convertie en “sécurité”. Cette violence là produit des effets non négligeables politiquement. Elle permet de rassembler des foules contre l’adversaire désigné, même lorsque ce dernier reste flou. Elle permet de lier ensemble ceux qui s’opposent habituellement à travers des écarts distinctifs en jouant de l’unanimisme et elle brouille ainsi les repères ordinaires. Elle justifie l’accumulation de moyens permettant non seulement de rendre coup pour coup mais aussi d’intensifier la violence par une escalade visant à briser l’adversaire.
Cette loi du talion qui se fonde sur la nécessaire réponse à la violence par une violence identique ou un peu plus forte, est déjà une régulation par rapport à la violence totale. Elle se fonde sur un jeu d’accusation réciproques où chacun s’estime victime de l’autre et justifié dans son combat. Et c’est ce que René Girard avait désigné comme le ressort d’une violence-vengeance ne finissant qu’avec la résolution de la crise par la création de boucs émissaires, de victimes différentes de ceux qui ont perpétré la violence mais qui sont ou passent à proximité. C’est ce mécanisme qui permet même parfois de prendre pour cible des “ennemis” éloignés de ceux qui sont censés avoir frapper en premier, mais qui sont “commodes” car ils sont moins difficiles à combattre, parce qu’ils n’ont ni armes, ni cohésion sociale, et parce qu’ils sont souvent plus proche et saisissables, car quasiment “sous la main”. Cette violence là peut parfois se dire militaire, policière, judiciaire et les institutions peuvent la voiler de nombreux régimes de justification allant de la survie du régime à la protection des citoyens en passant par la condamnation morale des valeurs inférieures de l’autre. Mais cette violence là n’est pas la guerre, elle n’est pas la lutte contre le crime, elle est une forme de vengeance qui tourne à la colère froide et à la prolongation des actes de coercition lorsque le plus puissant s’est vu agressé et considère qu’il est dans son “bon droit”. Cette forme de vengeance qui se détache souvent des oripeaux de la justice dans son expression et se veut tout autant exceptionnelle que permanente, ne produit que très rarement l’extinction du conflit, elle en devient au contraire le moteur, en agissant souvent de manière indiscriminée par l’élargissement des cibles suspectes, et en polarisant des groupes jusque là peu concernés en deux camps résolus à en découdre. Elle peut parfois, en particulier lorsque le régime est fort, lorsque la cause semble entendue et que l’horreur de la violence spectaculaire de l’autre révulse tout un chacun, mobiliser jusqu’à des quatre vingt dix pour cent d’une population sur un territoire donné, mais, si dans le même temps, elle a contre mobilisé ne serait ce que cinq à dix pour cent, d’individus, prêt à passer à l’action, elle a finalement échoué. La vengeance du fort, lorsqu’elle se départit des procédures ordinaires de justice- procédures qui supposent des évidences, la présomption d’innocence, et une justice criminelle rigoureuse mais extrêmement précise, calibrée, proportionnée- ne règle pas à long terme de conflits, elle ne fait que l’arrêter momentanément et le repousser de quelques mois, de quelques ans ou d’une génération.
Que l’on prenne les luttes des organisations clandestines d’ ETA, de l’IRA, ou du FPLP, et les réponses que les gouvernements leur ont apporté initialement, on voit que c’est uniquement en se détournant de ce premier moment d’horreur et de colère, de noirceur patriotique exacerbée qui tend à exclure de la communauté les multiples marges qui la constitue dans sa diversité, que l’on peut aborder une politique effective de l’antiterreur. Le good Friday agreement est certainement difficile et peu à l’ordre du jour à l’échelle mondiale, mais il pourrait y avoir, au minimum, une réflexion sur la reconnaissance des enjeux politiques et sur le manque d’avenir des solutions qui prétendent que la violence technologique détruira la barbarie et empêchera sa réémergence sous d’autres formes.
La violence et la guerre sont elles une réponse à la violence des attentats? Pour certains, cela ne fait aucun doute. C’est le seul moyen d’arrêter la violence en imposant une violence plus forte, tellement forte qu’elle arrêtera la première, et qu’elle dissuadera d’autres de recommencer. Dire que la guerre est nécessaire revient souvent à ce premier moment, à cette première croyance dans l’efficace de la violence armée comme moyen de sécurité. Et pourtant, parmi les hommages aux victimes, pas de demande de guerre, pas de cris de vengeances, pas d’applaudissements massifs envers les déclarations d’unanimisme guerrier et combatif, plutôt une célébration de la jeunesse et des valeurs d’amitié, et une résignation, comme s’il s’agissait d’une fatalité. Nous sommes loin des attentats de Charlie Hebdo et d’un unanimisme qui avait finalement divisé et laissé un gout amer dans la bouche de nombreuses personnes étant sous obligation de prononcer publiquement leur “ralliement”. Seul l’unanimisme officiel des chefs d’Etat continue, comme s’il représentait celui des sociétés civiles. Et le premier, se pare des plumes du second, pour lui faire dire son accord avec plus de coercition et de surveillance, plus de “renforcement de mesures dites antiterroristes”. Seulement ces mesures provoquent une inflation législative antiterroriste et, loin d’être une réponse aux attentats, elles ont finalement peu à voir avec ce qui s’est produit. Elles risquent de constituer, non une solution à la violence politique qui vient de se produire, mais au contraire une ultra solution, c’est à dire une solution qui engendre plus de problèmes qu’elle n’en résout. Cette ultra solution devient elle-même source d’une dynamique engendrant une escalade de la violence transnationale. Elle déploie des moyens voués à l’échec, à l’image de ce que Watzlawick décrivait lorsqu’il parlait de ‘comment réussir à échouer’ quand on s’entête dans le renforcement de mesures inadaptées, spectaculaires peut-être mais inappropriées.
Peut-on faire autre chose qu’intensifier la violence là-bas et le contrôle ici, dira-t-on? La surveillance approfondie n’est-elle pas la solution, et les libertés retrouvées de demain, après la victoire, ne valent elles pas une restriction des libertés d’aujourd’hui? A moins que… A moins que cette violence là-bas n’exacerbe encore plus la violence ici, à moins que le contrôle d’ici ne fabrique les conditions de la discrimination et de la polarisation asymétrique nécessaire à l’éclosion de la haine et de la violence?
Qu’est ce que l’excès? Peut il y avoir excès en comparaison à la cruauté adverse?  Pour moi, la réponse est oui, même s’il est difficile de l’entendre dans le temps de l’émotion. L’excès de la réponse est une question légitime, le premier acte de distanciation et de réflexivité d’une société démocratique, car il plus facile d’agir sur soi que sur l’autre, et au minimum, cette réflexion suppose de ne pas se laisser entrainer dans une spirale détruisant par ses pratiques, les valeurs que l’on dit défendre.
Il s’agit donc d’éviter le maximalisme et les surenchères sécuritaires où l’évocation de la sécurité devient comme un torrent en cru, qui charrie certes la protection et son bouclier, mais aussi le nationalisme chauvin, l’égoïsme, la discrimination, ainsi que les idéologies nauséabondes de la supériorité raciale. Réfléchir ensemble, au delà des jeux électoraux, à la nécessité du contrôle, à la proportionnalité de la violence, au refus des amalgames et des prétextes multipliant les cibles hors du périmètre initial, juste parce qu’elles sont disponibles, est le seul moyen de conjurer les effets d’un état d’urgence qui reconfigure les pratiques concrètes de justice et liberté qui sont au cœur de la légèreté de l’être qui a été brisée avec les assassinats aux terrasses. La réflexion sur les limites de la sécurité et sur ses possibles excès suppose dès lors de garder, bien accrochée au cœur, l’idée de justice, de présomption d’innocence, et non celles de vengeance et de suspicion. Un excès de la “réponse” peut précipiter le monde dans autant de problèmes qu’une absence totale de réponse, les deux se rejoignent dans l inefficacité et l’absence de légitimité, n’en déplaise à ceux qui cherchent à les opposer et proposent une solution technique de sécurisation maximale par le contrôle et la surveillance globale préventive et prédictive.
Nous savons depuis le 14 Septembre 2001 et le choix d’une guerre au terrorisme que cette “solution” a été toute aussi mortifère que son origine prétendue les attentats du 11 Septembre. Nous savons que Madrid avait montré la voie d’une autre solution, plus judiciaire et n’avait pas déclaré la guerre au Maghreb. Nous savons aussi à quel point Londres a réintroduit l’image d’un ennemi, non plus infiltré, mais “intérieur” et a transformé l’attitude de nombreux pays en développant une paranoïa politique dirigeante gagnant de proche en proche toutes les institutions, évitant de peu le Maccarthysme planétaire. Nous savons enfin que les pratiques illibérales des régimes politiques libéraux ne rétablissent pas la paix, elles ne font que, d’une part, faire monter électoralement les extrémistes politiques sécuritaires, qui demandent toujours plus et ne sont jamais satisfaits des moyens mis en œuvre, et d’autre part elles donnent des prétextes à ceux qui s’éloignent du droit et des valeurs qu’ils défendent, favorisant ainsi ceux qui recrutent pour les frapper: Guantanamo, Abu Ghraib, la torture, les assassinats extrajudiciaires par les drones sont là pour nous rappeler que cette circularité de la violence n’est pas une vue de l’esprit mais un mécanisme social et politique de première importance. Chaque fois la sécurisation s’est invertie en insécurisation et a emballé le phénomène au lieu de le stopper. Alors que l’Espagne et la Norvège ont connu les pires attentats de leur histoire, leurs gouvernants ont eu le courage de répondre différemment en renforçant la voie judiciaire, et on serait bien inspiré de suivre leur exemple au lieu d’emprunter le chemin des expériences anglo-américaines. Mais, ici, pour l’instant, nos dirigeants français actuels se sont au contraire engagés dans cette pente facile et répétitive de la violence-vengeance qu’ils veulent nommer guerre, mais qu’ils ne veulent ou ne peuvent ni déclarer officiellement, ni véritablement conduire.
L’accélération des bombardements, l’alliance avec la Russie sur des régions de la Syrie, qui concourent aux départs de réfugiés que dans le même temps on cherche à bloquer à nos frontières, en ne mettant la focale que sur la souveraineté du droit à contrôler les frontières face aux “migrants”, débouche sur des contradictions majeures. On commence à oublier les obligations internationales sous prétexte que deux des acteurs clandestins seraient porteurs de passeports syriens, et l’on voit comment des rhétoriques qui associent terrorisme avec migrants et réfugiés s’insinuent dans le débat et mettent en péril la libre circulation de l’espace Schengen de l’Union Européenne, et derrière elle toute la convivialité des terrasses parisiennes et de leur cosmopolitanisme. On voit aussi, simultanément, un élargissement des cibles des perquisitions par les préfectures, autorisées hors de tout mandat judiciaire par la loi du 20 Novembre et qui commence à s’appliquer à toutes les marges de population que l’on pense indésirable et que l’on noie dans des suspicions catégorielles. Les préfectures ont commencé à perquisitionner, non pour rechercher de potentiels jihadistes, mais bien au delà, pour trouver de la drogue (shit) ou des dortoirs et ateliers clandestins, quand ce n’est pas des militants écologistes. Le Ministre de l’Intérieur Cazeneuve s’est senti obligé de faire un rappel à l’ordre qui, dans ce cas justement, est un rappel à l’Etat de Droit, et on peut lui en savoir gré, mais les discours très autoritaires de Manuel Valls vont au contraire dans le sens du laisser-faire administratif. Il en résulte un début d’emballement mimétique qui doit être stoppé avant que la réciprocité et le mimétisme des adversaires ne deviennent que trop vrais et n’engagent dans un échange accéléré des coups violents.



vendredi 27 novembre 2015

Un réfugié syrien nourrit les sans-abri à Berlin

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/27/un-refugie-syrien-nourrit-les-sans-abri-a-berlin/
Alexanderplatz (Berlin), le 26 novembre.
Alexanderplatz (Berlin), le 26 novembre. TOBIAS SCHWARZ / AFP
La photo a été vue près de trois millions de fois sur le site de partage d'images Imgurdepuis son ajout il y a trois jours. On y voit un homme qui semble occupé à cuisiner en pleine rue. Scotché à sa table, un message : « Rendez la pareille aux Allemands. » Sur une autre feuille, on peut également lire : « C'est un projet chrétien germano-syrien, pour aider les sans-abri ou quiconque en aurait besoin ici, en Allemagne. Notre but est de rendre la monnaie de leur pièce à ceux qui nous ont aidés (…). »
En réalité, le cliché vient de la page Facebook d'un Allemand, Tabea Bü, qui l'a posté le 22 novembre dernier. Il raconte avoir rencontré, dans une association de soutien aux réfugiés, un Syrien nommé Alexander Assali. Avec son post, Tabea Bü souhaite surtout rendre hommage à cet ami qui « [l']impressionne ». Il raconte dans son commentaire qu'il a pris la photo à Alexanderplatz (en plein cœur de Berlin) et qu'Alexander a dû fuir de son pays face à des menaces de mort, en « laissant sa famille derrière lui ». Tabea Bü ajoute qu'« il a tout perdu ».
Son histoire, reprise par de nombreux médias internationaux, fait aujourd'hui le tour du monde. Alexander Assali aurait fui Damas en 2007 à cause de ses « opinions politiques », révèle le site BuzzFeed. Il se serait alors réfugié à Tripoli, en Lybie, avant de rejoindre l'Allemagne l'année dernière. Aujourd'hui installé à Berlin, il aurait décidé, dans le cadre d'un programme de solidarité chrétien, de remercier l'Allemagne de l'avoir accueilli. Ainsi, depuis le mois d'août, Alexander prépare tous les samedis des plats traditionnels syriens et en distribue des portions gratuites aux sans-abri près du métro. « Nous voulons être un aspect positif de la communauté allemande », a-t-il confié au quotidien britannique The Independent

mercredi 25 novembre 2015

l'écologie pratique, sans politique, sans moyens, à la portée de tous



De la Pointe aux oies) Nous sommes en novembre et le soleil fait doucement tomber les manteaux sur la plage de la Pointe aux oies, près de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Sur le sable, des kitesurfeurs, des promeneurs mais aussi une soixantaine de motivés, sacs-poubelle à la main. Ils ne sont membres d’aucune organisation, beaucoup ne se connaissent pas. Ensemble, ils vont passer un bout de leur dimanche après-midi à ramasser les déchets de la plage, bénévolement, le sourire aux lèvres.
Le groupe des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Le groupe des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Leur venue est le fruit d’un bouche-à-oreille qui marche bien, depuis des années. Moi-même, j’ai été alerté par l’e-mail d’un lecteur de Rue89 qui vit dans le coin  :
«  J’connais un gars qui ramasse des déchets depuis plus de huit ans sur la Côte d’Opale. Ce gars-là ne fait pas ça pour être une star, ni pour le buzz, ni pour faire le beau à la COP21. Il n’a pas non plus décidé de sauver la planète : avec ses potes, il invite “les gens” à se joindre à lui, tous les mois, toute l’année, pour ramasser les déchets que l’on trouve sur les plages sensibles du coin. »

Un « groupe de potes »

Thomas Hemberger explique comment ramasser les déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Thomas Hemberger explique comment ramasser les déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Nous avons contacté ce fameux gars, qui s’appelle Thomas Hemberger.
Il nous a raconté comment l’aventure a démarré  :
« Au début, on était trois ou quatre à vouloir faire quelque chose et à se balader avec un grand sac-poubelle.
On s’est structurés et on a créé une association, Nature libre. On a commencé à être plus nombreux, des gens croyaient même qu’on faisait des travaux d’intérêt général !
En 2010, on a reçu des premières subventions, on a mis en place un vrai programme de ramassage, suivant les saisons et les marées. Depuis, on est entre 50 et 70 à chaque ramassage mais ça ressemble toujours à un groupe de potes, c’est super horizontal. »
Cette drôle d’organisation fonctionne très bien. En 2014, 6 tonnes de déchets ont été ramassées. La journée record : 180 participants, 1 760 kg de déchets.
Des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
On a interrogé les présents, dont beaucoup viennent pour la première fois : qu’est-ce qui les motive à renoncer à tout ce que peut offrir un dimanche pour ramasser des déchets ?
Elisabeth, 67 ans, a entendu parler de l’opération en faisant ses courses dans un magasin bio  : 
Elisabeth ramasse les déchets à la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Elisabeth ramasse les déchets à la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
« Je n’avais rien à faire, je suis venue. Je ne pense pas être écolo pour la politique, par contre j’aime l’école pratique, dans mon quotidien. »
Plus loin, une famille m’explique  :
« On a vu ça dans le journal gratuit, on s’est dit que c’était une bonne idée pour les enfants, on devait aller à une brocante mais finalement on est venus là. »

« On se sent comme un petit héros »

Denis Blot est sociologue à l’université de Picardie. Il a commencé à venir aux collectes de déchets dans le cadre d’une étude sur les déchets sauvages pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Maintenant, il vient parce qu’il aime ça.
Je lui demande : mais pourquoi diable tant de gens consacrent leur dimanche à mettre les mains dans les rebuts ?
« Ce n’est pas facile de vivre avec la sensation que ce qu’on aime autour de nous se dégrade. Donc certaines personnes sautent sur l’occasion de faire quelque chose dès qu’elle se présente. Le nettoyage n’est pas extrêmement utile en soi, mais vivre sans serait difficile.
Nos meilleurs souvenirs de collecte, c’est quand il fait un temps pourri. L’an dernier, le 21 décembre, on était une petite dizaine, dont la moitié habillés en père Noël. C’était dur, il neigeait, mais c’est un super souvenir.
Dans nos vies, on n’a pas souvent l’impression de faire quelque chose de bien ; là, on se sent comme un petit héros. »
En discutant avec certains participants, on comprend petit à petit que ces sessions dominicales sont aussi un exercice de réflexion intense.

« Prisonniers de ce qu’on fabrique »

Jonathan – celui qui qui m’avait envoyé un mail – aime beaucoup ramasser les petits tubes que l’on trouve par centaines sur la plage. Il demande aux gens : « A votre avis, c’est quoi ? »
Des tubes de Coton-Tige dans la main de Jonathan sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Des tubes de Coton-Tige dans la main de Jonathan sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Réponse : des tubes de Coton-Tige. On les jette dans les toilettes, comme si l’eau était une poubelle. Ceux-ci sonttrop fins pour être filtrés par les stations d’épuration, ils finissent dans les rivières puis dans la mer, qui en ramène inlassablement une petite partie sur la plage.
C’est l’occasion d’expliquer où part l’eau quand on tire la chasse, mais aussi de lancer de longues réflexions sur notre rapport aux déchets.
Et ça ne laisse pas indemne, comme me l’explique Jonathan  :
« Pour moi, ça a changé plein de choses. Je me dis que l’être humain est un génie pour fabriquer des choses mais qu’il ne sait pas du tout ce qu’elles deviennent. On est un peu prisonniers de tout ce qu’on fabrique en fait. Je n’achète plus rien d’emballé, grâce à ça je ne jette presque plus rien à la poubelle. J’ai débranché mon frigo aussi. »

« Décider de ce qui est naturel ou non »

J’accompagne Denis pendant quelques mètres. Je l’observe et ça me confirme que se baisser pour ramasser les détritus fait travailler les méninges  :
Laisse de mer à Audresselle
Laisse de mer à Audresselle - F. Lamiot/Wikimedia Commons/CC
« On essaye de ne pas toucher à ce qui est naturel pour ne pas l’abîmer. Par exemple, il y a souvent des filets de pêche coincés dans des algues dans la laisse de mer.
On n’y touche pas, parce que c’est un véritable écosystème, de nombreuses espèces en dépendent. Si on les retire, on aura un site propre mais ce serait un site mort.
C’est paradoxal, quand même. Ça veut dire que l’homme qui veut préserver la nature doit décider de ce qui est naturel ou non. »
Il m’emmène un peu plus loin :
« Ça, par exemple, c’est quoi  ? C’est un mélange de roches et de métaux sur lequel sont accrochés des filets en plastique et des algues. On ne va pas le jeter ! Je crois qu’on va devoir se résoudre à laisser une bonne partie de notre environnement devenir une hybridation entre du naturel et du manufacturé. »
Denis Blot s'interroge sur la nature des déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Denis Blot s’interroge sur la nature des déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89

Collecteurs de déchets anonymes

Thomas confirme que les participants réguliers se posent beaucoup de questions, et que ces sessions l’ont transformé :
« Quand tu te balades sur la plage avec un sac, tu comprends que la majorité des déchets vient de la terre, arrive dans la mer par les fleuves et les rivières, et est en partie ramenée sur la plage par la mer.
Tu ne peux pas chercher les coupables, tu es obligé de te dire que la solution, c’est de produire moins de déchets, tu comprends que c’est la société de consommation le problème.
On ramasse six tonnes de déchets par an. C’est pas ça qui va sauver le monde. Par contre, ça nous permet de construire une vraie relation avec notre environnement, on l’observe, on le défend un peu, on développe une vraie sensibilité, c’est très fort et très beau. »
Pour moi, le plus fort et le plus beau, ce n’est pas que tant de gens dévouent leur jour de repos à ce ramassage, ni même que mettre les mains dans la merde permette à certains de révéler un peu de la fraîche beauté du monde.
Capture d'écran d'évènements et groupes locaux consacrés au ramassage des déchets sur Facebook
Capture d’écran d’évènements et groupes locaux consacrés au ramassage des déchets sur Facebook
Non, le plus fort et le plus beau, c’est que des gens comme ça, on en trouve partout. Denis tente de faire un inventaire de ces collecteurs anonymes en France. C’est très difficile :
« Il y a des gens qu’on ne repérera jamais. Je pense à une personne dont on m’a parlé qui ramasse seule les déchets sur 3 km de plage.
Des gens comme ça, il y en a des centaines en France. Ils pourraient aller voir leur maire, pour dire “c’est sale là-bas”, mais ils préfèrent s’en charger eux-mêmes.
Ils se réapproprient ces espaces, c’est une forme de démarche politique. »

« Je me vois comme un sportif »

J’ai ainsi rencontré Ronald, qui ramasse des déchets dans la nature du côté d’Hesdin (Pas-de-Calais). Il a tenté de rameuter du monde via Facebook, mais pour l’instant, il est le plus souvent tout seul.
Frédéric Vincent, lui, nettoie seul les bords des routes près de Calais depuis quinze ans. Il m’a expliqué sa démarche :
« On me parle souvent de gens qui ont été vus sac-poubelle à la main en sortant d’un champ ou d’un chemin. Je pense que même si la majorité ne fait rien, il y a beaucoup de ramasseurs de l’ombre.
Moi, j’ai commencé parce que ça me dégoûtait de voir les merdes des gens un peu partout. J’étais en colère, je m’habillais même en tenue militaire.
En parlant avec les gens, j’ai compris que ça ne servait à rien de faire la guerre. Je fais maintenant de la sensibilisation dans les écoles, j’ai installé des panneaux sur les bords de routes.
Je ramasse toujours tout seul, c’est vrai que physiquement, je dérouille, mais je me vois comme un sportif qui travaille dur pour atteindre un jour une performance exceptionnelle, c’est-à-dire que les enfants du coin aient un monde meilleur. »
En l’écoutant, je repense aux mots de Jean Giono, vantant le travail solitaire d’Elzéard Bouffier, ce personnage de la fiction « L’Homme qui plantait des arbres » (Revue forestière française, 1973), qui, pendant toute sa vie, a tenté dans l’anonymat de restaurer la nature, en « reforestant » un bout de Provence désertique :
« En même temps que l’eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre. Mais la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement. [...]
Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique ? [...]
Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu. »
Thomas Hemberger rit en posant un casque déposé par la mer sur plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Thomas Hemberger rit en posant un casque déposé par la mer sur plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
source
http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/24/ramasseurs-lombre-nettoient-nature-sans-sen-vanter-262249