mercredi 30 septembre 2009

lessive éco-économique

A base de savon de Marseille, cette recette de lessive est très économique. Elle lave le blanc et la couleur en profondeur et en douceur. Les huiles essentielles parfument agréablement le linge.

Pour 3 l de lessive liquide :
- Eau
- Savon de Marseille
- Bicarbonate de soude
- Huile essentielle de citron ou lavande ou autre


Râper 35 g à 40 g de savon de Marseille ou l'acheter en paillettes. La dose de savon dépendra de la consistance désirée pour la lessive. Faire des copeaux assez fins, pour que le savon se dilue facilement.
Jeter les copeaux en pluie, avec 3 CS de bicarbonate de soude, dans 1 litre d'eau très chaude. Mélanger puis laisser de côte une heure. Allonger avec 1 litre d'eau tiède et mettre en bidon (3 litres) à l'aide d'un entonnoir.. Filtrer s'il reste quelques morceaux de savon. Parfumer avec une dizaine de gouttes d'huile essentielle de citron.
Le lendemain, allonger à nouveau la lessive - qui aura bien épaissit - avec 1 litre d'eau froide. Secouer bien le bidon pour tout mélanger.
* CS = cuillère à soupe
seul souci c'est que le savon se solidifie dans la bouteille ou alors il peut etre dilué dans un seau et mis en bouteille seulement le lendemain.

les vélos, l'affaire de tous !

A PROPOS DE L INTERDICTION DE DEPOSER LES VELOS DANS L ENTREE DE L IMMEUBLE _ courrier au syndic.... réponse négative.
Bonjour,

Etant toute nouvelle habitante de l'immeuble n° 11 quai Finkwiller, je me permets d'apporter une vue « extérieure » au problème de la présence des vélos dans le hall d'entrée.

Je comprends les personnes qui aimeraient voir une entrée dégagée, esthétiquement claire, et se sentant certainement plus rassurées car elle permet l'accès, par exemple, des pompiers en cas de feu.

Je comprends également celles qui utilisent leur bicyclette tous les jours comme seul moyen de locomotion pour aller en fac ou au travail.

Je comprends les gens qui ne veulent pas monter leur engin au 4ème étage et le suspendre dans le salon (c'est mon cas... c'est un choix personnel que je peux me permettre en partie parce que je ne l'utilise pas tous les jours mais une fois par semaine, en loisir sportif, donc monter et descendre toutes ces marches est déjà intégré dans l'effort supplémentaire que je souhaite et peut fournir... cela n'engage que moi !).

Alors que faire ?

Trouver une ou des solutions qui rendent possible l'utilisation quotidienne des vélos, excellente initiative sur le plan écologique tout d'abord, profitant à tout le monde car même ceux qui ne peuvent opter pour ce moyen de transport, n'ayant d'autres choix que d'utiliser leur voiture – pour des raisons diverses, de santé ou seulement de commodité, de choix qui les regardent, nous ne sommes pas à même, ni les uns ni les autres, de pouvoir juger et critiquer valablement les décisions de quelqu'un d'autre – donc même ces gens là respirent mieux dans une ville moins polluée ; les initiatives dans ce sens, tant sur le plan personnel que politique, se développent d'année en année (j'ai connu le centre ville de STRASBOURG au début des années 1980, je trouve sincèrement qu'aujourd'hui les pistes cyclables, la verdure, l'aménagement en général, à part quelques coins trop bétonnés à mon goût..... laissent une place non négligeable à la nature et j'espère bien que les efforts vont se poursuivre pour les enfants de demain.

Ouvrons le débat :

Peut-on imaginer un système de porte vélo « en hauteur » ? contre le mur que l'on pourrait protéger en fixant des lambris.... ou imaginer une tringle pour les suspendre ?

Peut-être sont-ce des propositions, des idées qui peuvent paraître ridicules ou impossibles à mettre en oeuvre, certes, mais réfléchissons ensemble, les propriétaires de vélos, les locataires qui n'en ont pas, les personnes conscientes des problèmes de pollution, les conducteurs de voiture avec garage tolérants même non adeptes de la Petite Reine, ceux qui n'ont jamais vu le « problème » sous l'angle plus large englobant le bien-être pour tous, et tous les autres, sans étiquette !

Car la qualité de l'air que nous respirons, tous, riches ou moins aisés, jeunes et plus âgés, valides ou non, plus ou moins conscients des enjeux pour la planète, l'avenir de ceux qui nous suivent,les bébés dans les poussettes, au ras des pots d'échappement, les chiens, pourquoi pas, est la même pour tous.

Alors, ensemble, trouvons une solution qui permette l'utilisation des vélos, leur parcage, sans bloquer le passage d'une entrée étroite, la garder le plus accueillante et propre que possible, pour le plaisir de tous.

Une utopie ? Peut-être, jusqu'à preuve du contraire. Relevons le défi, ensemble.

mardi 29 septembre 2009

faire ses courses n'est pas politiquement anodin

Au rayon « fruits et légumes »,je surprends un échange entre un cliente, qui ose demander à une vendeuse si, dans la brume qu'on déverse sur les végétaux, il y avait « des produits ». Question claire et légitime. J'attends la réponse qui ne tarde pas, virulente, dénigrante : « mais qu'est ce que vous pensez ! Mais non, n'importe quoi, s'il y avait un truc, vous le sentiriez », fit-elle en secouant la tête, tournant les yeux au ciel, me regardant pour me prendre à témoin...
je n'ai pas réagi assez vite mais j'aurais aimé lui dire que le fumier a aussi une mauvaise odeur, pourtant il n'est pas toxique, alors que certaines pollutions,pourtant inodores, peuvent être hautement agressives pour notre organisme....
Peut-être que cette interpellation ne restera pas vaine, la vendeuse ayant d'une certaine façon été "touchée" vu sa réaction d'agacement. La question a été posée. En elle. D'une certaine façon,la dame curieuse pourrait être inconsciemment à la base d'une prise de conscience ou au moins d'un embryon de questionnement. Tôt ou tard. C'est ainsi qu'on évolue.
Notre monde est composée d'une multitude de petites consciences. Ce sont peut-être davantage elles qui définissent notre politique de vie, moins que les grandes décisions prises en haut lieu et qui ne sont en fin de compte que le reflet de chacun de nous.
La "remueuse de conscience" n'a pas relevé ; elle est partie, placide, sans remplir son cabas.
N'est-ce pas une belle façon de faire de la politique ?

lundi 28 septembre 2009

histoire de médecin

Des soignants...

Cette femme médecin qui se permet d'être vexée et refuse de reprendre son ancienne cliente parce que celle-ci a « osé se faire soigner ailleurs ».... alors que son cabinet était fermé pour cause de maladie...Je ne dis qu'une chose : je n'irai pas me faire soigner chez elle.

Ce médecin qui reproche au patient de « ne pas être venu le voir plus tôt »... alors que cela fait des mois que le malade attend les rendez-vous qu'on tarde à lui donner pour cause de surcharge d'agenda !

Un jour chez le dentiste, je dis : « vous savez, ce n'est pas de gaîté de coeur que je vous demande de m'injecter la piqûre mais j'ai tellement peur du dentiste.... » - et la dentiste de me répondre d'une voix cinglante : « pourquoi, vous êtes témoin de Jéhova ? »..... je ne suis plus jamais retournée chez elle.

Et ce médecin qui s'est vexé, même fâché, parce que j'ai osé refuser son cocktail tout prêt de vaccinS alors que je n'en ai demandé qu'un seul, précis. Il a planté l'aiguille sans ménagement.... puis est sorti en claquant la porte... où est la liberté ?

dimanche 27 septembre 2009

TOGO 2008

TOGO 24 JUILLET – 10 AOUT 2008

Travail, courses, visite à l'hôpital, récupérer la moustiquaire chez Brice, essayer de dormir, envie de chocolat et de gingembre (pour pallier aux éventuels manques dans le futur prochain ?), pensées pour les chats, dernière vérification sur la liste universelle« choses à emmener », instructions pour les plantes, chats, courrier, maison... comme si le monde ne pouvait tourner sans moi, quelle suffisance !

Impossible de s'imaginer le programme des deux semaines à venir, de se rassurer derrière un programme (nous savons tous qu'il ne sert que de base aux changements incessants, c'est la vie et le degré d'adaptation dont nous pouvons faire preuve est intimement lié à celui du bonheur ressenti, toujours fluctuant.

Tout se téléscope dans mon esprit, détails, décisions « importantes» ou considérées comme telles, toutes ces entreprises inachevées dans tous les domaines, en suspension – parenthèse, coupure – mes cogitations vont bon train... peut-être une façon de fuir la réalité, éviter d'être trop consciente, se rassurer ; vu de l'extérieur, on me « voit » sauter du coq à l'âne – en passant par le chat ! regarder dans toutes les directions, penser à « tout », paraître organisée alors que je ne fais qu''anticiper. Cela s'appelle en bon jargon : la fièvre du départ.

Il n'y a que mon passage dans la chambre d'hôpital, où Martine ne combat même plus sa maladie, qui m'apporte pour un instant la paix ; elle m'ancre dans le présent, la réalité, même si elle n'est pas conforme à ce que je souhaiterais voir. J'en sors, apaisée, lâchant prise tout simplement, savourant l'instant présent qui me permet de marcher à l'air libre ; un sentiment de joie m'envahit à l'idée de partir au TOGO, pour vivre, voir, sentir, chanter, partager, raconter, goûter... ETRE, comme à cet instant.

Je suis aussi consciente qu'on n'est pas obligé de voyager pour se reposer l'esprit. Mais tant qu'à faire... je suis heureuse d'avoir ce privilège.

Je m'endors, après avoir réglé le réveil pour 4 heures.

Jeudi 24 juillet.

A l'aéroport, branle-bas de combat : trop de petits sacs même s'ils ne « font pas le poids », calculs savants, compensation entre sacs, rajout de bagages « cabine » ; Merci à Chr de porter mon 3ème sac à dos que je destine à une deuxième vie au village togolais.

Les découvertes d'objets « interdit en cabine », outils divers et tellement inoffensifs, affaires de toilette dépassant l'humble contenance de 100 ml, ... Oh SACRILEGE : mon jus de betterave bio plein de vitamines est lancé sans ménagement à la poubelle ! ... nous n'avons pas les mêmes valeurs, Madame la Douanier (j'ai eu beau lui souffler à l'oreille qu'elle devrait le goutter... elle est restée impassible – en apparence - Que ne l'ai-je partagé avec mes compagnons de route au lieu de vider avec eux la vulgaire eau, quoique aromatisée de gouttes aux essences ! tout aussi litigieuse... d'ailleurs je ne comprends pas, malgré tous mes efforts d'imagination, comment toutes ces choses pourraient se transformer en armes dangereuses dans l'habitacle d'un avion – l'ivresse de l'altitude, sans doute.

On dit bien que même les mots peuvent tuer. A quand l'interdiction des romans ? Chut...



C'est bien compliqué pour Maryse... et ce n'est qu'un avant-goût ! Pour l'heure, elle fait preuve de beaucoup de patience et d'ingéniosité pour équilibrer, adapter, rassurer, trouver le compromis ( laquelle patience sera-t'elle infinie ? l'avenir nous le dira... à mes lecteurs de la première heure, je peux souffler que « oui » elle a été géniale d'efficacité !).

Deuxième passage, et vérification de nos 36 sacs, à la douane de l'aéroport Charles de Gaulle... j'ignorais qu'on pouvait faire ses courses dans le ciel, au supermarché à l'enseigne du Bon Dieu ? ...

Pots de confiture, une louche « louche ! »... logique... ont échappé à la vigilance des contrôleurs... je comprends de moins en moins les critères de dangerosité... la louche, pas si louche que cela, a bien un manche en métal... un tesson de verre est coupant...

Il a encore fallu ranger les tubes de crème, dentifrice, minuscules flacons, dans un sachet translucide fermé par une tirette, limité à UN SEUL par personne... souci écologique ?

Le groupe avance péniblement avec ses 36 pattes qui tirent dans tous les sens ; il y a ceux qui veulent faire pipi, d'autres cherchent à s'échapper pour fumer, ou encore sont attirés par les duty-free (free ? libre de payer le chocolat jusqu'à 80 euros le kilo ? dissuasif même pour ma gourmandise légendaire !...).

Longue attente... la première de la longue liste – sieste dans toutes les positions : le prix à payer pour voyager. J'y trouve mon compte : enfin j'ai le temps de rêver conciemment !

Bientôt la cause du retard se révèle : un car de police embarque des « sans-papiers » reconduits à la frontière. Quand nous montons dans l'avion, je les vois, ma place est tout près d'eux. Ils crient, pleurent, psalmodient, en transe, le visage baigné de larmes. L'un d'eux bave ; les policiers nous expliquent qu'ils essaient de faire venir le commandant de bord car celui-ci pourrait refuser de les emmener. Je vois bien que la sécurité des passagers est totalement assurée, non seulement ces jeunes gens n'ont pas l'air violent, mais encore ils sont entourée d'une dizaine de policiers, dont une femme ; de plus, leurs mains et pieds sont attachés... je suis triste car je ne peux m'empêcher de penser à mes garçons qui ont sensiblement leur âge, aux jeunes en général qui rêvent d'horizons nouveaux, ou alors à ces réfugiés à qui on ne laissent pas vraiment le choix, tant les perspectives d'évolution dans leur pays d'origine sont limitées, pour eux mêmes ou leur famille, les obligeant à fuir.

Oui, leurs jérémiades perturbent notre confort de touriste, certainement, mais je poursuis ma réflexion au-delà de ma petite personne : on ne peut ignorer que chaque groupe, famille, entité quelconque, pays, cherche de diverses manières, parfois subtiles, à garder ses ressources, surtout si elles sont limitées, sert d'abord ses membres propres et leur intérêt, avant de penser au partage, qui est pourtant richesse de vie ; cette peur viscérale de l'autre, des différences, caractérise malheureusement l'humain de base qui n'a pas encore pu – ou dû – évoluer.

Nous apprenons aussi que des bagages posent problème, n'ont pas été identifiés ou leur propriétaire ne s'est pas présenté à l'embarquement : ils ont été dynamités, par mesure de précaution... preuve que les rayons ne sont pas fiables à 100% sinon on pourrait éviter ce gachis et ne supprimer que les valises contenant incontestablement des explosifs.

Le décollage était prévu à 13 h 20.... Trois heures plus tard, l'avion se met en piste.
Et comme par miracle, les sri lankais se résignent. L'un d'eux dort déjà, épuisé par tant d'efforts infructueux, le commandant de bord s'étant montré sourd à leurs pleurs.

Dans l'avion bien sûr beaucoup de voyageurs sont des africains. L'air climatisé m'indispose comme d'habitude, tant au niveau des poumons, des muqueuses du nez qui se dessèchent, des lèvres et de la peau qui tire ; je pense aux hôtesses de l'air et me demande si elles ont trouvé la parade ; je questionne l'une d'elle qui m'apprend qu'elle se tartine de crème et utilise beaucoup de sérum physiologique pour humidifier les narines. J'y penserai lors de mon prochain séjour dans cette ambiance asséchée.

Le repas tarde.... Le chariot passe et repasse, je ne peux dire « dépasse « parce que c'est impossible dans cette travée étroite, encore et encore... Enfin, c'est pour nous !Miam, et un dessert au chocolat !

Un groupe Suisse se rend également au Togo, pour construire une école, mais il y a pénurie de ciment ! Il est facile de parler aux gens dans cet avion, des jeunes, des plus âgés, des enfants ... Une Togolaise me dit en me serrant la main « merci pour ce que vous faites dans notre pays ». Cela me gène car ces gens ne nous sont pas redevables de quoi que ce soit, et je pense toujours à la phrase d'Albert Schweitzer « quand on peut on doit ». Il nous est donné beaucoup de richesses matérielles, à nous, des possibilités de voyage... Qu 'en faisons nous ? Se servir de plus en plus grassement, ou alors aller vers l'autre, l'écouter, partager... Je ne doute pas une seule seconde que les gens que nous semblons « aider » nous apportent quelque chose d'essentiel.

La cohue est générale à l'aéroport et la moiteur nous abat comme une massue ; les gens se bousculent pour récupérer leurs bagages, le tapis roulant peine, sa dimension n'est visiblement pas adaptée aux charges énormes qu'il doit distribuer à des voyageurs exténués et un peu dépassés par le changement à tous niveaux, climat, façon de procéder (les porteurs s'imposent sans que l'on puisse réagir et exige bien sûr d'être payés, les chariots sont introuvables, les douaniers sont un peu partout, tout leur paraît suspect...) ; angoisse pour récupérer tous les bagages, car il faut préciser que chacun avait emmené le maximum de valises pouvant contenir habits, objets divers, ballons de football, médicaments etc... à laisser sur place.

Chr a dû remettre un douanier en place : il a fouillé sa valise et s'est mis jouets et médicaments dans la poche. Elle lui a répété plusieurs fois de remettre ces objets dans la valise avant qu'il n'obtempère.

Arrivée au Foyer des Marins, havre de paix, hormis le bruit de la route. Nuit assez reposante, sous une moustiquaire déjà en place, en forme de grand cube rectangulaire. L'extraction mécanique, genre « clim », nous berce de son doux ronflement... il suffit de se mettre au diapason ! La douche et les WC se trouvent à l'étage, à partager avec Alfonso d'une côté et Frédéric de l'autre ... Lily et moi sommes bien gardées ! PREM'S pour le petit déjeuner... car durant tout le séjour, je n'ai pas oublié l'heure européenne, décalée de 2 heures, ce qui fait que je me réveillais naturellement une première fois vers 3 h 30... j'avais alors tout loisir de repasser en revue le vécu du jour d'avant...

Le petit déjeûner se composait entre autre d'une succulente confiture d'ananas- papaye sans sucre – la présence d'édulcorant n'était pas mentionnée -, oeuf mi-mollet, charcuterie, croissants, et sommum : du vrai jus d'oranges pressées.

Les abords de la route sont animés, femmes avec paniers sur la tête, mobilettes, vélos, très vieilles voitures, - de temps en temps on peut apercevoir un véhicule flambant neuf, sans une bosse, et les vitres sont toujours closes pour garder la fraîcheur qui doit avoir bien du mal à se stabiliser pour le confort des richissimes propriétaires, camions, la mer est tout près, deux chevaux passent, je suis admirative face à la placidité de ces animaux qu'on sait pourtant très sensibles et réactifs car ils se font dépasser sans cesse, presque frôler par plus rapide qu'eux.
La pollution extrême ne semble pas incommoder outre mesure des otochtones, quelques rares personnes portent un semblant de masque mais la plupart se meuvent sans protection ; ce qui est frappant, mais on peut aisément le comprendre, est que les activités humaines (ventes de toutes sortes, services proposés... plats cuisinés... même la sieste ! palabres...) se concentrent spécialement le long des voies publiques. Les bébés sont intoxiqués dès leur plus jeune âge aux gaz des pots d'échappement. J'ai lu dans un guide que la moyenne d'âge se situe aux environs de la cinquantaine...

La moiteur se ressent davantage en milieu urbain et j'ai renoncé à m'éponger le front, tant pis pour les petites tricheries féminines en matière de cosmétique !

La pluie tombe de temps en temps, nous rappelant que nous sommes toujours à la saison des pluies, quoique touchant à sa fin ; une douche de temps en temps est d'ailleurs fort agréable et le ciré est resté au fond de mon sac pendant tout le séjour ; l'effet « sauna » aurait été garanti !

Enfin je vois l'oiseau tout rouge qu'on entend souvent chanter.

Le marché est une épreuve de patience et de tolérance ; dès les premiers instants une nuée de vendeurs s'agglutinent autour du mini-bus et Chr a même fait l'expérience de « courses à distance », c'est à dire qu'il leur disait ce qu'il souhaitait acheter et quelques minutes après on lui ramenait les objets, tandis que le reste du groupe a osé prendre ce bain de foule mémorable ; les tissus multicolores, les objets en bois, les bijoux manufacturés etc... la concurrence est très rude et l'ambiance est parfois tendue entre tous ces commerçants qui veulent tous faire affaire avec les blancs nommés par certains « porte-monnaie sur pattes ». On peut les comprendre, j'imagine aisément qu'en un jour ils peuvent faire leur chiffre d'affaires mensuel habituel, rien qu'en faisant commerce avec les richissimes « Yowo » qui gagnent en moyenne quelque 20 fois plus.

Voir la mer d'aussi près et ne pas pouvoir nager est un peu frustrant ; des personnes dorment sur la plage, à même le sable, ou encore sur les quelques bancs installés entre les palmiers, le long de la route ; les repas cuisent ça et là, nul besoin de cuisine. Le bruit ne semble pas perturber les Loméens, ni d'ailleurs la pollution. Seul comptent les échanges humains.

S'occuper du change des euros vers les francs CFA n'est pas aisé. Il faut s'armer de patience. Mar et Chr en savent quelque chose, merci à elles de sacrifier jusqu'à deux heures pour nous distribuer les billets de banque souvent très chiffonnés et malodorants.

Pendant ce laps de temps, le groupe attend sagement (en début de séjour....) dans un magasin de tissus, créations de luxe, « chemise à 12000 F CFA » ce qui fait à peu prêt 18 euros... ensemble jupe et haut à 30 euros...

Des immondices jonchent les trottoirs, flottent sur les mares après la pluie, les sachets en plastique noir volent dans les airs et vont se fixer sur les grillages au-dessus des murs.

De jolies poupées africaines entièrement faites de tissus et de laine plaisent beaucoup aux touristes que nous sommes malgré tout, le tout enrobé d'un zeste d'humanitaire, mais surtout de beaucopu d'humanité, ce qui est l'essentiel. Les négociations vont toujours bon train et de retour dans le mini-bus, elles font l'objet de comparaison, nous arrivons toujours à la même conclusion : les objets payés moins chers sont « rachetés» par d'autres pour lesquels le prix fort a été demandé.

Les petits vendeurs s'agglutinent autour de notre bus, tels des abeilles sur un pot de miel. .. mais qu'il est facile de faire ce genre de réflexion quand on a tout et trop... j'en suis consciente. Encore une fois je remarque qu'il est nécessaire d »avoir » pour penser à être, mais l'»avoir » risque également de bloquer le potentiel « être » s'il prend trop d'importance, disons au-delà du nécessaire ; Comment juger de ce qui l'est vraiment ? L'indispensable pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre ; vient aussi se greffer l'envie, la jalousie, les désirs exacerbés par la publicité etc... on aura compris qu'il n'existe pas de recette, d'échelle définie des valeurs... chacun fait sa « petite sauce » tout en essayant de s'accorder avec le monde.

Simone craque déjà pour un collier rouge... elle précise qu'il est pour sa fille.

La vie de groupe, genre « rester grouper », les longs moments d'attente dont on ne connait parfois pas la raison, fumer, négocier ... certains font pipi plus souvent que d'autres : l'occasion de se parfaire dans le domaine de la patience, de la tolérance, de la différence.

Les routes sont en très mauvais état : d'énormes ornières font presque basculer le mini-bus et nous secouent tels des bouteilles d'Orangina dans la pub de mon enfance. Cela nous met dans une effervescence très juvénile et les éclats de rire remplissent souvent l'habitacle qui nous semble d'un coup moins oppressant ; et quand la moiteur, le manque de place, les chocs, les éraflures occasionnées par des bouts de tôles, sont trop « présents », je ferme les yeux et me dis que tout cela ne durera qu'un temps, au maximum quelques heures.

Les panneaux « faire pipi ici = 25 F CFA ».

De retour au Foyer des Marins, je me laisse tenter par la piscine pour me rafraîchir ; le soulagement ne dure que le temps de l'immersion ! Après il faut assumer les yeux rouges qui piquent et la peau sèche. Heureuement que j'ai mes lotions miracles dont la recette n'est pas secrète !

Après le repas (couscous, mangues, ananas), deux chanteurs nous font un mini-concert, avec guitare et l'espèce de « hochet » pour battre la mesure... surprise, j'entends « give thanks » en français !

Justin nous conduit au marché local, le long de la route, où nous faisons diverses emplettes, notamment des mangues et ananas, entre 150 et 200 F CFA. Nous avons pu goûter le manioc, qui a un petit arrière-goût de noisette.

Nous nous approchons de la mer, malgré l'interdiction et la menace des Bandito... grâce à S qui fait les yeux doux au portier d'un hôtel hupé ayant accès à la plage ; la mer m'impressionnera toujours autant, toutes cette masse d'eau que personne ne pourra domestiquer, le bruit régulier des vagues, je ferme les yeux, je sens l'odeur de l'iode, je goute l'eau salé, je retrouve les sensations de ma jeunesse (je ne peux dire de monenfance car j'avais 8 ans quand j'ai vu la mer pour la premire fois). Le courant est fort, le sable se dérobe sous mes pieds lors du ressac et ej comprends maintenant le danger d'être rapidement déséquilibrée si l'on s'avance.

Faire pipi, impossible de se cacher, il n'y a pas un bosquet, une grande dune, rien... je n'ai pas le choix et faire pipi dans la mer, c'est tellement naturel... tant pis pour ceux qui n'ont jamais goûté ce plaisir qui doit remonter très loin...

Des jeunes gens s'entraînent à sauter d'obsacle en obstacle, en fait des tas de sables et finissent par des sprint impressionnants ; S et Chr se mesurent à eux... pas mal pour des Yovos et ça les fait bien rire !

Mad fait l'agent de circulation nous permettant de traverser la route : quelle autorité !

Partout nous voyons du tissus à vendre, magnifiques, haut en couleur. Je commence à apprécier la mode africaine éclatante, tout en gardant à l'esprit que, de retour dans la vie active, je ne pourrai m'asseoir en salle d'audience ainsi vêtue ! Pourquoi pas chercher un tissus pour la tenue gospel et la faire confectionner par une couturière locale ? rémunérer un travail est aussi une aide mais surtout une reconnaissance de leur savoir-faire indéniable en la matière.

Les moustiques nous assaillissent surtout le soir ; la nuit tombe rapidement après 18 heures ; je me couvre de la tête aux pieds car c'est la meilleure protection « anti-moustique ». Cela ne m'empêche pas de m'asperger de produits, naturel et chimique, de prendre de la levure de bière qui est sensée m'imprégner d'une odeur désagréable, non perceptible par l'homme – personne ne m'a jamais dit que je sentais mauvais... - pour ces bêtes volantes, piquantes et vecteur du paludisme.

A ce propos, j'ai rencontré une dame suisse, naturopathe, qui était à Lomé pour participer à un colloque médical ; nous avons notamment abordé le sujet de la protection contre les maladies tropicales et elle m'a confirmé que « ARTEMISIA » est une plante efficace contre le palu. Cela fait quelques années qu'elle remplace la Malarone par des infusions, de façon probante (elle m'a raconté l'histoire de sa fille qui a gardé longtemps des séquelles suite à la prise de médicaments). Le site en suisse est anamed.net ; elle m'a parlé d'un pharmacien qui a fait une étude sur le sujet pendant son séjour de 6 ans en Afrique. Et elle chante dans une chorale GOSPEL à FRIBOURG qui s'appelle « African gospel » !

Remarque : les motards ne portent pas le casque, ce qui n'est pas étonnant ici, alors que les policiers (à pied) en ont un, eux !

SAMEDI le 26 juillet

Il vente un peu, pluie fine, c'est agréable. Lily et moi nous sommes encore levées trop tôt et cette fois ci plus personne ne m'a plus demandé de le réveiller.... un hasard ? J'en profite pour faire ma gymnastique matinale et surtout la « salutation au soleil », qu'il soit présent à mes yeux ou non ! Un jardinier, tout fier, nous montre ses biceps en faisant des pompes devant nos yeux admiratifs.

Florence, la serveuse, nous apprend que les mois de juillet et août représentent la saison de la mousson, et de novembre à février c'est la saison sèche, quelque peu tempérée par l'humidité due à la proximité de la mer.

Nous partons à 19 dans le minibus... serrés comme des sardines dans une boîte... mais ne nous plaignons pas : bientôt nous dépassons un camion en état de grand délabrement qui transporte autant de personnes, mais sur plusieurs niveaux, entassées, bébés, jeunes, vieux + encore des animaux, chèvres, poules et plein de matériels de toutes sortes, légumes ; quelques jeunes gens sont assis, les jambes pendues dans le vide, agrippés au rabat de la benne... dire qu'un moment donné un soit-disant « douanier » sortant de « je ne sais où » a osé parler de surcharge en ce qui nous concerne... Justine lui a donné une pièce et le problème s'est estompé, comme par miracle.. effet inédit de l'argent !

Contrôle de police, surcharge, (quid des camions remplis jusqu'au plafond de noirs pêle-mêle de tous âges, d'animaux, d'objets divers, de légumes !) Toujours est il que les policiers nous arrêtent régulièrement, en surgissant des fourrés avec un coup de sifflet, quelque mots sont échangés et de l'argent est donné de la main à la main. Et nous repartons. Le péage en quelque sorte...

Nous montons un petit peu en altitude, la végétation change. L'air devient plus respirable. Le paysage est joliment valonné. Je me surprends à penser à la belle Alsace.

Visite hôpital. Dans l'allée, nous nous approchons d'un arbre, il me semble qu'il s'agissait d'un goyavier, quand tout à coup une nuée de chauve-souris s'échappent du feuillage ; image impressionnante, apocalyptique, mon esprit étant certainement conditionné par le célèbre film « les oiseaux » de Hitchcock.

Nous visitons notamment la maternité où deux femmes sont alitées, aux côtés de leur bébé d'à peine quelques heures.

Les moyens manquent visiblement. Dommage que tous les hommes ne puissent être soignés, partout dans le monde, de la même façon. En même temps, jene doute pas que l'Afrique regorge de moyens de guérison, notamment phytothérapiques mais aussi plus subtils et irrationnels, infinis ; espérons que leur savoir ancestral ne se laissera pas complètement éclipser par la science chimique à laquelle - malheureusement ? , à voir - tout le monde n'a pas accès.

Par contre, quel contraste sur le plan de l'hygiène, par rapport à ce que nous avons pu constater dans les villes : malgré le carrelage ébréché et la vétusté générale de tout le matériel, la propreté est visible, les fioles sont rangées sur les étagères des laboratoires, le calme règne, il n'y a d'ailleurs pas beaucoup de malades... tant mieux mais peut-être que certaines personnes ne peuvent tout simplement pas se permettre de se soigner ? Les prix sont affichés, certainement très élevés au regard du salaire moyen d'un Togolais qui représente l'équivalent de 60 – 80 euros ; un médecin gagne 125 euros par mois (10 000 Francs CFA équivalent à peu près 15 euros – une mangue ou un ananas coûte entre 100 et 200 FCFA).

Nous arrivons dans un endroit, à 600 mètres d'altitude, où la végétation est luxuriante, les caoutchoux de nos salons se développent ici en immenses arbres, l'air est chargé d'ions négatifs, de ceux qui manquent dans les endroits malsains.

Les tenanciers de l'auberge qui nous accueillent sont visiblement dépassés par la soudaine affluence ; la serveuse propose des poulets « bicyclette » mais il n'y en as pas assez « en stock », il faut en tuer pour nous, ils arrivent « sur pieds » quoique en l'air ! sur des mobylettes ! – nous goûtons les frites « igname » différentes de la pomme de terre (c'est un légume).

On peut admirer le teck équatorial planté par les SUNS, en 2002 ? ; une fête a lieu dans le village, il s'agit de la Confirmation. Tout le monde chante et danse et nous sommes très vite happés par l'ambiance festive ;

Les chiens (les seuls sont de la race qu'on voit parfois aux abords des déserts, fins, avec des grandes oreilles et de couleur rousse) et chats sont rares et maigres.

Le rond point se trouvant non loin du Centre des Marins est complètement « défoncé », les nids de poules sont devenus « nids d'autruche » au moins... mais le chauffeur résoud vite le problème, il ne le contourne plus mais tourne tout de suite à gauche pour emprunter la rue en face !

Des cercueils sont vendus au bord de la route, parfois joliment décorés, aux couleurs vives, original et pas triste du tout.

Ju a enfermé un « moustique éléphant » dans la salle de bain.

La gadoue dans les rues de Lomé après les averses est impressionnante, voyager dans le mini-bus n'est pas une si mauvaise idée...

Dimanche 27 Juillet

Culte à l'église à l'autre bout de la capitale, nous chantons avec une chorale de jeunes, notamment amazing grace et down by the river side. L'église est comble, il fait chaud, les énormes ventilateurs donnent à peine une impression d'air. Un beau vitrail coloré décore le mur derrière la chaire. Après presque 2 heures... certains craquent en fou-rires, provoqués par des mots glânés par-ci par-là puisque le culte se faisait en éwé (toutou... cacaca...) serions-nous en train de traverser une période de régression ?... nécessaire certainement pour notre évolution future.

Le pasteur parle très fort, mais cela ne perturbe pas la sieste de nos fêtards de la nuit passée, le front posé sur le dossier du banc devant eux. On pourrait penser qu'ils se recueillent humblement.

A l'aller, nous avons traversé la ville en minibus. L'expression « je suis cueilli » veux dire qu'on est fatigué. Nous l'étions. Des chants, accompagnés d'instruments de musique divers, locaux, ou trompettes, s'élèvent par-ci par-la aux quatre coins de l'église.

Les togolais sont habillés de façon recherchée ou avec beaucoup de goût et de couleurs. Voir tant de jeunes ou d'adolescents dans une église n'est pas habituel pour nous.

Les pasteurs se relaient. Frédéric prend la parole en éwé.

Le temps passe, heureusement que L et moi sommes allées aux toilettes avant...

Assis des heures durant dans le véhicule cahotant, puis des heures sur le banc des églises, les fesses en souffrent.

Au petit déjeuner, les mouches prélèvent largement leur part, le sucre en est recouvert, on s'habitue a cette image qui ne nous coupe plus l'appétit.

La piscine est fortement chlorée, la seule immersion m'a laissé les yeux rouges pendant deux jours.

Je trouve que mes compères de voyage ont bien de la patience, les togolais ont l'habitude d'attendre, le temps qui passe ne les perturbe pas. J'admire leur placidité, leur respect, leur foi, leur esprit de communauté. Ah, je vois S qui entre en méditation. Elle s'adapte.

Les visages pales commencent à bouger sur leurs bancs.

J'entends un oiseau mais ne le vois pas, j'attends toujours d'apercevoir celui qu'on m'a dit être tout rouge.

Les coiffes de certaines dames sont très élaborées en matière de plis, de choix de couleurs, on dirait du papier de pâtisserie. D'ailleurs ce midi une couturière viendra nous proposer du tissus et la confection de tenues. Toutes ces dames, et certains messieurs mais ils sont moins expansifs.., sont en effervescence.

J'arrête d'écrire car Frédéric prêche.

Le lac aux crocodiles : le seul animal de ce genre que nous ayons l'occasion d'admirer est parqué dans un enclos à peine plus grand que sa taille... sa peau... « de crocodile » bien sûr, est impressionnante à voir de près.

Oups, on a oublié Alfonso dans sa chambre. Voilà ce que c'est de dormir en plein jour... regret pour nous tous.

Le dimanche il y a un peu plus d'affluence sur la plage mais personne ne se baigne. Zone franche portuaire. Bandito ??. Depuis les problèmes en Côte d'Ivoire, le port de Lomé prend plus d'importance.

Beaucoup de bâtiment restent inachevés ; les échafaudages sont de simples tronc d'arbustes assez frêles. On peut apercevoir de multiples églises aux abords de la route. Trois enfants plus les parents sur une mobylette !... ; j'ai caressé le chat apeuré, roux, très maigre... je pense à mon dodu Grisou plein de poils....

La signalisation routière est restreinte, on voit très peu de panneaux, les ronds-points sont certainement une nouveauté vu les règles floues qui ont cours.

Négociation difficile pour faire le tour en barque, nos jeunes rameurs cherchent à augmenter soudainement les prix ; nous embarquons en maintenant les conditions initiales ; leur visage affiche un franc mécontentement, à tel point qu'on peut se poser la question s'ils vont bien nous ramener à la rive... mais nous arrivons vite à les dérider à force de chanter des chants africains ; bientôt eux aussi entonnaient leur chanson, les bonbons offerts les ont visiblement égayés.

Sur l'autre rive nous visitons un magasin d'objets manufacturés ; achat de couverts à salade en ébène, de colliers, Chr négocie pour moi. MERCI !

A peine nous sommes nous éloignés de la rive, fallait-il écoper l'eau qui s'infiltrait dans la coque, à l'aide d'un récipient tellement abîmé qu'il ne pouvait plus contenir qu'un dixième de son volume de base... je me suis mise courageusement à la tâche.

Lundi 22 juillet 2008

Deux jeunes togolais ont porté deux yovettes (féminin de Yovo), qui se reconnaîtront, de la berge à la barque pour leur éviter de se mouiller les pieds ; bien sûr ils demandent « la pièce » : malheureusement ces dames blanches avaient tout dépensé dans la boutique de souvenirs. Alors ils essaient de repérer les maris, réputés plus solvables (tiens, pourquoi ??). et voilà que Madeleine renie Thierry « non, ce n'est pas mon mari, pas la peine de lui demander de payer pour moi » ; Christine applique une autre tactique : elle essaie de leur faire comprendre que les services, s'ils n'ont pas été négociés en connaissance de cause à la base, sont réputés être rendus gratuitement... état d'esprit différent, - qui a tort, qui a raison - ... nul ne peut se targuer d'être dans le vrai absolu car il n'existe pas.

J'aperçois un filet de pêche long de 200 - 300 m et beaucoup de pêcheurs tout le long, attendant patiemment pour faire ce travail collectif. Le poisson est abondant sur les marchés.

J semble avoir « une tête à ceintures », il attire les vendeurs alentours ; un togolais déclame l'Evangile dans la rue, chaque phrase est ponctuée par « Alléluia ».

Surveillance du centre « à la fourche », la nuit, pour empêcher l'intrusion de malotrus, cela semble rocambolesque mais les noctambules en ont fait l'expérience : se retrouver face à un vigile brandissant une fourche à leur arrivée devant le portail les a fortement impressionnés.

L'arbre à fleur de tiaré. Fruits, légumes : choux - tomates – carottes – oignons – maïs – mangue – bananes – ananas - cacahuètes.

Nous avons participé à une matinée « étude biblique » ; l'échange était intéressant, chacun pouvait laisser libre-court à la curiosité de l'autre, poser des questions, notamment quel sont les rapports entre les différentes églises ; il semblerait qu'il existe une certaine concurrence. Des jeunes gens, étudiants studieux d'une vingtaine d'années, ont participé à cette rencontre.

La visite au village, en fait 6 « quartiers » qui abritent non loin de 3 000 habitants : la route était coupée ; nous avons dû emprunter une déviation, malgré tout, un pont a lâché et nous a obligé à rouler dans l'eau qui déferlait ; des togolais nous ouvraient « la route », des bouts d'asphalte ont lâché ça et là, le courant était fort par endroit ; j'avais peur que le véhicule ne se renverse sur des gamins qui nous entouraient, certains grimpaient même sur l'habitacle en riant, contents de vivre cette aventure avec ces bizarres Yovos visiblement angoissés à la vue du désastre provoqué par les pluies diluviennes de ces derniers jours (qui a quand même fait plusieurs morts dans les environs, ce que nous, Yovos chanteurs, ignorions et que Chr et Vi, Yovettes accompagnatrices de ces artistes, avaient appris avant de se mettre en routecar elles ont eu l'occasion de parcourir les journaux locaux pendant le concert à Lomé... Fine idée que de vouloir nous préserver d'inutiles angoisses, prenant le parti de faire confiance à ce qui a été décidé, merci !)

L'accueil des villageois a été plus que chaleureux, la fanfare, les danses, la remise de bracelets à chacun de nous, individuellement, avec des mots de bienvenus prononcés avec le coeur, les discours, les chants, les enfants qui nous prenaient la main, toutes ces images, l'expression des visages, le jeu des ombres et lumières à la tombée du jour, resteront dans ma mémoire et resurgiront de ci, de là, au fil de ma vie, à l'occasion d'un détail, d'une odeur, d'une musique, d'une couleur ; ils font dorénavant partie intégrante de ma vie ; avoir été nommé citoyen du village de Yobo Sedzro est à la fois un honneur et un immense devoir de reconnaissance qui peut se traduire simplement par essayer d'être plus conscient de l'autre, de respect encore davantage la vie, de la célébrer, d'avoir moins de peurs face aux différences.

Indicible vécu.

Visite du centre qui se réduisait encore à ce moment de murs de briques, sans porte, sans commodités sanitaires, sans lit etc... à l'heure où j'écris, maintenant que j'ai pu mesurer l'avancée, en 3 jours, des travaux entrepris par les personnes qui ont dû être actifs jour et nuit, je peux dire que cela tient presque du miracle !

Passage aux « toilettes », quelques 3 – 4 box en briques, le premier présentait un par-terre nu, lisse... visiblement pas moyen d'y faire pipi... dans le deuxième nous percevions, dans la pénombre du soir tombant, une rigole longeant les murs, alors, tant pis, Lily et moi nous accommodons, pressées par l'urgence du besoin, étions pratiquement côte à côte, ce qui a provoqué un fou-rire une fois soulagées et consciente du tableau ! En sortant nous avons échangé nos expériences avec les yovos suivants qui ont eu un peu plus de chance : dans le troisième réduit, il y avait un gros morceau de rocher, il a juste fallu le déplacer pour découvrir un trou ; j'ignore ce qu'on a découvert dans la quatrième cabine... une douche balnéo ???? tous les fantasmes sont permis !

Lors de notre retour, en pleine nuit – nous ne pouvions nous attarder, ignorant l'état des routes -, nous avons soudain perçu une lumière balançant au milieu de la route : un homme, sur une mobylette, signalait le passage d'un train à l'aide d'une lanterne, il avançant presque au pas ; il s'est arrêté, comme si les passagers voulaient nous observer, Yovos la nuit,, pour redémarrer peu de temps après... dans l'autre sens. Je n'ai pas compris le pourquoi de cette manoeuvre.

Lors de nos innombrables heures passées dans le mini-bus ont été confectionnées les cordons tressés destinés aux autruches et comportant leurs noms, évocateurs pour les initiés Yovos : Freedom, Voices, Yovo, un mâle et deux femelles... Nous apprenons également quelques chants avec Alfonso, notamment « Makétu mépapa » avec beaucoup d'entrain. Le volume de l'habitacle est trop restreint pour accompagner nos voix par les gestes.

Mardi 29 juillet

Le ciel est nettement étoilé ; si je retenais le nom des constellations, depuis le temps...., je n'aurais aucun mal à les identifier précisément. En attendant la bonification des neurones avec l'âge (oui, à ce qu'il paraît, certaines cellules se reconstituent, contrairement à ce qu'on affirmait depuis toujours, à savoir qu'on dégénère inexorablement à partir de 20 ans... eh non !), je me contente d'admirer la luminosité des astres, dans un endroit non encore pollué par les lumières artificielles, un peu grâce aux multiples coupures de courant.

Lors de nos pérégrinations automobiles, nous apercevons, entre autres vues, un champ de cannabis, belle plante, à moins que je ne confonde avec les plants de manioc ; nous nous arrêtons dans le village où Justin va saluer sa maman, à XXX Setzdro.

Les habitations sont faites de terre rouge, ferrigineuse ; les oiseaux rouges pullulent ici, il y a des nids suspendus aux arbres, tels des boules de noël. J'aperçois un oiseau jaune près de la douane Togolaiso-béninoise.

Survient un problème avec l'appareil photo de Christiane, des douaniers veulent lui confisquer la carte mère ; il est en effet notoirement interdit de photographier les lieux et personnes « officiels » ; Heureusement, à force de parlementer, de les complimenter, de les « caresser dans le sens du poil », ils se radoussissent et nous proposent même de nous reposer à l'ombre sur des bancs devant un écran sur lequel défilent sans discontinuer des spots pour se protéger du sida. Longue attente, sieste sur les bancs au son de l'unique télévision de plein air. Voilà que l'agent rappelle Christiane, que lui veulent-ils encore ? ... Le chauffeur nous offre des noix de coco toutes fraîches et tendres.

Les montons et les chevaux sont très maigres. Un petit garçon lit le nouveau testament. Epitaphe 21/11/200? : « Première pierre des latrines publiques du Rotary Club de Lomé ». Monument érigé à la douane, à côté d'un puits qui paraît profond. Des femmes viennent remplir leur jerrican.
Des cochons nains noirs se promènent dans les rues d'un village.

Christophe a accompagné Maryse pour l'établissement des visas Béninois : comme il ne connaissait pas nos métiers, il a mis n'importe quoi ! « Technicienne de surface pour moi »... As-tu vraiment osé, Christophe ? Ceci dit, il n'y a pas de sot métier, chacun a son rôle à jouer et je pense depuis longtemps que les métiers qu'on peut qualifier « de base » sont certainement un maillon important, et indispensable, pour permettre par exemple à un PDG de réussir sa vie professionnelle.
Phrases lues dans les locaux de la douane togolaise :
« Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas aux cochons de le dire » ...j'adore...
« Le travail et l'honnêteté font la dignité de l'homme ».

Premières impressions en arrivant au Bénin : davantage de champs cultivés, cases traditionnelles aux toits de chaume, moins de briques, de circulation de voitures (j'ai désenchanté par après...), plus vert.

Une mobylette transporte un cercueil, était-il « habité » ?

Les églises sont diverses et variées.

Cité lacustre de GANVIE (la Venise de l'Afrique) : des maisons en bois bâties sur pilotis, pour y accéder, nous parcourons 16 km AR en barque à moteur. Quelques centaines de personnes fuyant l'esclavage au 18ème siècle sont à l'origine de cette véritable ville comptant de nos jours près de 20 000 habitants, leur activité principale est la pêche ; écoles, magasins, même des gites où l'on peut passer la nuit, quelques m2 de terre artificielle pour apprendre aux bébés à marcher sur la terre ferme. L'ambiance du village est peu engageante, les visages restent fermés. Lors de la traversée, j'ai bien essayé de saluer des dames revenant du marché, elles ont détourné la tête ; peut-être que nous, touristes, perturbons quelque peu leur vie simple par notre intrusion curieuse et avide d'exotisme, matérialisée par nos regards insistants sur les personnes et les choses inhabituelles que nous voyons ici, avec nos innombrables appareils photos « qui leur prennent leur âme » ? Des sorciers vaudou oeuvraient dans une barque, un poulet a été sacrifié ; sans aucune explication ou regard échangé ; tout cela paraissait bien obscur et ouvre la porte aux suppositions fantasmagoriques générées en grande partie par la « culture » cinématographique de notre jeunesse. Qui n'a pas vu de film où l'on dépeint le Vaudou comme une pratique maléfique... encore aujourd'hui certaines images me glacent.

Image rafraichissante, cette fois-ci : ce héron blanc qui se dresse en plein milieu du lac, immobile, sur un piquet retenant le filet de pêche, cette luminosité du soleil couchant le revêt d'un plumage scintillant, il en devient presque irréel ; il s'en dégage une préciosité digne qui ravit les yeux et lave l'âme ; une autre image se superpose à mes yeux :je me souviens du héron, gris celui-ci, mais nonmoins majestueux, que je voyais (il me plaisait de penser que c'était toujours le même qui a pris l'habitude de me voir passer), il y a plus de dix ans, quand je courais au petit matin de ma maison à MOLSHEIM vers la Chapelle de Dompeter près d'AVOLSHEIM

Revenons à Ganvié : des poules vivent leur petite vie tranquille sur quelques mètres carrés de terre partagés avec des chèvres, une autre chambre d'hôte affiche ses prix : trois personnes pour 8000 F CFA (12 euros) la nuit. Un WC posé simplement sur une planche, avec écoulement dans le lac. Il commence à pleuvoir : un plateau, vide, posé à l'envers sur la tête pour se protéger de la pluie.

Sur la route, des gens vendent entre autres de gros d'escargots et croissants « escagots » il manque souvent le « R », des br? en alu, un guérisseur propose ses services au bord de la route, la vente d'essence en bouteilles est courante. Des fils électriques partout au dessus des cabanes, tels des toiles d'araignée. Les normes sont certainement inexistantes ! Voici Philippe sauvé par le coca... hum hum.. je suis sceptique ! une femme porte une dizaine de cartons d'oeufs sur la tête, un homme est couché sur sa mobylette pour faire la sieste, des taxi-mobylette en jaune sont un moyen de transport couramment utilisé, les transports en commun sont inexistants, à part quelques camions surchargés... la pollution est indescriptible, générée principalement par tous ces engins à moteur, bri colés, mus par une essence certainement frelatée, importée en contrebande du Nigéria, pays voisin....certaines maisons sont couvertes d'un toit de tôle risquant de s'envoler au moindre coup de vent, un « bouchon » sur le « périph » eh oui, comme chez nous... nous respirons au travers d'un mouchoir imbibé de gouttes aux essences , le tas de fumier devant cette maison paraît plus « propre » que la crasse à côté, nageant sur l'eau stagnante de la dernière averse...

Une suisse allemande prend son petit déjeûner sous la tonnelle : elle habite au Togo depuis 35 ans. Elle me dit s'être habituée au climat et à la mentalité des africains, bon gré, mal gré, « fallait bien ! » a-t'elle dit ; elle a plutôt l'air d'être bien intégrée, jusqu'à son rire qui paraît sortir de la gorge d'une togolaise.

Le litre de gasoil coûte 640 F CFA, à peu près 80 centimes d'euros.

Notre minibus pesé au péage. Les enfants-vendeurs stationnent stationnent partout, même sur le terre-plein entre les deux voies de l'autoroute, avec l'espoir de vendre leurs objets parfois insolites ; ils traversent les voies sans se presser ; vente de morceaux de canne à sucre : j'ai goûté, c'est comme un bâton de réglisse, juste sucré.

Nous arrivons à Portonovo, cité de terre rouge (ferrugineuse).

Un homme transporte un énorme miroir à l'arrière d'une mobylette, des rails désaffectés longent notre route, restes d'un vestige ferroviaire ?

Lily et moi tentons une sortie qui devient « éclair », dans les rues de Cotonou ; l'air y est irrespirable, l'ambiance tendue, les visages n'expriment pas la franche sympathie, il y a des grands trous dans les trottoirs, tant bien que mal recouverts par des blocs de béton : il faut éviter de marcher la nuit, il n'y a pas de lampadaires qui, d'ailleurs, ne surviraient pas à grand'chose vu les fréquentes coupures de courant... nous osons néanmoins traverser un rond-point, un véritable exploit ! les voitures, mobylettes etc.... roulent dans tous les sens, le bruit est infernal, nous nous donnons la main, histoire de nous rassurer.... comme on peut ! Nous rions.

En rentrant, S nous a raconté qu'elle a voulu prendre une photo mais que cela a failli provoquer une émeute (pour cause de vol de l'âme ?).

Bénin = anciennement Daomé. Ph a provoqué l'hilarité générale en faisant le jeu de mot  « ceci est bénin »... que nous reprenâmes par après à toutes les sauces ! Le pays était communiste de 1974 à 90. Il connu beaucoup de sang.

De retour au Centre, situé en pleine ville mais miraculeusement épargné par le bruit infernal, même la pollution y est moindre, quel bonheur de s'y réfugier, nous fixons les moustiquaires, indispensables ; mais je vois, dans les coins, sur les hauteurs inaccessibles même en posant une chaise sur le lit... les moustiques attendant impatiemment les Yovos cocorico...

Mercredi 30 juillet

On nous met un « nouveau » minibus à disposition, le pare brise est fendu, les portes sont «ventilées », les sièges « éjectables », il manque des vis partout, des bouts de métal blessent ci une jambe, là un bras, ou déchirent un habit. Ici, on balaie la route....? mais pas les trottoirs. Une petite pluie fine, agréable, rafraîchissante, se met à tomber. Nous nous trouvons à la frontière du Nigéria.

Nous nous endormons, exténuées par tant de sollicitations – nuit agitée, rêves multiples - réveil au son des incantations musulmanes, c'est lugubres, à 5h30.

La coupe du monde de foot aura lieu au TOGO, en avril 2010. ZEM = « emmène moi vite » (Taxi moto très bon marché). KEKE = bicyclette. Certaines habitations ont l'air de miteuses baraques en façade côté route, tandis qu'à l'arrière on apercevoit parfois une belle demeure ; le Bénin a l'air plus riche que le Togo.

Les échafaudages sont de simples branches d'arbre, assez fines. Tiens, je vois un marché aux vaches; la viande est étalée en plein soleil. P se lange car les haltes se font rares et les problèmes intestinaux génèrent des urgences. Les gouttes aux essence sont appréciées dans le minibus. Les tombes dans les cimetières sont très bien entretenues, les habitations le sont bien moins.

Un mois de formation en informatique revient à 20 000 F CFA (30 euros – salaire moyen : moins de 100 euros) ;

Nous roulons sur le « boulevard » du Canada, aucun d'accident n'est survenu pour l'instant, ce qui est étonnant lorsqu'on voit la multitude des engins qui se déplacent dans tous les sens, le marquage et la signalisation quasi inexistants ;

Image insolite, parmi tant d'autres : Mercedes noire de police « Dors en paix » n'est-ce pas plutôt un corbillard ? - Prendre des photos n'est pas apprécié au Bénin - le pain de mie et les cacahuètes sont proposés partout - les yeux brûlent à cause de l'horrible pollution générée par les véhicules en très mauvais état, l'absence totale de normes, ni même de conscience ; les enfants ne sont nullement protégés et se trouvent pourtant à la hauteur des pots d'échappement pétaradants - les trottoirs balayés avec des feuilles de bananier - les baraques baignent dans l'eau stagnante - un tronc tout sculpté,

Il y a des marchés partout, on y trouve de tout, on nous vend des choses « pas cher, pas cher »...

Nous découvrons un foyer vaudou, au détour du sentier ; une dame est en train d'oeuvrer avec son assistante, elle se lance dans de vagues explications mais notre jeune guide est visiblement gêné, il est chrétien et veut peut-être oublier ces pratiques ancestrales, occultes, d'un autre temps, nous partons dons rapidement voir les champs d'ananas.

Le temple du python, « Temple de Dangbé » révèle.... une multitude de pythons, grands, petits, jeunes, vieux, mais tous assez placides pour que certains d'entre nous osent s'introduire dans leur repaire en faisant néanmoins très attention de ne pas marcher sur ces grands dormeurs en apparence ! On nous propose de porter le plus impressionnant de par sa taille ; allez, pour la photo....

Les scarifications que l'on peut remarquer sur les visages de certains africains sont la marque du dieu Python.

Le vaudou, croyance animiste et fétichiste, alimente toutes sortes de fantasmes, qu'en est-il à vrai dire ? Ses adeptes reconnaissent, en dehors des esprits des défunts, de nombreuses divinités ; certains sont représentés par des phénomènes naturels tels la mer, le soleil, la lune, le feu, les arbres, même la maladie de la variole ; la vénération du dieu-serpent, dont les ancêtres furent des pythons, est particulièrement répandu à OUIDAH.Les cérémonies se traduisent par des jeux d'instruments, les clochettes ou les tambours et les danses, chants, la décoration du corps, le port de costumes achèvent de donner une particularité à ces cultes. Le temple Vaudou se reconnaît à son drapeau blanc. J'avais plusieurs fois le sentiment que les gens sont partagés entre les différentes croyances.

D'ailleurs faut-il vraiment jeter l'une pour se consacrer à l'autre ?

La route des esclaves est un lieu chargé d'histoire ; les futures esclavers marchaient sur un chemin de terre et de sable, bordé de sculptures évocatrices ; on faisait faire aux futurs esclaves et expatriés le tour symbolique de l' « Arbre de l'Oubli » pour les empêcher de penser à leur passé, leur famille. La porte du non-retour donne sur la mer et on s'imagine aisément les drames qui se sont joués à cet endroit, les familles éclatées, la route vers l'inconnu, les brimades et les privations, les marques au fer rouge.... c'était le triste « commerce d'ébène »

Les jumeaux sont vénérés au Togo et leurs mères aussi ; on les fête le premier dimanche d'octobre

Enfin j'aperçois ce fameux palmier éventail : effectivement son nom évoque bien cet aspect particulier.

La casse auto : y a t'il encore des voitures à mettre à la casse ? Etonnant vu les carcasses qui ont ; pourtant l'air de rouler, on se demande parfois par quel miracle elles avancent. Fréquemment on peut voir, au bord des routes, des réparations improvisées ; l'entraide est de mise, plusieurs hommes travaillent et beaucoup d'autres regardent, placés en cercle, donnent leur avis, se font certainement une expérience qui leur permettra de se débrouiller en temps utile.

Le yaourts hollandais est prôné par la publicité ; des vendeurs proposent les baguettes cure dent... je n'ai pas testé leur efficacité, je reste fidèle à ma brosse à dent !

Voilà, ce qui devait arriver, arriva : trois accidents, voiture, camions renversés, heureusement sans grande gravité ; aucun stress ou énervement n'est perceptible. Tel est l'état d'esprit qui règne : tout se passe, ainsi, accepté calmement, patiemment, on agit comme on peut, avec les moyens mis à disposition ; s'ils n'existent pas, on attend. Si cela ne convient pas, on cherche autre chose. Ou rien..

Un ruban rouge décore l'aile d'un poulet en liberté sur le trottoir, miracle s'il vit encore ce soir tellement la circulation est dense. Voici une mobylette qui passe, transportant quelque quatre personnes et plein d'objets.

Des lumières de Noël sont allumées, elles servent de lampadaires. Elles illuminent même les rues la journée, si tant est que le courant passe !

Nous chantons avec Alfonso. Le temps passé dans le mini-bus est moins pesant et la joie ressentie me permet presque d'oublier l'air pollué.
Frédéric peut être rassuré : les jours passés ont été riches sur tous les plans et les changements incessants de programme, dus aux aléas de la météo ou autre, ne semblent pas perturber la grande envie de chacun de vivre pleinement ce voyage dans l'ouverture de coeur et d'esprit.

Adaptation, souplesse, propension de voir ce qu'il y a de meilleur en toute chose, toutes les occasions sont propices pour nous faire progresser dans cette direction. Ici, nulle possibilité d'incriminer des causes extérieures, le non-respect d'un planning écrit, tout cela ne servirait à rien.

Jeudi 31 juillet 2008

Le guérisseur Vaudou, qui nous a reçu dans la cour de sa demeure, a notamment présenté les plantes, typiquement africaines, qui servent à soulager et à guérir certains maux, en parallèle avec des rites qui sont transmis de Maître à Elève ; ce dernier est choisi par le guérisseur , notamment pour son degré d'intérêt pour la matière. A la fin de l'entretien, il nous a invités à partager sa bouteille d'alcool, en versant tout d'abord un peu du précieux liquide sur le sol pour les ancêtres et la terre nourricière. Je n'ai fait que prendre le verre à la main, dire « merci » en signe d'acceptation et de reconnaissance, avant de le transmettre à ma voisine. Je pense qu'ainsi je respecte ce rite important dans la convivialité ; je me sens honorée par la confiance et son ouverture d'esprit qui lui permettent de partager une minuscule part de son savoir.

D'ailleurs, j'ai souvent eu l'occasion d'exprimer un sentiment de plus en plus vif au fur et à mesure que passaient les journées : les africains ne doivent pas être les seuls à dire « merci » pour ce (matériel) que nous leur apportons, qu'on voit avec nos yeux physiques, palpables, facile à donner puisqu'il s'agit bien souvent de nos » surplus », qui justifie aussi notre intrusion dans leur vie privée... nous aussi leur sommes redevables, réceptacles de choses, peut-être plus subtiles, immatérielles, comme apprendre à prendre le temps », « renouer les liens inter-générationnels » « accepter ce qui est », le partage, matériel-spirituel.

Je partage mon ananas avec Alphonso et en prime, on me gâte, je reçois double ration de salade de fruits. Quel bonheur ! Donnez... et vous recevrez ! .... ce n'est pas toujours aussi évident....

Pluie diluvienne au vrai sens du terme « es schett » comme on dit en alsacien, :il a plu « à verse » cette nuit. Heureuse de dormir dans une habitation en dur, mais les crues ? Je ne connais pas la configuration du terrain environnant, y a t-il des rivières qui pourraient déborder ? Un chat miaule ! le pauvre, je me l'imagine tout transi. Toute cette pluie n'empêche pas les musulmans de psalmodier leurs incantations à 5h30. La force de la pluie redouble. Le bruit est assourdissant. Il va, il vient. Les coupures de courant sont plus fréquentes. Avantage : la douche est bien alimentée ce matin, contrairement à hier où l'eau manquait.

La circulation à Cotonou est infernale, au-delà de ce que j'ai déjà vécu en Chine, au Népal ou au Maroc, ou alors mes souvenirs opèrent-ils un tri naturel ?

Frédéric, Alfonso, Christophe et Julien partent à Lomé avant nous pour chanter avec les enfants. Ils nous manquent déjà.

Musée ethnographique présente des collections de pièces, représentant notamment les trois moments importants d'un homme : la naissance, la vie, la mort.

Le centre Songhai : agriculture bio, élevage, pisciculture, culture du riz, technique pour fabriquer du méthane, filtrage de l'eau à l'aide de pots en argile et charbon, élevage de ragondins, canards, poules... c'est une sorte de « ferme bio » , les déchets sont réutilisés (ex la fiente des canards sert à appâter les poissons) ; il pleuvait à seau et notre visite s'est réduite au minimum, privilégiant surtout les endroits couverts. Il y régnait une bonne ambiance de travail, que ce soit aux fourneaux pour la fabrication de petits gateaux, dans le poulailler, au jardin... Nous avons fait des achats multiples (peur du manque ? compensation ? recherche certain d'un plaisir gustatif) dans la boutique du centre agricole (jus de gingembre, miel, petits gateaux, noix de coco, confiture.. miam miam, belle perspective).

Nous visitons le marché artisanal, ce sont de petites boutiques proposant des objets en ébène (j'ai complété ma collection de couverts à salade !), des batiks (je me laisse tenter par un pagne aux couleurs chatoyantes, qui me sert à la fois de jupe, de châle, de couverture etc...).

Encore un contrôle de police sur la route, le coup de sifflet retenti, notre chauffeur met quelques centaines de mètres pour réagir. Comme d'habitude, aucun poste de contrôle n'est visible et le « douanier » à lair de sortir de « nulle part » ; il ne semble pas vérifier les papiers mais tend assurément la main pour recevoir les quelques piécettes d'usage. Puis nous repartons. Ce genre de halte devient assez fréquent.

Monique a laissé son passeport dans sa valise entreposé sur le toit du minibus, alors que nous arrivons à la douane dans peu de temps... d'où les quolibets incessants du groupe. Facile pour nous, l'esprit tranquille, d'en faire un motif de blagues, mais la pauvre Monique stresse, partagée entre la peur des représailles des forces de l'ordre et le sentiment de culpabilité de « poser problème », peut-être retarder . On lui propose de jouer l'aveugle, ou bien de s'allonger en guise de coussin sur au groupe, de nous retarder peut-être ; quelqu'un propose qu'elle se couche sur la banquette et fasse office de coussin.... - les douaniers comptant généralement les têtes – ou de se métamorphoser en statue masquée genre Vaudou, d'autres ont l'idée de la faire passer pour une sourde-muette ... elle n'a que l'embarras du choix des moyens !

Ph a mis une couche et on lui a même proposé l'utilisation d'un carambar en guise de tampon. Il a préféré négocier avec la pharmacienne pour l'utilisation des toilettes mais a oublié d'intégrer le papier dans les négociations... Les gouttes aux essences de Phytaroma font merveille quand on est au bord de l'asphyxie générée notamment par la pollution des villes et banlieux, et autres.

M et ses varices n'apprécient pas le confinement. Elle souffre de ne pouvoir étendre ses jambes.

La banquette « Brocadet », à l'arrière, accepte volontiers une intruse pas trop volumineuse, en l'occurrence moi, bon calcul !
L'achat d'une quantité impressionnante de colliers, bracelets, peignes, couverts à salade, djembé, tissus, bibelots divers, réduit un peu plus le volume utile à nos pauvres corps comprimés de partout.

L'odeur de « poule mouillée » imprégne le petit habitacle aux vitres embuées dans lequel il a fallu se serrer à 19 !

M et les messages de SEM nous font vivre dans le suspens : va-t'il réussir à la rencontrer ? de rebondissement en rebondissement, le public est tenu en haleine, pour finalement être bien déçu : la rencontre n'aura pas lieu cette année.

Image insolite du couple N-J à l'avant du mini-bus.

Jeudi soir : nous arrivons dans un hôtel lumineux, à l'apparence luxueuse ... mais au fond tous ces africains qui sont à notre service, toute cette eau javelisée, l'air aseptisé de la climatisation... quand je regarde au loin par la fenêtre de ma chambre, hermétiquement close aux moustiques et à la vie, je voix bien ce qui se passe réellement ; la terrible moiteur, les odeurs, cette pauvreté tellement visible, les dos courbés s'éreintant dans le petit jardin de subsistance, nous renvoient face à ce que nous sommes réellement, au delà du clivage des races, des possessions matérielles... des humains fragiles et périssables, à la recherche du bien-être durable :

pour soi ou pour le plus grand nombre ? « that the question »...

Vendredi 1er août 2008 :

Nage de 6 h 30 à 7 h 30 : j'ai longtemps hésité à m'immerger dans cette eau traitée mais la vue sur le bassin à partir de la fenêtre de ma chambre ne m'a pas laissé le choix, que je n'ai d'ailleurs pas regretté : j'ai inventé une nage « à la verticale » qui me permet d'avancer, très lentement, au prix de beaucoup d'efforts physiques, donc de travail musculaire, recherché, tout en gardant la tête hors de l'eau et en évitant la cambrure néfaste d'une brasse non coulée.

Lily m'a rejointe une demi-heure après. Nous avions la piscine pour toutes deux, seules.

La matinée a été « balnéaire » mais nous avons quand même travaillé quelques chants avec Frédéric, en perspective du concert à Lomé. Maryse a organisé un jeu d'équipe dans l'eau (les Yovos contre les Black and WhiteS, dont Alfonso bien sûr.... ): la passion n'a pas d'âge et chacun s'est pris au jeu et a essayé d'attraper le fameux ballon pour le lancer hors de l'eau et gagner le point primordial ! Fou-rire garanti.... le résultat ? Les Black and WhiteS ont gagné, grâce à la force de l'unique Black, merci !... c'était mon équipe... cela nous « grisés » !

Bien fatiguée, j'essaie de faire la sieste sur ce gazon à l'aspect engageant : il est dru, vert. J'ai désenchanté bien vite : il pique ! Impossible de trouver la paix. Je monte dans la chambre ; là je choisis entre la chaleur moite et la climatisation glaciale, devinez ?

J'observe les lézards dont certains arborent une couleur orange magnifique. Ils s'approchent, surtout quand ils peuvent grapiller quelques miettes tombées par-terre. On dirait qu'ils font des « pompes » en nous regardant... peut-être veulent-ils nous impressionner ? Ce sont certainement des mâles pour la plupart ! J'essaie d'en caresser un mais il fuit.... dommage. La comparaison s'arrête là, hi hi hi !

Chouette, j'ai droit à deux entrées à la place du plat à viande. J'ai faim, j'ai toujours l'air de manger plus que les autres mais en fait, je dois mâcher deux fois plus longtemps les crudités par rapport aux frites et à l'accompagnement carné.

SAMEDI 2 AOUT 2008 :

S part avec son garde du corps J à la mer ; J'ai envie d'y aller aussi mais il n'y a plus d'accompagnateur...

Ch rêve d'être chef de chantier et de donner des ordres pour faire avancer tous ces chantiers qui n'en finissent pas, ces bâtiments prématurément détériorés.... elle ne serait pas au chômage, et sans doute deviendrait-elle riche si on la payait d'après les résultats !

M est symbole de douceur et de discrétion.

Voilà qu'il faut quitter de paradis de confort ; qu'allons-nous vivre dans les prochains jours ? Vous avez dit « voyage humanitaire » ? Alors allons-y !

Ne soyons pas trop pressés, il fait bon vivre dans cet hôtel d'un certain genre de luxe d'apparence... alors que le robinet goutte... le porte-serviette s'est décroché du mur... l'écoulement ne fait pas son office...

Voilà qu'on nous annonce un retard du mini-bus, sans autre précision. Cela nous donne l'occasion de suivre les débuts des festivités d'un baptême et d'un mariage.
La mariée portait un bouquet de roses... en plastiques.

M., marmotte du groupe. A. et ses salades de fruits. Th et son GPS. Ch et son humour. Ph et ses jeux de mots. M et son passeport fantôme. Papa et Justine/André, nos fidèles et patients chauffeurs. J, sa fourche et ses ceintures. « Martine au Togo », vous connaissez ? C'est le dernier de l'illustre série. « Martine au Bénin » suivra. Et pourquoi pas « Martine, chanteuse de gospel » ?En tout cas, on ne peut qu'apprécier sa gentille et discrète douceur. En toutes circonstances.

A propos des chauffeurs, leur rôle sont visiblement hiérarchisés, ou bien clairement défini et distribué : celui qui est préposé à la conduite ne s'éreinte pas à monter les bagages, lourds, sous un soleil de plomb, sur le toit du véhicule. Je regrette d'avoir utilisé le mot  « hiérarchie » mais je vais en profiter pour développer quelque peu ce « raccourci » bien édifiant !

En effet, dans nos esprits formatés et conditionnés, les différentes fonctions assurées respectivement par chaque individu, sur divers plans, professionnel, associatif, familial, loisirs etc... sont plus ou moins mises en valeur, appréciées ou dévalorisées, assumées avec fierté ou peine, tremplin vers davantage de considération devant nos pairs, nos parents, collègues, amis ou alors faisant fuir les compagnie...

Pouvons-nous avoir conscience que, grâce à la femme de ménage, le P.D.G. peut exercer son rôle dans les meilleures conditions, trouver son bureau nettoyé en arrivant le matin, les toilettes désodorisées, les vitres propres lui permettant de se relaxer en admirant le paysage (si ce n'est la façade grise de l'immeuble voisin !), grâce au petit agent de bureau, le chef peut passer un peu de temps à réfléchir sur un dossier qui pose problème, et le mari qui, grâce au dévouement et à l'abnégation de sa femme, peut gravir les échelons de carrière tout en se ressourçant dans son petit cocon familial, l'adolescent se défouler en pratiquant un sport collectif qui nécessite l'encadrement de bénévoles dévoués, et je pourrais multiplier les exemples à l'infini.

A quand un total remaniement des échelles de valeur encore basées sur la considération sociale, le degré de rentabilité pécuniaire, le poids dans l'économie... afin d'atteindre une conscience, ou de l'approcher car il n'y a pas de « fin », qui permettrait enfin d'apprécier chacun dans son rôle propre qui lui sied.

Tout est lié, l'un ne va pas sans l'autre, que serait le Président de la République sans les citoyens ? La terre sans la mer ? Le soleil sans la lune ? Le chat – ou l'ordinateur - sans la souris.... le maître sans l'élève ? l'Europe sans l'Afrique... les Freedom Voices sans Frédéric ? ... Frédéric sans les choristes...

sans transition... mais l'idée ne me quitte pas...

Les gens se couchent n'importe où pour faire leur sieste, sur leur moto, les bancs publics, les ronds-point, un tas de sable d'un chantier depuis longtemps oublié, derrière leur échoppe momentanément délaissée par les clients... : sur ce plan, je pourrais être togolaise ! Ceux qui me connaissent bien comprendront.

Les jardins sont fréquemment clos avec des murs en pierre alors que les cahutes qui servent d'habitation sont construits ça et là sans délimitation de terrain ; les togolais passent le plus clair de leur temps dehors. Ceux qui en ont la possibilité cultivent leur petit lopin de terre d'où ils tirent certainement une grande partie de leur subsistence.

Les couturières prennent les mesures des hommes et femmes coquettes... 86 66 92... non ce n'est pas mon numéro de téléphone...

Vous avez deviné ? Je ne peux cacher que ces chiffres ne reflètent pas les mensurations dictées par la pub...

Finalement, après maints rebondissements, Youpi, nous partons pour Yobo Zedzro. Christophe et Alfonso ont dû rester à l'hôtel par manque de place dans le mini-bus. Il faudra donc chanter et rire sans eux !

La grande aventure commence.... nous ne croyiions pas si bien dire ; nous n'ignorions pas les problèmes d'inondation dus aux fortes pluies des derniers jours, mais à ce point ! Pour rallier le village à Lomé et par le chemin le plus court, on met habituelement une heures trente... nous avons mis plus de 4 heures, mais nous sommes arrivés sains et saufs !

L'eau déferle en un courant par endroits assez fort, des arbres déracinés et des objets divers flottent sur l'eau, bassine, basket, boîtes de conserve etc... et bien sûr les morceaux de sachets noirs déchiquetés. Bien à l'abri à l'intérieur du véhicule, nous avons bien conscience que, s'il nous arrive de verser dans un fossé devenu fleuve ... - et sans mentionner les dégats humains, en premier lieu les personnes qui entourent le mini-bus, dont beaucoup de jeunes enfants pour qui approcher des Yovos est un grand désir et une fierté, teinté d'espoir de percevoir une petite rétribution, sous quelque forme que ce soit, même un bisou ! ... - donc j'en reviens à nos bagages qui seraient irrémédiablement perdus, y compris la Malarone, les notes prises tout au long du voyage, mes précieuses gouttes aux essences...

Notre arrivée au village, cette fois-ci pour y rester, était non moins impressionnante que la première fois, pour d'autres raisons, par exemple le centre était prêt à nous accueillir avec des commodités dont nous n'osions pas même rêver ! Des portes (collantes de l'enduit fraîchement posé) aux chambres, des lits (confectionnés avec des planches de chantier), des matelas tout neufs (presque come ceux que nous pouvons acheter en Europe et qui prennent la forme du corps, sauf que ceux-ci ne perdaient plus la mémoire et accentuaient même les formes) ! des fenêtres sans moustiquaires, des toilettes (sans évacuation), des douches (presque sans eau)... mais, pouvoir se laver sous un mince filet d'eau, se brosser les dents devant un lavabo, se déshabiller à l'abri des regards, s'allonger dans un lit... était un vrai paradis ; tout est relatif.

Il a bien fallu partager la chambre avec les criquets, souris et autres bestioles mais celles-ci étaient là bien avant nous... qui sont les intrus ici ?

Les nuits étaient reposantes, malgré les bruits incessants, le générateur dans ses périodes de fonction, le coq à pas d'heure – ce qui n'est pas un bruit, ni désagréable à vrai dire – les palabres et la musique avec le jembé presque toute la nuit, les ronflements des copines qu'on percevait au travers des murs, les quintes de toux... simplement les signes de vie.

Séance de maquillage le matin, sur le pas de porte : nous avons beaucoup de spectateurs. Une maman-poule passe par là, suivie d'une nuée de poussins ; aurait-elle entendu parler de ce spectacle inédit ?

Le culte dure près de 4 heures, les prêches sont entrecoupées de chants, danses ; la quête est conduite de façon originale : les généreux donneurs sont appelés successivement, d'après leur jour de naissance, à s'approcher du panier en dansant et en chantant et à déposer leur obole, puis est opéré un décompte intermédiaire et les résultats sont déclamés au micro ; il va sans dire qu'une certaine concurrence se met en place.

... A et C sont rentrés au petit matin... ce culte, même festif, leur fait l'effet somnifère.

Surprise : la couturière ramène les habits confectionnés : bonnes et moins surprises, certains tissus ne correspondent pas au souhait émis par les clients, d'autres sont déçus par la forme, les finitions ; j'ai de la chance, tout va et me plaît et je paie l'équivalent de 35 euros pour une robe, un ensemble jupe-veste et un pantalon... la coquetterie, même au fin fond de la brousse...

Nous nous promenons souvent dans le village, toujours accompagnés par les enfants qui nous donnent la main, se présentent avec leur nom en Ewé, presque toujours suivi d'un prénom français, tout droit sorti des livres ou de l'histoire de France, quelque peu désuet, comme Anatole, Gertrude, Jeanne d'Arc, quel charme .... aujourd'hui ils me portent mes sandales que j'ai retirées pour cause d'ampoules.

Après le culte et le déjeûner, nous sommes conviés en tant que spectateur au « jeu de la toupie » : toutes lels générations rassemblées autour d'un terrain où deux équipes s'affrontent en essayant de « dégommer » les « pions » (genre de fruit tel une chataîgne) qu'ils projettent en les faisant vriller entre leurs doigts jusqu'à atteindre la cible. Pour moi c'est un réel exploit que d'arriver à les lancer à une telle distance, avec la force, la dextérité, la précision nécessaire. Les projectiles rasent le sol sans s'y échouer avant d'avoir parcouru la distance ; au fur et à mesure du temps qui passe, les esprits s'échauffent, après deux heures de jeu je différencie enfin les antagonistes parmi les spectateurs, qui deviennent de plus en plus expressifs et bruyants, en chantant, dansant, hurlant, tapant des pieds, agitant les crécelles...un bébé, portés dans le dos par sa mère passionnée, secoué dans tous les sens, reste imperturbable dans son sommeil. Au fur et à mesure de la progression de chaque équipe, de force sensiblement égale, ce qui rajoute au suspens, les « billes » se font bien sûr rares et les toucher devient une gageure ! Les joueurs, jeunes et moins jeunes, sont indéniablement doués. Le chef est assis au premier rang, parmi les spectateurs ; il s'enthousiasme facilement, indifféremment pour l'une ou l'autre partie, dès que le coup vaut la peine d'être loué : bel exemple d'impartialité sans pour autant verser dans l'indifférence. J'aperçois une « pom-pom-girl qui s'agite et chante derrière son équipe de choix en secouant ses fioritures dignes d'un spectacle « can-can ». Cen'est peut-être pas un hasard... son équipe remporte la partie, à un point près. Les autres quittent le terrain avec une mine un peu triste, mais la tête haute, après avoir serré la main des plus chanceux du jour.

Quatre heures de culte, quatre heures de jeu, et les festivités ne sont pas terminées ; j'ai à peine le temps de me couvrir afin de me protéger des moustiques, comme tous les soirs à la tombée de la nuit, vers 18 heures déjà ! qu'on nous entraîne dans un autre endroit du village où se prépare un spectacle de danse par des jeunes, dont une fillette qui a peut-être cinq ans ; son petit corps bouge en parfaite symbiose, sans difficulté apparente ; elle a l'air d'être mue par une force extérieure, il n'y a plus d'effort, plus de trace d'apprentissage, elle EST, dans son élément, ici et maintenant, pas ailleurs, entièrement, naturellement. J'ai presque le sentiment que ses compagnons, plus âgés qu'elle, ne font que partie du décor d'un tableau, d'une scène dont elle représente le centre : oui, je suis fascinée par cette beauté parfaite et mouvante.

Il n'est pas rare qu'un jeune togolais vienne nous voir, commence à discuter pour très vite enchaîner vers le vrai but de sa démarche : trouver une adresse en France, un point de chute pour peut-être décrocher un visa « sésame ouvre-toi » d'une vie plus facile...

Comment ne pas les comprendre dans un premier temps, nous qui manquons de tant de choses ici tout en étant conscient de les retrouver plus tard.... facile !

Comment dire que l'essentiel n'est pas dans l'apparence tout en sachant que, pour avoir accès à cette réflexion , il faut tout d'abord pouvoir assouvir les besoins primordiaux qui sont boire, manger, avoir la possibilité de se soigner, de se cultiver, de travailler dignement, d'élever les enfants dans de bonnes conditions.

Puis, qu'offrons-nous à l'étranger qui vient s'exiler loin de sa famille et de son pays, simplement dans l'espoir d'une vie meilleure pour lui et ses enfants, quoi de plus légitime ?

Chaque humain n'a-t'il pas les mêmes aspirations ? Trouver sa place pour y vivre dignement.

Trop souvent on croit que l'étranger nous prend notre travail, notre nourriture, contamine nos enfants avec ses étranges habitudes, encaisse les allocations... ce qui en fait la cause toute trouvée de nos malheurs de société nantie...

Thierry entouré d'enfants qui ont aperçu qu'il est le pourvoyeur de ballon ! Des enfants jouent ça et là avec un ballon crevé, du papier roulé en boule, parfois ils sont pieds nus, ou en baskets troués mais cela ne les empêchent pas de jouer avec fougue.

Il n'est pas rare que certaines femmes élèvent entre 8 et 25 enfants !

Plantation des fameux teck :nous trions les pousses, sélectionnons celles qui bourgeonnent. Il fait très lourd, nous marchons 2 – 3 km, accompagnés d'enfants, de femmes qui portent des seaux, des outils ; je propose à l'une d'entre elle de me donner la moitié de sa charge, elle refuse énergiquement. J'ai compris qu'elle est fière de participer à ce travail ; je vois quand même que les quelques hommes qui font partis de l'équipe sont bien moins chargés et semblent davantage s'occuper de la logistique et de l'organisation.

Tout a l'air désorganisé dansl'apparence mais comme d'habitude en Afrique, les choses se font, presque, d'elles mêmes, tout se met admirablement en place. Dasun premier temps il faut couper des plants de maïs, à l'aide d'une machette, outil qui impressionne beaucoup Christiane qui s'est d'ailleurs empressée d'en acheter une pour son jardin à Eckwersheim ; la terre est sablonneuse, meule, agréable à travailler. Les tâches se font « à la chaîne », défrichage, piquer dans la terre avec un pieu improvisé, accéré avec la fameuse hâchette, planter la pousse de teck – travail noble et symbolique confié au Yovos, honorés - bien compacter la terre autour, aménager une petite cuvette afin de retenir davantage d'eau, versée par une femme à l'aide d'un seau (tiens, je n'ai vu aucun arrosoir dans le village, serait-ce un cadeau utile à faire ?) ; ainsi, de rangée en rangée, le travail se fait de plus en plus fluide, en symbiose, très lentement, je profite des moments d'attente entre les différents stades pour observer cette mouvance humaine qui s'apparente presque à une danse. Les visages sont tour à tour concentrés, souriants, curieux, interrogateurs sur la manière de procéder qui n'estcertainement pas la plus rentable en gain de temps,,, qui est de l'argent, c'est bien connu.

Et bien, ici, on fait fi de cette considération : oubliée, balayée l'obligation de rentabilité qui met tellement de travailleurs en marge de la société occidentale, en leur ôtant jusqu'à la dignité même d'avoir un travail, d'être utile à la société, au lieu d'être contraint de vivre à ses crochets et, pour comble, d'être en plus, soupçonnés de fainéantise...

Un matin, à l'occasion d'une promenade dans le village, nous rencontrons un « Vieux » (terme qui n'est pas péjoratif mais empreint d'un respect devant la sagesse du grand âge – ici on a encore le droit de vieillir sans être déprécié et mis au ban d'une société qui ne reconnaît, là encore, que la valeur marchande des actions d'apparence susceptible d'influer sur les cours de la bourse et enrichir toujours davantage de moins en moins de personnes. Je ferme cette longue parenthèse) qui nous explique qu'un Baobab est un endroit symbolique du Vaudou où se déroule certaines cérémonies. Celui qu'il nous présente à plus de 500 ans d'âge, arbore des branches magnifiquement noueuses. Le tronc, évidé, peut être aménagé en garde-manger.

Horacio est le professeur de musique du village.

De temps en temps, je l'avoue... j'interroge mon portable, enfin j'essaie.... parfois je capte un petit message qui me fait plaisir.

Déjà à ce stade du voyage, je sens que ma vision du monde change, évolue ; l'Afrique n'est pas seulement réceptacle de l'aide humanitaire, tiers ou même quart-monde comme on lit dans les journaux et les livres scolaires, il est aussi, et avant tout, gardien d'une sagesse ancestrale vers laquelle, tôt ou tard, bon gré ou forcé, le monde devra se tourner pour y puiser les ingrédient d'une nouvelle société plurielle plus juste pour tous, plus respectueuse de la nature, plus humble vis à vis des leçons que nous infligent les catastrophes naturelles, les maladies émergeantes, le désarroi de nos jeunes, conséquence de la perte du sens de la vie.

Nous rendons visite aux autruches Yovo, Freedom et Voice. Animal peureux qui sait danser devant Frédéric... nous devrions certainement en prendre de la graine !

Elles ont 11 mois, ponderont jusqu'à 2 oeufs par jour jusqu'à 45 ans (âge de la ménopause ?). La taille de ses oiseaux atteint 2,50 mètres à l'âge de la maturité qui est de 2 ans, La viande est comestible, les plumes très prisées dans le monde du spectacle et leur peau pourra être vendue en tant que cuir d'excellente qualité ; c'est donc un investissement rentable économiquement qui permettra certainement au village de développer notamment son potentiel scolaire et médical, dramatiquement bloqué par le manque évident de moyens (livres, médicamens...).

Retour au coeur du village où nous sommes attendus (toujours... attention de ne pas s'habituer et devenir égocentrique... je m'imagine l'ambiance impersonnelle de nos grandes villes où personne ne regarde personne, marchant, tête baissée, souvent pressé vers un but, puis un autre...), donc ici onnous attend pour une séance de danse – percussions. Bien sûr on nous invite à participer en nous tendant des pagnes à nouer autour de la taille. Image insolite qui fait bien rire les Togolais.

Sans transition, l'emploi du temps est bien chargé ! Pas une minutes de repos.. surtout sur le plan acoustique. Séance de tresses (no stress....) Maryse est le premier cobaye,puis c'est autour de Madeline et moi... je me suis souvenue des paroles de ma mère lorsqu'elle me coiffait et qu'elle me tirait les cheveux pour les démêler : « il faut souffrir pour être belle » ! Je rajouterai également la patience car il a fallu rester assise, immobile, pendant 2 heures 30 (je ne parle même pas de la coiffeuse et son assistante ...) mais l'effort en vaut la peine : cette coiffure me fait oublier mes soucis d'apparence, je ne me coiffe plus, je vois toujours la même tête dans le miroir, pas de surprise; c'est une préoccupation en moins et pas des moindres, pour une femme !

Les mamans portent leur bébé sur le dos jusqu'à  3- 4 ans. Elles font la cuisine, dansent, travaillent ainsi, elles vivent en contact permanent avec leur petit ; rares sont les crises de pleurs, les colères, peu d'énervement , d'angoisse, d'agacement perceptibles, malgré la concentration d'enfants de tous âges.
Nous assistons à la fabrication de l'huile de palme avec les noix de l'arbre. Une femme est debout, pieds nus, dans la cuvette remplie d'un liquide rougeâtre, peu engageant ; elle piétine les noix, écume la surface, verse de l'eau chaude, filtre le liquide, enfin nous suivons tout le processus artisanal d'extraction de cette huile, qui peut être rouge ou blanche, suivant la partie de la noix utilisée. Maryse teste sa capacité à rester debout dans cette mare visqueuse.

Alfonso est absent ces quelques jours mais il a laisé des traces indélibiles : ldès qu'ils nous aperçois, es enfants aux quatre coins de village entonnent leslchants appris avec lui et que nous connaissons aussi en partie ; cela fait une approche bien sympathique : le chant rassemble et génère la joie de vibrer ensemble.

La vie en groupe dans un milieu au confort sommaire, où l'on doit sans cesse s'adapter à l'inhabituel, l'imprévu, a tendance à exacerber nos traits de caractère, surtout nos travers.
Les masques tombent, on ne peut les






















































EN VRAC I

Auto école « gloire à Dieu », « payer avant de manger », office d'huissier, j'ai vu un tribunal mais je ne sais plus où, poule avec trois poussins : un blanc et deux noirs , comment cela se fait il, yovo = les blancs, usine de médicaments génériques, « clinique traditionnelle », lavage à sec « que Dieu vous bénisse », bijouterie « les mains de Dieu », Dieu à toutes les sauces ! Société de Courage, maison du ciel, propriété litigieuse, propriété à bailler, clinique « la volonté », établissement « Divine grâce », coiffeur « dieu est bon », « tu tousses depuis des semaines alors va à l'hôpita »l, plein de petites églises partout, « ne pas pisser sur la mure ! », garage « la patience » (quand on voit l'état des voitures...., « puits des esclaves », « même si l'arbre ne porte pas de fruits il peut quand même protéger sa famille avec son feuillage ». Magasin de pots d'échappement « c'est la nature qui parle », « la maison du cercueil », bouquet de poules vivantes accrochées au guidon d'une mobylette, journal dont les pages sont suspendues sur un fil : tout le monde en profite. clinique de Noé, produits bio

Doudoune portée à plus de 45°. « Go slow » pour un magasin de cercueils.

Clé minute « le destin », agence immobilière « le bon berger », plante horticole au bord des routes, coiffeur « tant que je vis, j'ai espoir », épitaphe «chez gouter voir », minitère international de... la prière de l'espoir, tresses « dieu est bon », couture « gloire à Dieu », PARIS IV superette, moustic lake, latrine améliorée ventilée, coiffure « royaume des anges ».

Eglise : laissons nous transformer au plus profond de nous, commerce général « tout pour tout », cordonnerie « pas à pas », pharmacie « l'éternel », centre de formation « la concience », guérisseur à côté du cimetière, centre de prière « mon calvaire », cabinet téléphonique « les anges », préservatif migrant à vendre au café du coin, chaise à louer, établissement « alléluia, sans rancune aucune », « la différence », église – en gare « chez la consolatrice », établissement « dieu le veut », cabine téléphonique « oeil de dieu » « rien impossible à Dieu », garage « auto fruit de l'esprit » « Dieu seul suffit », « Dieu est parfait » « fait ta prière », « le réveil » « guérir par le plaisir », cabinet dentaire « le salut », boutique « coeur des anges », chemin de paix, « beau bébé », « beauté ronde », « resto lapin » , communauté électrique du Bénin = EDF. Affiché sur un mur : « saisi pour non paiement d'impôt ». Sur une moto : « la souffrance est un conseil », « tout reste », « notre dame de la patience », construction consolidée avec bouts de bois, ministère de la montagne du feu et des miracles, maison à ne pas vendre, bel pêche, deux coups = 5000 F CFA.

Docteur des pneus, établissement belle mouche, peace and love télécom, optical grace de Dieu, fourneaux «  je le prends », avec Bridel la vie est plus belle, Nesto boy coiffure, Mathos coiffure, tout pour épanouir, hôtel le président, tu ne déposeras pas déchets ni ne feras de bruit au delà de ce que la loi autorise, c'est un commandement. Centre de prière, poissonnerie « miracle de Dieu », poissonnerie et quincaillerie, quincaillerie santée, les cahiers le papillon, ministère international du progrès dans la foi, agence abatoir (assurance), Tendresse = clinique médico dentaire, société béninoise de friperie, les vignes du seigneur, caisse nationale de sécurité sociale, alléluia tresse coiffure, avenir plus radieux que votre passé = banque, avenue Steinmetz, institut géographique national la morgue de l'hôpital, société Benin pas cher, avis aux tricheurs maison à ne pas vendre. Etablissement immaculée conception, cabinet soins l'espèrance, vente en gros et détail, journal la tribune. L'enseigne « culture du pratique et nécessaire – survie » « choeur des anges »
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conversation K

« Ce sont les paroles d'une personne bien portante »


oui, K, je n'ai pas à être autre ; on agit et réagit tous avec ce que nous sommes, ce que nous avons vécu, d'après nos sensibilités etc.... (C me reproche de dire « on » quand elle est fâchée)... dire « je » ?, marque d'égocentrisme d'après un autre interlocuteur.... je pourrais employer le « tu » mais tu te sentirais directement visée, le « nous » mais de quel droit incluré-je arbitrairement tout un groupe dans ma pensée ? et « ils » ce serait qui, très loin de moi ? ... alors j'écris spontanément, tout en pensant parfois à la manière dont une parole peut être reçue... avec ce que chacun est, pense, ressens, a vécu, souhaite vivre.... en être conscient simplement, puis être à l'écoute des retours, surtout quand ils m'interpellent, puis, éventuellement, essayer parfaire ce mode de communication qui restera toujours imparfait, sinon se donner l'occasion d'affiner, d'expliquer, d'échanger, c'est magnifique.


Le plus important pour moi est d'en avoir conscience, humblement mais sans humilité forcée (autre sujet qui mériterait à lui seul un développement....), d'avoir la faculté d'adapter (ce n'est pas être versatile) mes paroles au ressenti du moment.

samedi 26 septembre 2009

article MASPERO magazine SILENCE

SANCTUAIRE DES ANNAPURNAS - 18 AVRIL AU 3 MAI 2009


SAMEDI 18 AVRIL 2009


Haguenau – Francfort en bus puis envol vers KATHMANDOU avec Gulf Air.


C'est la première fois que je n'arrive pas à préparer de façon efficace mes affaires. Je fais, je défais, je refais mes tas, je me ravise, j'allonge la liste, je barre, je stresse... et pourtant les choses essentielles à ne pas oublier (passeport...) ne sont pas nombreuses !


J'attends F, j'ai peur d'avoir mal compris : elle est sensée passer la nuit ici et nous devons aller ensemble rejoindre le point de départ ?... sinon, catastrophe ! N'ayant pas de voiture.... les heures s'écoulent...

Ouf, elle vient à 23 heures, guère plus calme que moi ;


Je me couche à 2 h, le réveil sonne à 4 heures, retard, nous nous perdons dans Haguenau, j'appelle D, non ce n'est pas vers Marienthal tout de suite, nous dépassons le parking Antoni sans le voir, puisqu'il y a Emmaüs après... demi-tour, heureusement que P nous fait signe ; évidemment l'attente pour les personnes dans le bus était désagréable, idem pour la femme-chauffeur qui doit tenir ses engagements horaires, je comprends... l'ambiance s'en ressent puis la tension se relâche, tout le monde est content de partir.


Aéroport, pluie, peu de monde, douane, vérification allégée ; j'ai quand même dû boire le reste de l'eau aromatisée aux gouttes aux essences de Phytaroma, cela ne se gâche pas ! D'autres personnes ont dû sacrifier le shamppoing malencontreusement rangé dans le sac de cabine, un spray « jambes lourdes », alors qu'au contraire, les douaniers n'ont pas su détecté le couteau d'un voyageur...


Peu de passagers, nous prenons nos aises ; allonger les jambes dans cet habitacle est un luxe rare et fort apprécié.


Histoire de repas : l'assiette végétarienne pourtant aimablement commandée par Nicole n'est pas facile à avoir, comme d'habitude. Je suis toujours étonnée de la complication qu'entraîne la demande, simple et claire, du moins pour moi, d'un repas sans viande... quand on ne me sert pas une tranche de jambon en remplacement de la viande ! Ou un carré de saumon... en 20 ans les mentalités évoluent très doucement, enfin la compréhension de l'autre n'est pas aisée quand on sort un tant soit peu du schéma habituel. J'en parle mais n'en suis pas affectée et cela me donne l'occasion d'être plus consciente du fossé qui nous sépare dans la compréhension de l'autre, qu'il y a encore tellement d'efforts à faire dans divers domaines, moi comme d'autres. Soyons vigilants.


Oh, miracle ! Après un peu d'attente, on me tend une barquette de tortellini aux épinards, que c'est bon, même le goût insipide d'un repas aseptisé arrive à me ravir, le petit pain doré posé délicatement, à l'aide d'une pince métallique désinfectée, par l'hôtesse arborant un grand sourire, « Miracle à 8 000 mètres d'altitude », pourrait être le titre du film au ralenti quand j'observe les plus petits gestes et expressions, quand je hume les odeurs diverses de repas – mais cela ne se sentirait pas sur l'écran ! -, de parfums plus ou moins agréables – l'huile essentielle de lavande venant utilement à mon secours... avoir le temps d'observer, de regarder, de ressentir, de fermer les yeux, d'imaginer, d'ETRE tout simplement, un luxe que je vis trop rarement – prendre l'avion, être enfermée dans cet habitacle qui pourtant pourrait être prison, est en fait un moyen d'évasion, autre miracle ! Le repas servi sur un plateau, dans des petits ramequins et mignonnes tasses bordées d'un liseré bleu, des couverts en plastique de bonne qualité ; est ce qu'on les jette après utilisation ? Je me souviens, attendrie, des dinettes de mon enfance. Je ne résiste pas à la tentation d'en garder un exemplaire.... il y a quelques années, j'ai empoché une couverture, que je me suis d'ailleurs empressée de déposer dans une benne à récupération de vêtements – mauvaise conscience ? - quelque clochard en aura profité, peut-être pas pour se protéger du froid car elle est trop fine, mais peut-être des regards de gens pressés voyeuristes et tellement dans la certitude de garder pour toujours leur statut de nantis – je suis du nombre -. Me voilà presque élevée au rang de Robin des Bois puisque je détrousse Gulf Air pour améliorer les conditions des sans-abris... enfin n'exagérons rien.


Nous arrivons à Barhein ; mon sac est resté coincé dans le tapis roulant, heureusement sans l'abîmer. Les femmes portent des djellabahs, noirs mais magnifiquement brodés pour certaines, confectionnés dans un tissus souple, tombant – rien à voir avec ma robe de greffier d'il y a 30 ans, rêche, lourde.... - leur habit sensé les protéger de la concuspiscence laisse imaginer leurs formes féminines pour certaines et je sens bien qu'elles en sont conscientes... Mahomed est-il d'accord ? C'est beau. Ce n'est pas toujours l'ostentatoire qui est le plus séduisant : leçon aux femmes occidentales. Enfin, à chacun ses armes... même s'il ne s'agit pas d'un combat ! Simplement une façon d'exister, parfois dramatiquement pathétique lorsqu'on voit des filles à peine adolescentes se promener à moitié dévêtues pour attirer une certaine sorte d'amour, ne faisant réagir que les individus cherchant une autre sorte d'amour-compensation ? leur rencontre parfois irrespectueuse, basée sur un total mépris de l'autre, peut aboutir malheureusement à des histoires narrées dans la rubrique des faits divers. Vies brisées.


DIMANCHE 19 AVRIL 2009


Le clavier du contrôleur à l'aéroport affiche les lettres de notre écriture, AZERTI, jusque là rien d'étonnant ; par contre sur l'écran apparaissent des hiéroglyphes orientaux, comment est ce possible ? C'est en tout cas très beau et rien n'est apparemment impossible à programmer en informatique (sauf le programme permettant à une badgeuse de tribunal de comptabiliser les heures de travail sur 4 jours !... clin d'oeil aux « polémiticiens » de la Justice pour qui tout ce qui est nouveau est compliqué)


Longue attente du bus. Enfin il arrive mais le groupe doit déjà se scinder en deux. J'attends, pourquoi pas ? Et bien non, Fabienne et moi sommes appelées à combler les petits espaces dans l'habitacle de l'automobile... « avantages et inconvénient d'être petit » pourrait être le titre d'une prochaine dissertation.


Sur le trajet vers l'hôtel où nous passons une nuit s'étale toute la richesse d'une ville pétrolière : gratte-ciel imposants, voitures toute neuves et haut de gamme, routes en parfait état, tout est illuminé, décoré.


Le repas est pris sous forme de buffet, le choix est immense et on trouve même des graînes germées! Pensées au pauvre P. qui est malade... allez, je profite de ta part et je me ressers ! Par contre les desserts, même si esthétiquement engageants, sont trop sucrés à mon goût. La petite bouteille d'eau coûte 2,50 euros ! .... quand je pense au gachis de cette matière précieuse à l'arrosage des terrains de golf aménagés en plein désert...


Des téméraires sortent pour prospecter les alentours ; le devant de la scène urbaine est soigné, contrairement aux arrière-cours où apparaît un laisser-aller, objets divers qui traînent, des détritus éparpillés.... la richesse étalée sert surtout de vitrine.


Les femmes sont absentes de la vie au-dehors ; les soirées appartiennent aux hommes qu'on retrouvent surtout fumant le narguilé dans les bars, entre eux. Quelle tristesse !


La nuit n'est pas reposante. Des sonneries non identifiées se faisaient entendre, la musique de disco interminable, les courants d'air froid d'une « clim » qui se bat difficilement avec la moiteur ambiante....Fabienne s'est levée à 1 heure du matin, croyant qu'il était 3 heures, heure prévue de lever ! Elle a pris sa douche dans la foulée, puis s'est recouchée. S'en suivaient des rêves de stress, de retard... bref, le lever a été un soulagement, ainsi que de quitter cette chambre désagréablement climatisée, à l'odeur de rance dans les lourdes tentures aux motifs d'une autre époque, lourdes à tout point de vue ; le couvre-lit confectionné dans le même tissus lourd pèse désagréablement sur les pieds.


Je voudrais préciser que mes descriptions, même si elles paraissent parfois « négatives » ne sont absolument pas le reflet d'un mal-être, pas du tout : j'aime vivre ce qui EST, autant que possible, Bahrein ne serait pas Bahrein si j'y retrouvais l'intérieur de mon petit appart aménagé à mon goût et les rues bien connues de Strasbourg ou de Wissembourg... ou l'unique rue de BREMMELBACH ! C'est tout l'intérêt d'un voyage et des rencontres avec des personnes aux goûts et priorités différents, dans des milieux inhabituels. Remise en question parfois destabilisante et une plus grande ouverture d'esprit à la clé, n'est ce pas le sens d'un voyage à la rencontre de l'Autre ?


Que la « clim » apporte un confort immédiat est indéniable, mais à quel prix en énergie ? Quand on voit que souvent les portes des magasins équipés restent ouvertes ? Sur le plan sanitaire en fragilisant nos muqueuses sensibles, en transportant des germes, en créant de grands écarts de température que nos corps doivent gérer ?


Que les repas édulcorés, aseptisés, dans des barquettes garanties « sans germes », (plutôt sans vie ?), soient doux pour la langue, les aliments traîtés se gardent plus longtemps dans nos réfrigérateurs trop remplis, mais à quel prix sur le surcroit de toxines que doit évacuer le corps pour éviter l'empoisonnement ou la dégénérescence trop rapide ?


Que la présence d'appareils ménagers soulage le travail lourd quotidien, que l'utilisation d'une, même deux voitures, est nécessaire à la famille, mais à quel prix ? « travailler plus pour gagner davantage » ...pour pouvoir faire face à nos besoins de plus en plus importants ?


Soyons plus conscients de la portée de nos actes pour assouvir notre désir, par ailleurs légitime, de bien-être ; mais à quand le bien-être pour tous ?


Longue attente à l'aéroport de Barhein, embarquement à 6 heures. J'en profite pour écrire dans mon cahier qui prend déjà les couleurs locales. Je me rends compte qu'après le passeport, c'est l'objet le plus précieux, celui que je n'aimerais pas perdre ; je m'empresse donc d'écrire un mot sur l'intérieur de la couverture, en anglais, priant celui qui le retrouverait de me le renvoyer en France, en mentionnant soigneusement nom et adresse.


Pendant le vol, je suis surprise de percevoir des effluves de lavande ; tout d'abord j'ai pensé que la Compagnie « Gulf Air » a eu la bonne idée de diffuser cette agréable senteur apaisante, par souci du bien-être des passagers.... mais je me suis rapidement rendue compte que mon flacon d'huile essentielle était en train de se vider peu à peu dans la poche de mon sac à dos...


A peine avons-nous décollé de BARHEIN que nous atterrissons déjà au QATAR, où s'opère la relève d'une équipe de travailleurs bengalais. Les ouvriers retournant chez eux affichent une grande fatigue et leur apparence est moins soignée.


Ce pays, vu d'avion, a l'air d'un immense désert. Nous redécollons aussitôt.


Le petit déjeûner tardant, je puise dans mes réserves de pain fait-maison, dur mais ayant au moins le mérite de se conserver longtemps, d'être léger, facilement transportable. L'eau emportée de l'hôtel, agrémentée avec les gouttes aux essences de Phytaroma (je n'hésite pas à faire de la publicité pour ce produit car il me sert, à l'occasion, à la fois de dentifrice, de désinfectant d'appoint puisqu'il contient des antiseptiques puissants tels la lavande, la cannelle..., de parfum rafraichissant, de produit inhalant en cas de début de rhum, on peut faire des gargarismes....).


Le repas arrive : petit déjeûner ou déjeûner ? c'est comme on veut. Il est près de midi à l'heure de Kathmandou et 9 h au Qatar ; on nous propose du thé, du yaourt, chapatis, légumes épicés, omelette, un délice.


En première classe avion, la plupart des sièges sont inoccupés et les toilettes libres alors que de notre côté il faut être vigilant pour ne pas rater son tour au WC. Quel déséquilibre, juste pour une question de moyens financiers ? Pourquoi l'homme qui dispose de plus d'argent voit-il ses besoins plus facilement assouvis, pourquoi est-il plus agréablement installé ? Un travailleur, fatigué par trois mois de mission, loin de sa famille, n'a-t'il pas autant, sinon davantage, mérité le confort ? Un PDG qui sort de son bureau desin, climatisé et qui retourne dans sa villa avec toutes ses commodités pourrait, dans l'absolu, laisser son endroit confortable à l'ouvrier qui quitte les baraquements pour retourner dans son bidon-ville. Faudrait en faire l'expérience ; peut-être que l'homme qui ose partager ses privilèges ne s'aimera que davantage.... mais nous nous cramponnons, tous autant que nous sommes, à nos petits avantages, aussi petits soient-ils.


Vrac :

Le Nouvel An népalais a lieu le 9 avril et dure 10 jours.

100 roupies équivalent à peu près à 1 euro.

Le décalage horaire est de + 5 h 45 par rapport à la France.


Petit lexique glâné, phonétique : MA = je ; CHA = oui ; CHAINA = non ; KAHA = où ? ; DINUHOS = SVP...


A l'aéroport de KATHMANDOU, j'observe les douaniers avenants, calmes, plein d'humour, ils paraissent philosophes, contents de ce qu'ils font ; les vérifications et interrogations ne sont pas source de stress comme trop souvent, aucun abus de pouvoir, juste ce qu'il faut pour bien faire le travail : l'un vérifie, l'autre tamponne, un troisième appose sa griffe, un autre apporte du thé et des petits gateaux secs. Les visas sont rapidement délivrés.


Nous nous rendons à l'hôtel dans un mini-bus, le trajet me rappelle des souvenirs de mon précédent passage : rien n'a grandement changé. Densité humaine énorme, couleurs éclatantes, détritus qui jonchent le sol, les petites échoppes sombres....Ah ! quand même une nouveauté : les téléphones portables !


Et une file interminable à la station-essence ; les clients sont souvent à pieds et portent des jerricans. Le carburant pèse lourd dans leur budget ; il est sûr que pour nous, le prix à la pompe est très bas (... si quelqu'un s'en souvient.... il faut le rajouter, merci !)


OH.... des poulets enfermés, forte densité sur peu de place.... autre nouveauté mais pas une avancée ! nous ne sommes vraiment pas un bon exemple dans cette matière ; combien faut-il encore de déclaration d'épidémie pour comprendre que la viande que nous mangeons doit être de bonne qualité, émanant d'animaux ayant vécu une vie « digne » de leur condition ? C'est à dire sans souffrance qui, maintenant nous ne pouvons plus l'ignorer, acidifie la viande ; nous faisons partie de la chaîne, il faut y penser si tant est que la conscience de la souffrance ne suffirait pas pour nous raisonner et respecter non seulement les personnes qui nous sont proches et que nous aimons, mais aussi les étrangers, les animaux et par extension notre milieu de vie.... il est grand temps ! Qu'apprenons-nous à nos enfants ? Que leur laissons-nous ? Chacun à son niveau peut s'interroger, c'est déjà un grand premier pas. De toutes façons personne ne peut s'ériger en juge pour évaluer le degré de conscience de son prochain.


Lors d'une pause, quelques personnes, dont moi, avons traversé un pont en bois et pensions que notre cher chauffeur allait nous récupérer de l'autre côté, histoire de remettre un peu en mouvement nos pauvres membres enkylosés qui vont quand mettre bientôt être mis à contribution ! En marchant, nous avons goûté nos premières minuscules, mais oh combien gouteuses, bananes, ; un délice... peut-être que la gourmandise nous a fait oublier la discipline du groupe : « restez groupiert », adage bien connu. On a dû nous rappeler à l'ordre.


Le guide nous présente notre périple futur ; il nous confie « en apparté » que certains de ses collèguess ont obtenu leur diplôme en versant des backchichs...


Notre arrivée a été fêtée le soir ; nous nous sommes rendus dans un restaurant où l'on nous a servi un dîner somptueux : pop corn, alcool de riz, potatoes, momos, sanglier, épinards, choux-fleurs, riz-dal-bat, espèce de raifort terriblement fort ! champignons, sauce.. en dessert un yaourt très sucré au léger goût de chèvre, le tout dans une ambiance musicale, yéti déguisé embrassant surtout les hommes... à leur grand désarroi ! un « paon » humain, un « yak »...


LUNDI 20 AVRIL 2009


Petit déjeûner avec légumes, lassi, omelette, pomme de terre, céréales, thé – café , tout le monde y trouve son compte et moi je traîne 1 heure à manger tout le bol de lassi, boudé par la plupart des personnes du groupe, MERCI !


Visite de la ville de Kathmandou avec Dahnne, guide touristique parlant français.


Tout d'abord en route pour le célèbre SWAYAMBUNATH, l'un des premiers sanctuaires bouddhiques du monde abritant le plus ancien stupa de la vallée et où l'on peut actionner plus de 200 moulins à prière portant le mantra « om mani padme hum (oh toi, joyau dans la fleur de lotus) ; le bus nous emmène jusqu'en haut et nous n'empruntons les innombrables marches, 365 très exactement, que pour descendre, entre les statues et les petites échoppes improvisées qui fleurissent de ci de là, exposant des pierres, des colliers, des objets de dévotion, de la décoration, des petits instruments de musique etc...


BODNATH, lieu de pélerinage bouddhiste le plus important de la vallée de Kathmandou, avec son stupa de 40 mètres de haut. En fin d'après-midi des pélerins tournent autour de l'édifice, plusieurs dizaines de fois, dans le sens des aiguilles d'une montre en faisant également tourner les moulins à prière ; ce qui me semble toujours être un geste plus mécanique que dévotionnel et me laisse un peu coite mais pourquoi pas ? Nos pratiques à nous, dans nos Eglises, peuvent certainement aussi paraître étranges à des yeux exotiques


Puis nous visitons PASHUPATINAH, haut lieu de pélerinage hindou et ses gahts au bord de la rivière où ont lieu les rituels de bain et les crémations ; échoppes de fleurs, images divines, bâtonnets d'encens, bijoux... et une odeur spéciale, pas vraiment désagréable, qui flotte dans l'air. Ambiance naturelle de recueillement, pas de chagrin bruyant, un immense respect, une acceptation de la vie et de la mort. On se concentre sur le rituel, les gestes sont lents.



Nuit

Petit déjeuner à l'hôtel SAMSARA


MARDI 21 AVRIL 2009


KATHMANDOU – GORKHA en bus privé, environ 5 heures ; visite de l'école primaire des Kamis et rencontre avec les enfants auxquels l'association verse une bourse scolaire. Les parents et les enseignants sont présents. Les salles de classe sont sobrement aménagées, tables et chaises vétustes, un tableau noir très abîmé, quelques dessins et posters au mur. On sent pourtant que ce lieu est respecté et qu'un transfert de connaissance est possible. Les résultats ne sont certainement pas en rapport direct avec les moyens dont on dispose, sinon en France nous serions tous surdoués !Moment simple de fierté partagée.


Le temps est mitigé, le vent se lève, il fait sombre d'un coup et la pluie se met à tomber fort, c'est le déluge. Entrés au lodge, nous admirons les trombes d'eau impressionnantes, la couleur du ciel orageux, le jardin assoiffé qui boît ; nous chantons. C'était un beau moment passé à l'abri dans un endroit avec une vue magnifique sur les montagnes encore boisées à cette altitude. Le jardin, bien entretenu, aux allées décorées avec goût, des fleurs de toutes les couleurs, des plantes variées, des petites bordures en bois, de belles vasques, une terrasse surplombant la vallée : un petit paradis.


Nuit à l'hôtel GURKHA INN.


MERCREDI 22 AVRIL 2009


Je me lève tôt et me promène, il est 6 heures ; l'effervescence règne déjà dans ce village. Les ouvriers qui construisent un pont en contrebas sont à pieds d'oeuvre et se partagent minutieusement le travail ; pour pelleter par exemple, l'un prend la pelle en main et l'autre tire sur la corde à laquelle la pelle est attachée, ce qui aide le pelleteur qui économisera ainsi son énergie et son dos. Les gestes sont lents et réguliers et leurs visages éclairés.


Sur la place du marché, une radio égrène les nouvelles du monde ; les gens écoutent et vaquent en même temps à diverses occupations, balayer, essuyer une table, transporter des paniers, se coiffer, boire de l'eau chaude ou un thé.... l'agitation n'est qu'apparente, une certaine sérénité ambiante domine et je ne peux m'empêcher de m'imaginer le centre-ville de Strasbourg avec tous les gens qui courent dans tous les sens, avec une mine d'importance, tellement préoccupés par la projection dans l'avenir, ou bien ruminant le passé ; mais où sont-ils au moment même ? Je me surprends à regarder des pantins absents... mais certainement que je parais ainsi à d'autres yeux...


Petits tableaux :


Un homme qui s'échigne à casser un énorme rocher avec son seul outil qui est un petit pic et un marteau : il est concentré, muscles bandés, le visage crispé par l'effort, la peau tannée, plus rien d'autre ne compte que frapper, frapper, entamer ce rocher qui devra bien servir à quelque chose ; j'imagine les heures, les jours, les années qui vont passer et j'observe cet homme, patient mais ne ménageant pas ses efforts qui, inlassablement, répète les mêmes gestes. Pendant une vie, ou plusieurs. Labeur transmis, dépassant l'échelle humaine.


Je pense à la contruction de cathédrales qui s'étalait sur plusieurs siècles. Les ouvriers ne se souciaient pas de savoir s'ils allaient profiter visuellement ou pratiquement de l'objet de leur labeur, non ; ils étaient naturellement intégrés dans une entreprise qui les dépasse. N'est-ce pas à ce prix qu'on crée des chefs d'oeuvre ? Fruit de l'abnégation d'hommes et de femmes engagés, confiants, qui savent instinctivement que chacun de nous fait partie d'un tout, qu'il ne sert à rien d'amasser pour soi, que si l'on veut laisser un sillage après notre mort, celui-ci est creusé au seul prix d'un dépassement de soi, pour une mise en commun, une mutualisation des efforts.


Dans notre monde actuel, sommes-nous encore capables d'édifier des chefs d'oeuvre ? Bâtisses qui sont érigées le temps d'un mandat électoral, à grand renfort de publicité pour haranguer les mécènes qui deviennent, eux aussi, célèbres, qu'on remercie dans tous les journaux parce qu'ils donnent gracieusement une minuscule part de leur excédent qui pourrait faire vivre décemment un village entier..., jusqu'à ce qu'un autre prenne le relais, établisse d'autres règles de beauté apparente pour supplanter l'ancienne entreprise déjà oubliée, vite, car la mode passe et des plus jeunes, formatés à être rentables et efficaces tout de suite, arriveront sur le marché de la peur de manquer de tout ce dont on dit devoir posséder pour être heureux, et surtout : être aimé ? Quelle illusion !


Un femme se lave à la fontaine du village, le long de la route. Elle porte un poncho qui lui permet d'être libre de ses mouvements tout en procédant à une toilette minutieuse à l'abri des regards et pourtant elle offre l'image d'elle même. En décrivant cette scène, je la fais en quelque sorte voyager à travers le monde.


Le paysan travaille son petit lopin de terre, en étage, clairement délimité ; il utilise une charrue, un boeuf, il ne se presse pas. Un tracteur ne serait d'aucune utilité sur ce terrain escarpé, en forte pente.


La cuisine construite à l'avant des bâtisses, en plein air, couverte mais ouverte à tout vent et regards admiratifs, une cuisinière modelée dans de la terre orangée, aux formes arrondies, presque féminines.


L' homme travaille dur, le visage est serein, concentré, l'expression satisfaite d'un humain, reconnu comme tel, qui se sent à sa place et fait partie d'une même symphonie, en harmonie avec d'autres mondes, minéral, végétal, animal. Je crois qu'en deux semaines je n'ai entendu aucun cri de colère, ou dispute... pas la moindre mine d'agacement.


La vie de groupe, belle occasion d'évoluer : veiller à ne pas amplifier des rumeurs, à ne pas colporter des suppositions qui colleront très vite à la peau de l'intéressé qui l'ignore parfois pendant longtemps, ne pas voir à travers le filtre d'une autre personne mais, au contraire, avoir le courage d'exposer sa vue après avoir pris le temps de s'analyser soi-même, faire la part des choses entre ce qui blesse notre sensibilité exaspérée par un vécu passé et l'impact réel que peuvent avoir une attitude, un mot, un geste.


Détecter ce qui nous vexe, nous blesse, dans l'autre et chercher pourquoi ; très souvent on trouve en soi le rapport avec un vécu... et à ce moment-là nous savons qu'il est vain et stérile d'en tenir rigueur à la personne, simple « détonateur », d'ailleurs à son insu.


Nous, les habitants de pays « hyper » développés, ne détenons pas la palme de la meilleure façon de vivre ; certainement pas lorsqu'on voit le taux de chomage, le nombre de suicides, même chez les jeunes, la consommation de psychotropes ou autres drogues, le besoin effréné de consommer, à tous niveaux...


Premier lodge ce mercredi, très bel endroit entouré de montagnes ; un pont s'étant effondré, des ouvriers sont en train de le reconstruire, sans hâte, scindant les travaux pour attribuer un petit rôle à chacun, d'où une lenteur apaisante, une espèce de danse vue de loin, une mouvance harmonieuse. Les gestes sont précis, répétitifs. Dommage que le générateur faisait autant de bruit, amplifié par l'écho dans les montagnes.


UNE FACON ORIGINALE DE TRAVAILLER que j'ai déjà relatée auparavant : un ouvrier pellete tandis qu'un autre reforme le tas, celui-ci tient la brouette, le suivant la stabilise, tous les 2 mètres on se relayer pour porter un seau de béton etc etc... à tel point que pour une tâche, non moins d'une dizaine de manoeuvres sont occupés : une façon d'alléger le travail, de favoriser une solidarité, l'attention à l'autre, d'enrayer le chômage? de garder pour chacun la dignité d'être utile ?...


lecture 3 :


Nous nous promenons dans l'unique rue, des enfants nous suivent ; voici un poste de police perché sur un monticule de terre. L'agent nous demande de justifier notre présence, mais nous n'avons bien sûr pas le permis de trek sur nous. Nous expliquons en détail notre voyage et déclinons le nom de notre guide. Nous avons le temps et la curiosité de voir qu'à la place de nos noms sont transcrits les prénoms, et que les dates de naissance ne correspondent pas forcément à la bonne personne dans leur gros registre noir ; le secrétaire s'est trompé plusieurs fois de ligne. Nous rions. Peu à peu la confiance s'installe, leur travail est accompli, nous pouvons passer dans la partie moins touristique du village.


Un combat de coqs, excités par les cris des badauds, mais heureusement stoppé lorsque l'agressivité entre les deux animaux devient dangereuse pour l'un d'eux. Je me sens rassurée de ne pas voir le perdant s'effondrer sous les coups de bec impitoyables. L'attroupement se dilue et chacun retourne à ses tâches, non sans nous interroger du regard. Ce spectacle était-il organisé spécialement pour nous?


Il est merveilleux de se sentir bien dans un endroit inconnu où il suffit d'être là, sans se justifier, sans chercher d'autres contacts que d'être, simplement, présent, entièrement. Ne pas connaître la langue permet parfois le lâcher-prise, ne pas vouloir savoir, ou forcément s'exprimer, juste ressentir.


Le temps s'égrène lentement, mes yeux captent des expressions de visage, des couleurs d'habits, des formes de corps, mon nez sent des odeurs de transpiration, d'épices, de fleurs, mes mains touchent la peau rugueuse des menottes d'enfants non moins curieux de nous toucher, des tissus, mes pieds foulent un sol inégal, évitent les flaques d'eau de la dernière pluie ; j'ai l'impression de faire partie d'un film qui tourne au ralenti mais qui met en jeu la vie où chacun veut vivre à sa place, tout simplement, sans spéculer, sans chercher autre chose, sans désir d'ailleurs. Et voilà qu'une gamine m'invite à rentrer dans une ronde dansante, les rires fusent, j'essaie de leur apprendre « un, deux, trois main droite »... ils s'appliquent, moi aussi. La parole et l'action ont repris le dessus.


Il me vient l'idée que je pourrai demander à la couturière du village de rallonger mon short, un peu court pour les us et coutumes locaux. Bim me conseille d'aller la voir tôt le lendemain (avant 6 heures) et c'est ce que je fais.


Le rideau en métal de l'échope est encore baissé. Nous frappons ; une femme ouvre, j'explique mon désir dans un anglais approximatif à la couturière qui comprend encore plus approximativement.... Bim vient à mon secours et l'éclaire en népalais. Elle sourit, elle a compris, elle est d'accord. Je choisis le tissus parmi les chutes qu'elle me présente, je lui demande le prix : 100 roupies ! 1 euro.... je suis contente, elle me sert fort la main, heureuse de ce travail inespéré. Elle me dit de revenir dans une heure.


Je retourne au lodge et admire le magnifique lever du soleil sur le village qui se réveille. Les ouvriers se préparent au labeur, des chiens glânent les restes dédaignés par leurs congénères noctambules, le vendeur de bracelets est déjà à son poste, au courant du départ matinal des acheteurs potentiels. Il tente sa dernière chance de faire une affaire, ll reste bredouille.


Je récupère mon short relooké, magnifiquement original, ce sera sans nul doute mon préféré en France.

GORKHA – POKHARA en bus privé, environ 3 heures puis jusqu'à NAYAPUL (1 070 mètres) où démarre le trekking. Marche BIRETHANTI (1 025 mètres). Nuit en lodge.

JEUDI 23 AVRIL 2009


BIRETHANTI – GHANDRUK (1 900 mètres), 7 heures 30 de marche.


Une multitude de marches à gravir, sous la chaleur ; arrivée, une belle surprise nous attend : une échoppe avec des objets magnifiques, bijoux, pierres... la fatigue ne nous empêche pas de négocier. Et pas uniquement les femmes !


Une inscription : « Humanity is the only religion and love the only priest ».


Nous arrivons au prochain lodge, après avoir pris le repas en route.


Il y a des vaches au Népal mais pas de fromage.


Une femme tisse sur le bord de la route, en pleine circulation


La montagne est silencieuse, à part les bruits de vie, les animaux, les enfants.... et le ronflement des générateurs le soir... pour notre confort !


Les femmes s'habillent de blanc lorsqu'elles sont veuves, pendant 6 mois dans les hautes castes. Elles ne reprennent généralement plus de mari, sauf parfois le frère du défunt. Le guide me précise que le nombre moyen d'enfants par femme se situe aux environs de 3...? cela me paraît peu.


Gandruk, Hôtel Montain Wiew, altitude 1 939 mètres ; nous sommes partis de 1 025 mètres.


Je demande de l'eau chaude pour remplir ma gourde ; les chapatis sont excellents, le lassi me manque déjà.


Dans leur jardin on trouve beaucoup de légumes, poireau, chou, oignons...


Les bouteilles d'eau génèrent beaucoup de déchets, il est donc préférable de boire l'eau du robinet en ayant pris soin de la purifier. Pour ôter le goût de chlore, j'ajoute des gouttes aux essences de PHYTAROMA, elles me servent aussi de dentifrice « sans eau », de parfum à l'occasion, d'antiseptique, composées de menthe poivrée, girofle, thym, lavande, cannelle.


F et moi visitons un musée GURUNG, une caste. Beaucoup d'objets y sont exposés, des habits, ustensiles de cuisine, bijoux, outils, photos. Les Gurung sont surtout cultivateurs et éleveurs, vivant dans les villages d'altitude.


VENDREDI 24 AVRIL 2009


GANDRUK - CHOMRONG (2 170 mètres)


Nuit agitée, aboiement de chien, litanies non identifiées, voix d'hommes, nos voisins, qui discutaient, je me souviens m'être levée, avoir ouvert la fenêtre et dit « what's happening ? ».... j'ai parlé anglais !


Je ne ressens aucun décalage horaire, réveil vers 4 h 30, c'est l'aube, je somnole jusqu'aux environs de 6 heures, heure où j'ai déjà une chance d'apercevoir les prémices du lever du soleil derrière les hautes montagnes ; j'écoute les bruits alentours, les porteurs se réveillent ; me lever tôt me permet de faire ma toilette avant tout le monde mais je suis consciente que cela peut gêner les porteurs ; je leur laisse bien sûr la priorité.


– moment magique – je fais ma « salutation au soleil » qui est un enchaînement de mouvements, étirements et travail musculaire, le tout en coordination avec la respiration.


Traversée de forêts de bambous et de rhododendrons, vallée très encaissée, risque d'avalanches, d'ailleurs on en perçoit une au loin, ce grondement est impressionnant et me donne conscience du danger bien réel.


Marches, escaliers interminables, il fait de plus en plus chaud à mesure que nous descendons dans la vallée qui emprisonne les rayons du soleil.


Oh.. je déguste un morceau de chocolat gracieusement offert par D, il me semble que c'est le meilleur que j'ai jamais mangé.... ! Belle leçon de tempérance générée par la rareté du produit.


Le repas de midi se compose de riz-dalbat, pommes de terre, tomates, choux, thé-café.


oh ! Un WC « normal » avec une cuvette, super ; je cherche le seau d'eau, en vain.... il n'y en a pas. Dommage, me dis-je. En sortant, je parle de mon problème à la suivante.... lorsque nous nous rendons compte que la chasse d'eau « classique » fonctionne ! J'avais oublié cette possibilité évidente à force d'utiliser les toilettes turques avec une simple arrivée d'eau par un tuyau d'arrosage ou juste un seau, parfois rempli d'eau. J'en ai ri. La rapidité de l'adaptation est surprenante !


Le temps se couvre généralement dans l'après-midi. La pluie arrive de façon soudaine. Je reste en sandales, elles sèchent plus vite que des baskets. F porte une jupe pour marcher ; cela peut paraître étonnant mais je pense que c'est bien pratique en matière d'aération et de liberté des mouvements.


En marchant il est parfois reposant de se taire et d'écouter simplement, sans prendre part à la conversation, à l'avant ou derrière moi.


Emmener un polaroïd en trek et prendre des gens en photos, avec leur famille, dans leur milieu, leur offrir la photo, est une bonne idée, cadeau très apprécié.


Les enfants réagissent parfois à mes « coucou-daaa », « ainsi font font font », comptines et chants, d'abord interrogateurs, curieux, dubitatifs, se déridant doucement ; ce langage visuel, sonore, expressif, est universel; c'est le Desperanto de base.


Les coccinelles pululent jusqu'à une certaine altitude ; tout d'abord je cherche à les éviter, mais impossible, on est obligé de marcher sur certaines...


Les porteurs transportent de lourdes charges, un bandeau sur le front les aident à répartir la charge et certainement à garder leur équilibre. J'imagine que les muscles de la nuque sont soumis à un entraînement de longue haleine avant de pouvoir les solliciter de la sorte. Heureusement qu'il y a les ânes, même d'allure maigre, en fin de compte animaux dociles et robustes, qui aident sans broncher au transport des marchandises.


Bim, notre guide, découvre des framboisiers et partagent les fruits, petit en-cas inespéré, insolite, doublement apprécié car rare.


Bien sûr, les touristes sont priés d'emmener leurs déchets afin d'éviter les amoncellements dans ces endroits difficilement accessibles aux éboueurs...


Arrivés au lodge, certains se lavent à grande eau les pieds et les cheveux au robinet, à l'extérieur ; quel délice. Un corps lavé à l'eau froide, puis frictionné vigoureusement, est rapidement envahi par une chaleur étonnante et enveloppante. C'est bien cette idée ancrée par des années d'une telle expérience qui me donne la volonté de prendre mes douches à l'eau froide, même en hiver, bien plus qu'une espèce d'ascèse. Les pieds et les cheveux, ce n'est pas tout ! Maintenant il faut faire la queue devant les deux douches, à l'eau chaude cette fois-ci.


La faim se fait sentir rapidement, nous nous installons autour d'une grande table dans une pièce où règne une chaleur humaine qui réchauffe les corps et les coeurs.


Après la marche, la toilette, le repas, la fatigue se fait sentir et personne n'a envie de veiller. Le calme règne rapidement dans les chambres voisines et même les plus bavards, qui ne sont pas forcément les femmes malgré leur réputation ; qu'on se le dise !.... s'endorment rapidement ; pas de fous-rires ce soir.... que des doux ronflements qui s'estompent dans la torpeur morphéique.


Tant mieux pour les porteurs qui attendent que nous libérions la table pour dîner rapidement et installer sommairement leurs quartiers de nuit.


L'activité reprend tôt, hommes et animaux se lèvent à l'aube. Nos guides avalent rapidement le dalbat et boivent de l'eau chaude pour se réchauffer. Le soleil, encore absent à l'horizon, se devine à peine mais anime et colore déjà les montagnes enneigées qui semblent prendre feu. Beau contraste d'éléments. Nous sommes à 2 300 mètres ; il neige rarement à cette altitude.


Dany nous apprend que la probabilité de pluie est nulle, c'est rassurant pour des touristes que nous sommes malgré tout, à l'affût des caprices de la météo et tellement habitués – et conditionnés... - aux prévisions (loin d'être infaillibles mais encore et toujours nous consultons cet oracle !).


La mode des pantalons « taille basse » a-t'il atteint le Népal et contaminé les ados de ce pays ? Ou alors n'est-ce que fortuitement qu'ils enfilent les habits apportés par les touristes ? Mystère.


SAMEDI 25 AVRIL 2009


CHOMRONG, Himalaya Hôtel (3 800 mètres).

Je ferme les yeux. J'aime entendre tous ces bruits de vie, la sonorité de voix d'hommes au travail, le bruit des casseroles, les chants d'oiseaux, l'eau qui coule... c'est l'heure de la toilette pour les porteurs, les pleurs d'enfant, rares, sans colère, leurs rires, plus expressifs, communicatifs, un chien qui aboit, le ronflement plus ou moins doux des compresseurs, les quintes de toux....


L'unique miroir, suspendu à l'entrée de la salle à manger-dortoir, sert à tout le monde au passage.


Les chats sont rares. Et quand j'en vois un, je ne peux m'empêcher de le toucher mais le pelage est la plupart du temps dur, passablement sale, dommage. Ce n'est pas la sensation de douceur que je connais si bien, moi qui ai toujours vécu avec des chats ronronnants, aux poils gonflés, lustrés, odorants, à l'effet si apaisant.


Les parapluies font office de parasols.


La marche est agréable, ombragée, les dénivelés tant positifs que négatifs sont réduits à des pentes douces. Les pauses sont moins fréquentes. Nous sommes maintenant de vrais « trekkers » !


J'aperçois de belles chèvres blanches à poils longs, un peu bouclés. Je suis toujours étonnée qu'on ne fabrique pas de fromage dans les fermes. Les poules et leurs poussins sont parfois capturés sous des paniers en osier, retournés. J'imagine qu'il ne doit pas être aisé d'enfermer toute la famille d'un coup.... à moins qu'on prenne d'abord la poule par surprise, et peut-être que les poussins se réfugient-ils d'eux-mêmes sous l'aile maternelle protectrice, même si elle les enferme ! À méditer...


L'eau est chauffée à l'énergie solaire, sans matériel sophistiqué, simplement dans de grandes cuves noires, parfois des outres, posées sur les toits.


Parfois on a envie de partager son vécu, son expérience, quoi de plus naturel et enrichissant ; par contre lorsqu'on insiste en disant plusieurs fois « t'as raté quelque chose », il faut avoir une belle dose de patience, peut-être aussi d'indépendance d'esprit, pour ne pas être agacé, ou se sentir comme écrasé... cela m'arrive parfois, mon exercice consiste alors tout d'abord à gérer mon impatience, puis à me souvenir que je suis satisfaite de ce que je suis et vis. Qu'un apport extérieur ne peut que me nourrir. Et garder à l'esprit qu'avant tout, mes ressentis m'appartiennent, je ne peux en aucun cas en donner la responsabilité à l'autre puisque, très souvent, il s'agit de réminiscences du vécu personnel.


On aperçoit un animal gambadant dans les montagnes, au-dessus du village, il s'agit certainement d'un chamois.


Le repas est « sobre » si l'on peut dire, frites, pâtes, sardine, fromage ; j'ai conscience de manger pour me nourrir ; je mange de tout à ce repas et j'en reprends !


Nous nous trouvons à 3 230 mètres d'altitude.


Nous avons traversé un torrent ; j'ai eu peur, il fallait sauter d'une pierre à l'autre, je ne me sentais pas rassurée, ne sachant pas si la pierre était stable, glissante.... surtout que si quelqu'un tombait à cet endroit, il ne pouvait se raccrocher à rien ; un à-pic à quelques mètres l'aurait engloutit en peu de secondes aucune chance d'en réchapper... il aurait été sage de tendre une corde. Mais tout cela n'est qu'appréciation... j'ignorais encore à ce moment là qu'au retour il fallait passer par le même chemin... mais chut !


En tous cas, mes sandales « waterproof » m'ont au moins permis de marcher dans l'eau, à côté des cailloux parfois, quand je doutais de la stabilité du rocher suivant ou s'il était trop éloigné pour être atteint par un seul pas. Je ne suis pas très grande...


Bagarre pour les chambres ! Heureux les couples à qui l'on attribue d'office et en priorité les chambres « à deux » et puis les garçons.... bien moins nombreux que nous les femmes « seules » mais non esseulées ! Voilà, on assume nos choix et nos situations et finalement il fait plus chaud dans notre unique chambre à 5, encombrées du fatras de tant de trekkeuses, sacs énormes, grosses chaussures..; et pour se lever la nuit, il valait mieux prévoir et mémoriser le chemin et les obstacles innombrables, sans parler de la porte qui grince, pas pire que les toux et ronflements nocturnes.


J'oubliais les fous-rires avant de sombrer, à nous retrouver dans cette situation de promiscuité extrême qui pourrait paraître insupportable et qui, pourtant, m'apparaissait ce soir comme un confort inattendu, chaleureux : je me suis « cocoonée » dans mon sac de couchage dans lequel j'avais déjà préparé mes habits à enfiler le lendemain à l'aube, et ainsi me glisser dehors sans bruit pour surprendre le lever du soleil et l'ambiance spéciale de la vie au réveil.


Merci à A.pour la lecture d'un texte de Lao-Tseu qui m'a bercée jusqu'au bord de l'endormissement.


Expérience de groupe : comme on peut mal se comprendre si on reste clivé dans ses schémas, marqué par les blessures du passé provoquant des susceptibilités incompréhensibles pour l'entourage ; parce qu'on se sent agressé, diminué ou parce qu'on a encore tellement besoin de l'approbation de la majorité ou du « plus fort ». Mécanisme difficile à détecter, en grande partie parce qu'on n'a pas envie de se remettre en question, dur chemin ! Et jamais fini de surcroit.....


L'important n'est-il pas déjà de pouvoir s'exprimer, répondre sans agresser, échanger vraiment, s'enrichir et évoluer ?


Les lodges qui nous accueillent sont tous superbes, établis dans des décors de rêve. Chacun a son charme propre, le fleurissement, l'agencement des chambres en bois, les terrasses, la sympathie des gens rencontrés, pouvoir découvrir chaque jour un autre endroit où se poser pour une nuit, profiter d'une eau presque chaude, un miroir, une poubelle (oui, c'est tellement pratique de pouvoir se débarrasser des petits déchets, on n'y pense pas chez nous... tout en ayant conscience qu'il faut absolument en réduire la quantité et ne pas laisser nos « ordures de touristes » derrière nous), l'odeur du repas qui se prépare, le temps offert pour écrire, des animaux quiets, des enfants curieux, un savon à disposition, autre commodité qui n'a l'air de rien, les mots échangés, même si la barrière des langues ne facilite pas la communication, peut-être ainsi va-t'on à l'essentiel, sans fioriture ni exercice de rhéthorique ! Ni bavardages inutiles et puis, quand on est parfois au bout de ses compétences en la matière, l'expression des yeux, les gestes inventés, créent une autre façon d'échanger où nous, les occidentalistes hyper-connectés WIFI et autres, sommes réduits à apprendre le B.A.BA d'un langage oublié ;


Aujourd'hui, pendant que nous grimpions des dénivelés importants, il me semblait qu'un oiseau nous encourageait par son cri qui était : Hu HUUUUuu, avec une intensité telle qu'il pouvait s'agir d'un sifflet admiratif ! Mine de rien, cela m'a fait sourir intérieurement, j'ai pensé à l'oiseau de mon enfance qui sifflait « tzitt esch doe » tu-tu-tu-u... traduction personnelle de mon père ; ce qui voulait dire « il est l'heure » ! je précise qu'il nous réveillait toujours tôt, même le dimanche, à 8 heures, ceci pour permettre à toute la famille de prendre le petit déjeûner ensemble, sans égard aux heures du coucher de chacun. Au delà des grincements de dents que cela suscitait immanquablement, surtout dans notre période d'adolescence, je dois convenir qu'il m'a donné le goût du réveil matinal, qui m'est profitable à tous points de vues. La campagne qui se réveille est magnifique, la ville calme, le temps est comme dilaté ; les heures matinales sont irremplaçables. Je peux dire que d'avoir le temps de se centrer le matin, permet de débuter la journée de façon positive, même si la vie, de plus en plus souvent, nous exhorte à la dispersion pour arriver à boucler tout notre lourd programme.


Merci à cet oiseau, non seulement de m'encourager dans cette montée abrupte et caillouteuse, mais encore de m'avoir emmenée dans mes souvenirs lointains d'enfance, de faire émerger des petits détails et de pouvoir les analyser à la lumière de mon expérience de presque 50 ans de vie.


Autre diversion à la rudesse de l'effort qui nous est demandé : la beauté alentour, j'aperçois une cascade, juste en face. Elle est projetée de la bouche de la montagne, d'une hauteur que je ne saurais évaluer mais impressionnante. Je suis comme hypnotisée par cette image qui me donne un peu le vertige. Pas uniquement physiquement, mais elle me met aussi en face de l'immensité de ce monde, moi, petit humain minuscule qui se déplace au prix de gros efforts, qui va aussi disparaître un jour sans que cela ait un impact notable sur cet univers dont je ne peux appréhender qu'une infime partie.


Et voilà, sans m'en rendre compte, l'ascension est terminée. Nous nous reposons. Les yeux continuent à profiter du spectacle : un torrent en contrebas charrie de l'eau boueuse. Celui dans lequel je me suis lavée hier soir était d'une clarté à me donner envie d'y plonger... mais rien que d'y tremper les pieds pendant quelques minutes m'en a dissuadée, elle était glaciale.


Nous traversons le premier névé, sans difficulté majeure. Ce matin j'ai quand même décidé de mettre mes chaussures, baskets améliorés, plutôt pour éviter l'incompréhension ou la suspiscion quant à la qualité de marche dans les sandales sur un terrain de montagne - si jamais il m'arrivait de glisser, ce qui pourrait arriver à tout le monde d'ailleurs - que par intime conviction, car mes « super-sandales » sont très bien adaptées à tous terrains, avec une semelle au crantage bien plus marqué que certaines chaussures de moyennes montagnes. Et que dire du confort, de la souplesse qui me permet de maintenir un équilibre là où un support rigide me le ferait perdre ?


Idem en ce qui concerne l'utilisation des bâtons : le fait d'avoir les mains et le corps plus libres me permet de m'aider en déplaçant mon centre de gravité sans entraves, quand cela est nécessaire, en prenant éventuellement appui sur des rochers, me sécuriser en touchant simplement une branche, m'y agripper s'il le faut, savoir que je peux me baisser si je sens que je tombe... tout cela n'engage que moi et je n'hésiterai pas à adapter mon matériel si besoin est, mais pour l'instant je me sens plus libre et à l'aise ainsi. Bien sûr j'ai déjà rencontré des situations où le bâton serait d'une grande aide, par exemple pour sonder la couche de neige à traverser, servir de 3ème pied à des endroits où il ne servirait à rien de se baisser puisqu'en cas de chute, on glisserait inévitablement sur une pente enneigée trop abrupte, et des descentes interminables, douloureuses pour le genou.


Aucun équipement n'est parfait ou adapté à tout le monde, façon standart. Chacun opte pour celui qui lui convient. Au moment même. S'il en a les moyens.


J'ai tellement faim aujourd'hui que j'engloutirai bien tout le paquet de bananes séchées.... mais il faut apprendre à gérer.


Oh Merci Mille fois pour les deux carreaux de chocolat offert ! Je l'ai laissé fondre sur ma langue, avec contact du palais pour avoir le maximum de sensations gustatives, par petits morceaux, avec de grands intervalles pour profiter au maximum du goût résiduel qui dure, dure... - je me souviens à peine de ma tendance à engloutir ce que j'ai à profusion à ma disposition... n'attendant même pas le temps qu'il fallait à mon esprit pour envoyer à l'estomac le signe de la satiété... - J'aimerais toujours me souvenir du plaisir éprouvé à attendre, puis apprécier, doser et retarder au maximum la prochaine minuscule prise, juste assez pour recommencer cette dégustation d'ascèse, qui n'a absolument rien à voir avec les privations.


Il faut donc avoir eu pour pouvoir passer à l'étape suivante qui est de maîtriser consciemment la consommation. Voilà pourquoi je sens un malaise quand j'entends une personne « nantie » se permettre de critiquer le clochard ou l'indigène du tiers monde parce qu'il convoite l'opulence affichée.


A table : les conversations vont bon train, les fous-rires fusent, parfois je n'en connais pas la raison mais ris quand même, les sujets se succèdent, se télescopent, c'est un peu incohérent mais qu'importe, je me sens libre dans ce brouhaha, libre d'écouter ci et là, de parler ou de rester silencieuse, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du groupe, merveilleusement moi-même.


Le dîner se compose d'une demi-pizza bien cuite, avec du vrai fromage, et d'un momo fourré aux pommes de terre ; quelle bonne surprise ! puis grand silence pendant que tout le monde se sustend, on n'entend plus que le bruit des couverts et une fois rassasiés, nous nous retirâmes tôt dans nos « appartements » car la journée a été « physique ». Ce soir, la lumière ne fonctionne pas dans la chambre. Les lampes-frontales sont bien utiles.


... je ne suis pas certaine de la correspondance des écrits avec les jours précisés....


DIMANCHE 26 AVRIL 2009


Un hélicoptère atterrit, impressionnant, sur une petite surface plane ; des hommes déchargent les affaires d'un group de nantis... mais pourquoi dis-je qu'ils le sont ? Pas plus que nous, accompagnés par des porteurs contents de travailler et avec qui nous pouvons parler. C'est une évidence.


Aujourd'hui, j'ai mal préparé mes affaires,j'ai oublié mon SG, mon Tshirt manches courtes, je ne trouve pas ma barette non plus... enfin, rien de primordial.


Nous marchons sur un « boulevard » pour trekkeurs, les allers-retours se faisant sur le même chemin ; il faut souvent laisser la place à ceux qui viennent en face. Parfois en nombre. Nous croisons quelques femmes accompagnées de porteuses. Leur charge est tout aussi impressionnante que celle des hommes.


Macha = poisson (Machapuchare...ressemble à une queue de poisson).


Nous atteignons 3 700 mètres d'altitude. Le lemon tee est réconfortant, un apport de calories apprécié après ces efforts.


Bil, le guide, a souvent mal à la tête ; il aime qu'on s'occupe de lui et qu'on lui propose des cachets.


Ma bassine a servi à tout le monde, c'est pratique pour faire un minimum de toilette.


Himalaya hôtel – Camp de Base des Annapurnas (ABC), 6 heures de marche, 4 130 mètres. Froid tout à fait supportable. Soleil, vent... on aperçoit des monticules de neige surmontés de terre dans laquelle de l'herbe réussit à pousser et qui, d'ailleurs, empêche la neige en-dessous de fondre, ils ont l'air d'énormes champignons, c'est une image insolite.


Merveilleux repas, fried rice (riz frit ) + thon ; pas de dessert mais I a partagé son chocolat au lait, j'ai eu double ration ! .... devinez pourquoi ? .... décidément, ma réputation n'est plus à faire et ma gourmandise avérée.


Le ciel se couvre rapidement, le vent se lève, la température chute brusquement. Nos deux amis alpinistes ne sont pas encore revenus ; nous scrutons en vain le paysage, à l'affût du plus petit point noir mouvant qui pourrait les signaler... rien. Dany, le guide, a l'air inquiet. Le thé détend un peu l'atmosphère et est source de chaleur bienvenue ; c'est bien peu de choses mais tellement précieux, réconfortant... je refais un tour dehors, j'aperçois un four solaire : c'est une manière efficace de cuisiner sans utiliser le bois, rare à cette altitude. Le refuge est parrainé par BATIBOIS.


Nous sommes à 3 à lire et à faire la sieste dans la pièce unique servant à la fois de coin cuisine, de salle à manger, de dortoir et de « salon ». Il fait froid. La radio est allumée. Des touristes arrivent, des chinois. Les cuisiniers fredonnent les chants entendus à la radio, mélodieux, agréables.


Je sors, l'air est glacé, l'eau également. Je me lave les mains qui se réchauffent tout doucement, grâce au fait que je bouge, le sang circule mieux,je me réveille de ma torpeur. Pas d'alpinistes à l'horizon. Dany part à leur rencontre.


Je retourne dans la seule pièce chauffée à la chaleur humaine. Nous lisons, écrivons, blottis sous un sac de couchage.


Je retourne dans le froid, histoire de me réchauffer un peu... cela paraît incohérent mais ce ne l'est pas tout à fait car en se forçant à bouger on se réchauffe. Je ne peux aller très loin et n'en ai d'ailleurs pas envie. Je refais le tour du « pâté de lodges » et je découvre à chaque fois d'autres endroits, là un stupa décoré de drapeaux de prière, ici on brûle les déchets dans un trou. J'enjambe une énorme flaque d'eau car à cette température il vaut mieux ne pas se mouiller les pieds


Nous sortons à tour de rôle pour scruter l'horizon quand, enfin, on les voit, petits points qui avancent au loin ; un porteur évalue le temps de marche qui leur reste à parcourir à 2 heures ! Cela me paraît long mais c'est l'illusion optique d'altitude.


Enfin ils arrivent, visiblement exténués, bleuis par le froid et l'effort, mais heureux d'avoir accompli cet exploit de grimper à plus de 5 600 mètres d'altitude. Une photo est prise pour immortaliser ce moment, en compagnie des non moins valeureux porteurs.


Puis suivent les réjouissances, c'est un repas de fête : énorme momo aux légumes, des pâtes assaisonnées, des frites... je mange tout....


Nous nous couchons à 20 heures. Je n'ai pas sommeil ce soir, effet de l'altitude ? Fous-rires sonores traversant les minces cloisons. Les pieds ont du mal à se réchauffer, puis le sommeil me gagne ; le matin, je me rends compte que j'ai passé la meilleure nuit du trek et que j'avais bien chaud dans mon sac de couchage sur lequel j'ai étalé tout ce que j'avais qui pouvait tenir chaud, les polaires notamment, mais aussi tee-shirt, serviettes... ; ce n'est pas le cas de F qui s'est battue toute la nuit, entortillée dans son sac ; hier soir elle avait emprunté une couverture aux porteurs en ne se rendant pas compte qu'elle pourrait peut-être leur manquer ? Je crois qu'elle a eu des remords toute la nuit, sans oser la ramener discrètement car ils l'auraient bien sûr refusée.


J'ai réveillé les gens trop tôt, trompée par la clarté du ciel alors que le soleil n'a pas encore pointé le but d'un rayon ; pourtant la montagne d'en face est déjà illuminée.... il fait – 5°, l'eau est gelée bien sûr. Quel bonheur de s'étirer dans ce paradis visuel et ce calme régénérateur. J'ai l'impression de plâner. J'ai tôt fait d'atterrir grâce à une susceptibilité – sensibilité, pour moi incompréhensible, puisque j'ai rendu service en prévenant une personne que quelqu'un l'attendait impatiemment. Tout cela est bien humain. Je suppose que ce voyage peut aussi nous mener aux limites de notre tolérance, plus facile à cultiver dans notre milieu habituel de vie. Je garde à l'esprit que les différences enrichissent si on arrive à dépasser les stades successifs qui peuvent être la surprise, la vexation, le besoin de se justifier, l'agressivité et dans les temps primitifs, le combat ! Nous n'en arrivons pas là, fort heureusement, quoique les mots peuvent être très blessants. Je continue mon exercice en me forçant à voir ce qui peut avoir été touché en moi ? L'introspection ne dure pas car le soleil teinte progressivement les montagnes et je suis fascinée par les couleurs changeantes. Je ne peux me lasser d'admirer ce tableau ; tout le reste est éclipsé ou reprend sa juste place.


Je cherche de l'eau à la cuisine pour me laver car le tuyau d'arrosage est gelé.


Porridge, toast, pas de chapati, je suis un peu déçue... touriste trop gâtée !


Nous nous remettons en route. Le chemin du retour est désormais entamé. Pour moi, à ce stade trek, j'ai envie d'accélérer le pas, il n'y a plus l'attente du sommum. Passage de névés : nous sommes initiés. Au fur et à mesure de la descente, nous nous allégeons, les polaires, bas de pantalons, chaussettes, bonnet, écharpe ne sont plus nécessaires. Les pierriers.... j'avais oublié ! Et la traversée du fameux torrent.... même là, j'ai l'impression d'être comme blasée.... dans le bon sens puisque j'avance sans avoir peur ! c'est plus facile.... question d'appréhension ou y avait-il vraiment plus de cailloux stables ?...


A midi nous sommes à 2 900 mètres d'altitude. Nous mangeons des chapatis gras, des pommes de terre baignant dans une sauce épicée, c'est excellent. Nous finissons par le thé. Rassasié, repus, c'est l'heure de la sieste.


Un porteur porte une bouteille de gaz sur le dos. Il ploit sous la charge mais sourit à grandes dents.


L'eau est tellement douce qu'on a du mal à se rincer les mains ensavonnées. Nul besoin de crème pour éviter de dessécher la peau.


Belle image que les racines des arbres qui poussent au bord du chemin ; elles ont tellement été foulées depuis des décennies, un siècle peut-être, qu'elle sont lustrées, polies : formes magnifiques, aux couleurs chaudes du bois, ce sont des oeuvres d'art à admirer tout au long de notre chemin, nul besoin de payer l'entrée d'un musée ici. Tout est accessible à ceux qui veulent simplement voir. Bien sûr, ce genre de « tableau » ne jouit pas de l'aura artistique dans notre monde moderne.... puisqu'il est impossible de lui attribuer une « valeur vénale » donc forcément inintéressant sur le plan économique. Il ne sera jamais considéré comme étant « incontournable à voir », tel ce tableau au dessin artificiel, à la mode dans les salons des gens cultivés, leur donnant prestige et pouvoir.


Mémorables bains de pieds dans le torrent, des cuvettes d'eau tiède tentantes, on pourrait presque s'y prélasser.


Des poubelles jusqu'à une certaine altitude. Au-dessus il est demandé aux marcheurs de transporter leurs déchets, c'est légitime. Eh oui, il faut avoir vécu cet épisode pour se rendre compte que les bouteilles en plastiques encombrent nos poubelles occidentales, même si pour l'instant encore nous pouvons royalement l'ignorer puisqu'une ou deux fois par semaine, le camion des éboueurs nous en débarrasse, dans l'apparence seulement. Nos yeux ne les verront plus mais quelque part elles achèvent leur vie de plastique en polluant le paysage ou l'air... le pire est que les citadins n'ont même plus le choix puisque l'eau du robinet est devenue inconsommable ; j'en ai fait la triste expérience en ce début d'année : après 3 mois de consommation d'eau javellisée ou pire, laps de temps durant lequel je voyais ma peau se deshydrater peu à peu, je me suis enfin et miraculeusement rendue compte de la cause du problème n'était autre que la mauvaise qualité de l'eau en ville... à partir du moment où j'ai commencé à filtrer l'eau avec un mélange de charbon et d'argile, ma peau a retrouvé son aspect normal. Je n'ose pas imaginer les dégats à long terme. Qu'en est-il de la surveillance sanitaire ? Peut-on un jour demander à certains technocrates de réviser leurs taux standarts et leurs connaissances obsolètes, basées pour partie sur des critères de rentabilité économique ? Et nous commençons tout juste à émettre l'hypothèse d'une toxicité du plastique qui enferme nos sources de vie.


Ce soir nous dormons au Bamboo Lodge. La douche coûte 70 roupies (O,70 euros) l'eau est chaude mais je continue à utiliser uniquement l'eau froide. Nous avons aperçu un singe dans un arbre. Dans les lodges on peut toujours acheter du coca et d'autres boissons en cannettes, mais l'eau en bouteilles se fait rare et je comprends, des barres de chocolat genre « Mars » mais pas de tablettes de pur chocolat, dommage ; des petits gâteaux pas très engageants, un bon thé au citron (lemon tee) et d'autres sortes, au lait, au gingembre etc... de la bière toujours ; le lassi ne se trouve qu'en ville.


LUNDI 27 AVRIL 2009


ABC – DOVAN 2 381 mètres

Notre guide Dany projette d'aller au Camp de base de l'Everest, 8 jours de marche... j'aimerai bien faire ce périple. La nuit tombe vers 19 heures. Il fait encore froid, un peu humide. Un porteur transporte de longues tiges de bambous.


Nos discussions quotidiennes : qui ronfle ? Comment est ton transit ? Ton sommeil ? Tes ampoules ? Tes genoux ont-ils supporté la descente ? Combien d'eau emmènes-tu pour la marche ? A quelle heure faut-il avoir préparé les bagages ? Le porridge est-il préparé avec de l'eau ou du lait ?


Sous la table il y a comme une tombe..... c'est en fait un espace où loger un radiateur en hiver, enfin à la fin de l'été je présume.


MARDI 28 AVRIL 2009


DOVAN – DJINU DANDA (1 800 mètres)


Je me suis réveillée à 3 heures... j'écoute les bruits, le torrent, les oiseaux un peu plus tard, les porteurs-guide commencent à émerger. On entend beaucoup tousser et cracher. Ils font leur toilette matin et soir. La propreté du corps leur importe, malgré l'état de leurs habits, ce que je comprends fort car il n'est pas facile de laver son linge en étant itinérant. De plus, nos bagages de touristes leur pèsent sans qu'ils ne souhaitent en rajouter pour avoir des changes... Sincèrement si je n'avais pas de machine à laver et de la place pour sécher le linge (même dans mon appartement, actuellement, je suspends les tee-shirts, pantalons, vestes, serviettes sur des cintres que j'accroche à la barre de rideau, devant la fenêtre ouverte, ce système est presqu'aussi efficace qu'une machine à sécher le linge et bien moins énergivore... petite idée en passant), je ne me changerais pas aussi souvent !


Il fait doux par rapport au matin précédent, 10-12 ° à 2 300 mètres d'altitude. C'est un plaisir de s'asseoir dans la cour et de regarder alentours le ciel qui commence à rougir ; la dame-tenancière du lodge pique une barre d'encens dans chaque pot de fleurs, veut-elle chasser les mauvais esprits ? En tout cas j'aime sentir ce parfum, surtout à l'air libre où l'oxygène ne manque pas, contrairement à l'encens brûlé dans une pièce qui peut vite devenir étouffant.


Je fais un tour dans le jardin : du chou, une espèce d'épinard. Un compost dans un coin, un coq qui a l'air de jouer le rôle d'un chien de garde. Les chèvres ne sont pas encore réveillée. Et le chat au pelage gras ? Derrières les lodges une cabane fume de tout côté, en France on crierait à l'incendie.... ici, c'est normal, c'est la cabane-cuisine, « on y frit des chapatis » m'informe Dany qui sort sa tête de la tente dans laquelle il a passé la nuit. Il y a « Boudha Guest House » à Bamboo le Bas, le village étant construit sur 3 niveaux, avec Bamboo le Haut et Bamboo tout court, comme en Alsace les Nieder, Ober et Mittel....


Une musique s'élève, je reconnais le célèbre Mantra « om mani padme om ».


Je gère l'eau : le demi-litre aseptisé le soir que je bois au réveil, puis je prépare ½ pour la matinée, idem à la pause de midi, auxquels ½ litres se rajoutent l'apport thé, eau pendant les repas.


Aujourd'hui nous montons pour redescendre, puis remontons pour encore rescendre plus bas, cela pourrait être décourageant. Nous repassons devant des lodges «connus ». Des abeilles construisent leurs ruches dans les arbres, des plats de piments sèchent au soleil sur les toits des maisons


Les oiseaux nous accompagnent avec leurs chants mélodieux, exotiques. J'ai quitté les socquettes pour être pieds nus dans les sandales; parfois les toilettes turques sont scellées dans du carrelage mais la plupart du temps elles sont posées dans la terre battue. Mais toujours un robinet avec un seau, un pichet, parfois une poubelle car, bien sûr il faut éviter de jeter le papier dans les toilettes, au risque de les boucher. La lumière est parfois en option non proposée.


Bernard a compté les marches pour monter à CHAMRUNG ; au retour, Alfred a vu son tee-shirt, donné à l'aller, sur un fil à sécher le linge.


Magnifique coq, fier, coloré.


Midi : chapatis, chou chinois en salade, frites sardines. Thé.Une chute de revêtement de sol/parquet en guise de nappe sur la table.


Le temps est brumeux, il fait moins chaud mais les rayons du soleil restent redoutables. Je bois un lemon tee. C'est un remontant, on recharge nos batteries après cette grosse montée. La descente, caillouteuse est tout aussi éprouvante.


Heureusement qu'une bonne surprise nous attend : les bains chauds « beautiful Wiew », 2 bassins, l'eau est presque brûlante. On se lave à l'eau chaude et au savon, quel bonheur, j'ai l'impression de me décrasser.... pourtant, après quelques minutes d'immersion, cette température devient désagréable pour mon corps, elle me ramollit. Je sors, fatiguée mais détendue.


J'admire le torrent écumant juste à côté, un brumisateur ; il serait si bon de s'y immerger après ce bain alanguissant. Bien sûr on joue à s'éclabousser... des gamins qui s'amusent.


Au retour, j'aperçois un très vieil homme, perché dans un arbre à plus de 10 mètres de haut ; je l'ai vu grimper avec une agilité incroyable.


Un chien se sert dans la poubelle, il retire sa truffe emprisonnée dans une boîte de sardine. Il la nettoie parfaitement, le recyclage en sera facilité.


Discussion de groupe, combien, comment, pourboire, distribuer habits ou non.... vive et engagée, qui dure. Nuls problèmes familiaux, professionnels, économiques à résoudre pour nous au Népal, alors les détails nous accaparent plus que d'habitude. Il faut encore et toujours débattre ? L'humain a donc bien du mal à vivre en paix.


OH un Wc cuvette.... pas de seau.... pas de pichet.... je sors, M est devant la porte, attendant son tour ; je la préviens ; elle s'esclaffe : « mais tire la chasse d'eau ! » ....


Je n'avais pas remarqué ce luxe... en une semaine j'ai oublié le fonctionnement des toilettes françaises...


Le népalais est à l'affût de tout ce qui peut nous être agréable, nécessaire, utile dans la mesure de ses possibilités. Cette propension, bien naturelle, dénote une envie de connaître l'autre, d'être à son écoute.


Par contre, rien ne peut « manquer vraiment » ; c'est ainsi, proposé avec le coeur, dans les limites de leurs moyens, avec une sincérité enfantine, sans calcul. Il m'arrive parfois de surprendre la lueur de contentement dans leurs yeux quand ils perçoivent notre étonnement de trouver tel ou tel objet, ou commodité, communs chez nous, dans leur petit village.


Heureux d'avoir ce qu'ils ont, pas plus.


Aucun regret de ne pas avoir tout, nulle trace de fuite en avant vers des acquisitions futures, typiquement occidentale, générant tellement d'insatisfactions.


« Le présent apaisé » pourrait être le titre du récit du vécu dans les villages montagnards du Népal.

Je pourrais rajouter « seul avenir possible pour tous ? » pour le deuxième tome !


Le dîner se compose de riz au chicken et pour moi, spécialement, un bol aux légumes variés et croustillants, huileux à souhait (préparation qui correspond à mon goût, parfaitement supportable si je me limite en quantité raisonnable, ce qui n'est pas difficile ici et c'est tant mieux) ; des oeufs durs équilibrent justement ce repas. Des fruits au sirop achèvent de nous régaler le palais.


La soirée est consacrée à la danse ; au fur et à mesure, l'ambiance s'échauffe, d'autres personnes habitant non loin viennent grossir simplement les groupes de danseurs et de chanteurs, sans que cela perturbe le « chef de choeur » qui n'est d'ailleurs pas toujours la même personne. On ne parle pas, tout se met en place au fur et à mesure des venues ; des touristes se rajoutent, certains se fondent dans les groupes, tels des caméléons ; habits, façon de danser, de chanter, ils ont adopté jusqu'à la coiffure locale et certainement l'odeur, mélange de feu, d'épices et de tissus imprégné de sueur ; le tout n'est pas malodorant.


La constitution de la chorale est visiblement improvisée. Certains chants sont relancés, inlassablement, par des voix différentes ; les regards échangés suffisent à créer un ensemble cohérent où les voix s'appellent, s'harmonisent, se répondent, se complètent. Les fausses notes sont impossibles.


Joie d'être ensemble, se comprendre sans discuter. Beau tableau que je ne me lasse pas d'admirer sans pour autant l'intégrer, tout en me sentant parfaitement à ma place, en harmonie. Sain voyeurisme qui élargit ma capacité d'aimer de façon inconditionnelle, sans désir autre que celui de faire durer ce moment magique. Symbiose qui n'appelle pas cette similitude basée trop souvent sur l'amputation d'une partie de soi-même ou le mimétisme énergivore.


Le corps me rappelle à l'ordre : je suis fatiguée, mes yeux sont lourds. Je dois encore tenir un peu : on nous décore de colliers de vraies fleurs, odorantes. Par contre, et je ne l'ai su que le lendemain matin, je me suis couchée avant qu'on nous serve un succulent thé au gingembre.


MERCREDI 29 AVRIL 2009


JHINU DANDA – POTHANA (1 990 mètres)

Nous redescendons à 1 400 mètres d'altitude (je pense à notre Ballon Alsacien), mais avant de démarrer, F et moi avons tout juste le temps de négocier quelques achats déjà repérés le soir, pour moi un petit pendentif représentant le « Noeud Infini ».


Nous traversons un pont suspendu, impressionnant mais ne présentant aucun danger. En 10 ans je pense que des progrès ont été réalisés dans ce domaine.


En marchant, je relève un autre point positif à ne pas m'encombrer de bâtons : le balancement des bras au rythme des pas m'aide à garder l'équilibre dans les endroits difficiles : le corps, souple, peut ainsi répartir son poids autour du centre de gravité, jouant avec les mouvements des membres, non entravés.


En chemin, un enterrement. Calme et palabres. Des groupes d'hommes : leur mine n'est pas triste, seulement sérieuse. La couleur de l'habit de deuil est le blanc. Une personne ayant perdu son conjoint s'habille de cette couleur pendant au moins 6 mois, Certains hommes se rasent le crâne.


A midi, Dany distribue les paquets d'habits que nous avons apportés ; il a constitué des paquets équitables, adaptsé aux besoins de chacun, une veste, un sweat, un pantalon, une chemise ou un tee-shirt par tête. Le village s'appelle « Simli Bazar »... nom évocateur.


Le pourboire est pareillement attribué, suivant une équité non pas mathématique, mais en rapport avec la fonction et l'âge des récipiendaires. Au népal, le salaire moyen d'un porteur se situe aux environs de 20 euros, une bonne rétribution est évaluée à 40 euros, le cuisinier et le guide ont eu chacun 50 euros. Tout le monde était content, nous aussi !


JEUDI 30 AVRIL 2009???


POKHARA – KATHMANDOU (7 heures de bus) retour à l'hôtel SAMSARA


POKHARA, à 900 mètres d'altitude, étape idéale pour se reposer et reprendre haleine après la vie trépidante de Kathmandou, ou départ de treks ! Beaux points de vue sur le Dhaulagiri, les Annapurnas et Machhapuchhare....


Retour sur piste 4/4 lourd, bus local, croisement difficile, mais toujours possible contrairement aux apparences, car leur « code de la route » est basé sur le respect des besoins et possibilités de l'autre, par le regard, les gestes, les klaxons utilisés sans retenus.


Beaux paysages, villages, enfants rentrent de l'école, les bêtes se promènent sur la route.


Voilà que le camion tombe en panne ; on ne peut plus changer les vitesses... Nous nous asseyons au bord de la route, pour certains dans le fossé. Les téléphones portables fonctionnent, des mécaniciens viennent en moto pour réparer sur place la courroie de transmission. Nous sommes à 24 avec les porteurs, certains ont voyagé sur le toit. Il ne fait pas froid, nous n'avons pas encore trop faim, pas d'avion à prendre, donc pas de catastrophe, patience ! Une heure passe.


Nous regardons passer un bus transportant les convives d'un mariage ; autre bus qui peinait tellement que je pensais qu'il lui arriverait le même sort.... on aurait pu prétendre à un rabais de dépannage... C'est l'heure de la sortie des écoliers ; ils souhaitent qu'on les prenne en photo.


Acrobaties pour faire pipi discrètement, sur le bas côté donnant sur un aplomb vertigineux.


Ah voici la moto-mécanicien qui arrive en trombe : le passager arbore fièrement une simple clé à molettes.


Les jeunes porteurs sont nonchalamment couchés sur le toit, observant placidement la suite des évènements avec curiosité et amusement.


Le moteur de la moto tourne toujours, les gaz polluent, cela n'a pas l'air de gêner les gens autour qui haussent la voix pour se faire entendre ; peut-être ont-ils peur de ne plus pouvoir démarrer ?


Après un long échange verbal dont le sens nous reste caché et quelques manipulations au coeur du moteur à l'aide d'une clé et d'un chiffon, et voilà que le bus redémarre en dégageant de grands nuages noirs. Un concert d'applaudissement retentit, mérité ! La carcasse ressucite... pour combien de temps ? Qu'importe, l'instant seul compte ; tout le monde s'engouffre dans l'habitacle qui nous semblait tout à l'heure bien exigü et qui, d'un coup, devient sinon acceptable, du moins un passage obligé pour poursuivre notre route. Nous félicitons et remercions ces magiciens au quotidien.


Nous continuons sur POKHARA (altitude 900 mètres), qui est une petite ville moins polluée et bruyante que sa grande soeur Kathmandou.


Le repas du soir est un classique népalais, délicieux : dalbat et lassi. Pour digérer, nous nous promenons vers le lac, en passant par le Palais Royal, bien gardé par des hommes en uniforme perchés sur les murs hauts, munis d'impressionnantes mitraillettes.


La nuit ne fut pas très calme, un singe hurleur - qui n'a pas volé son nom - et des moustiques ont peuplé mes rêves empreints de réalité. Cela m'a donné l'occasion de me lever tôt ; dans la rue, des vendeurs proposaient des petits pains européens, au chocolat, aux raisins secs. J'ai préféré manger... quatre oeufs et rien d'autre.... comment digérer cet excès ? Mon secret est d'éviter le mélange des aliments, ce qui facilite grandement la digestion.


Nous repartons sur la route. La façon de rouler des Népalais démontre que , même en l'absence apparent de respect du code de la route de base que nous connaissons, le bon sens fait des miracles, chacun prend l'autre en compte, évalue des possibilités et besoins propres ; le plus rapide dépasse et celui qui vient en face négocie en fonction de sa vitesse qu'il règle de façon à éviter la collision, c'est le bon sens qui ignore le crime de lèse-majesté ou la supériorité des grosses cylindrées ,ou mêmes des conducteurs sur les conductrices...., mentalités bien occidentales... cela marche.... presque toujours!


Nous nous arrêtons au bord de la route pour prendre le repas de midi, dans un « fast-food » où les gens défilent ; endroit assez désagréable, un peu comme nos arrêts sur les autoroutes. Les gens ne sont pas « présents » mais en route, poursuivant un but devant être atteint le plus vite possible. Manger au lance-pierre.... je me demande comment le corps assimile cette nourriture d'envie et de besoin uniquement.


La partie suivante du trajet est moins agréable, la chaleur se ressent davantage, la vue d'un bus renversé sur le bas côté ne rassure pas. Je somnole. Je n'ai pas la force de lire, ni même de parler. Je regarde, j'écoute, je dors, je m'étire, je bois.... moi aussi j'ai hâte d'arriver au but.


Autour de Kathmandou de nouvelles contructions s'élèvent, la ville s'étend. La circulation s'intensifie jusqu'à devenir quasiment impossible. Le bus nous dépose dans une rue transversale ; nous traînons nos bagages jusqu'à l'hôtel où je suis surprise du calme qui règne dans la jardin, à quelques mètres seulemtn de l'agitation citadine. Je pousse un ouf de soulagement. Douche, rafraîchissement, repos ; Fabienne et moi décidons de manger dans un restaurant népalais qui nous sert des momos, des légumes avantageusement assaisonnés aux épices exotiques, Je reconnais le gingembre et le massalé, qui est un mélange d'épices (coriandre, cumin, fenugrec, moutarde, girofle, curcuma). Et pour finir... devinez ? Un lassi bien sûr ! Après ce festin, nous faisons le tour du quartier tibétain ; les rues sont très animées, abondamment illuminées ; les échoppes ferment tard, vers 22 heures. Un petit orage éclate, il rafraîchit et purifie l'air lourd et poussiéreux.


VENDREDI 1er MAI 2009


Je me réveille avec l'horrible bruit du transformateur, vers 4 heures du matin. Je pense avec nostalgie aux chants des oiseaux, les conversations entre porteurs, même les aboiements de chiens au loin étaient doux à l'oreille par rapport à ce ronflement insistant et tellement nécessaire à la vie urbaine. .. prix à payer pour le superbe petit déjeûner-buffet, celui que je préfère, légumes, lassi, fruits et pour tous les goûts petits pains, confiture, saucisse, crêpes, thé, café, jus d'orange : je mange successivement avec plusieurs personnes... mon petit déjeûner dure près de deux heures... je ne sais pas ce qu'en pense le serveur.


Bel exercice relationnel : dès qu'on paraît différent (mais tellement semblable, cf un chant d'I Muvrini) ou qu'on « empiète » sur les plates-bandes d'un sachant professionnel/reconnu, on suscite des réactions plus ou moins virulentes. J'apprends à tempérer, à être plus discrète, à me laisser moins emporter par ma fougue naturelle dès que des sujets m'intéressent, à écouter et à considérer l'autre, à y voir plutôt un partage qu'une rivalité.


Journée libre à KAHTMANDOU – visite d'un centre créé par Alsace Népal.

Durbar Square et le Palais Royal, quartier qui a gardé son allure traditionnelle, aux anciennes demeures qui tombent en ruine pour certaines, par manque de moyen, vestiges d'un passé lointain, petites courettes avec des temples votifs individuels. La dévotion fait partie intégrante de la vie au Népal.


La Kumari est une jeune vierge choisie ; elle confirme rituellement le roi dans ses fonctions chaque année.


Trois gamins adolescents nous suivent, tour à tour insistants, gênés, moqueurs, je ne sais pas trop ce qu'ils cherchent mais un moment je fais volte-face et le leur demande : ils se regardent, un peu gênés : ils recouvrent vite leur sans-froid, ils se jettent des regards de connivence : ils souhaitent simplement qu'on leur parle en anglais, en français, ce que nous faisons de bon gré. Les rires fusent.


Le marché : extraordinaire palette de couleurs. Chaque personne joue son rôle. Tout le monde semble avoir quelque chose à proposer à la vente. Un porteur passe avec un réfrigérateur sur le dos, un rickshow grinçant nous dépasse, des immondices côtoient les articles proposés à la vente, on y vend légumes et fruits bien sûr, mais aussi des tissus, de la vaisselle, des bibelots .


Je repère un marchand de « lassi de rue » et me laisse tenter par cette boisson préparée de façon rudimentaire, les verres et ustensiles utilisés n'étant certainement pas d'une propreté irréprochable. Le goût est plutôt acide, la consistance plus épaisse ; malgré ma demande de lassi « without suggar » il y a eu rajout de sucre ... odeur et goût excellents pour ce breuvage qui fleure franchement la vache. Rien d'anormal, on apprécie bien le Munster dans nos Vosges.


Il y a une manifestation aujourd'hui ; je ne suis pas rassurée, impressionnée par le sérieux du défilé, les visages graves, reflétant une espèce de passion contenue qui pourrait déborder à tout moment; une ambiance tendue, peut-être une opposition au marxisme ? Ils brandissent des drapeaux rouges, avec une inscription blanche ; les manifestants s'arrêtent devant un immeuble officiel entouré de barbelés – les policiers gardent les alentours, mitraillettes en main – pendant ce temps les voitures ne roulent pas et les mobylettes se font rares, repos soulageant les oreilles.


Les ruelles sont étroites et on y trouve une peu de fraîcheur ; les toits, en tôle, se touchent ; certains immeubles sont d'une beauté à couper le souffle, en bois ciselé, des portes énormes et massives arborant des symboles bouddhistes et hindous ; ici pas de harcèlement commercial, une rue de dentistes avec des fausses dents dans les vitrines, des garçons jouant aux billes – un petit troquet de rue, on y cuisine des momos à tour de rôle, à peine deux petites tables, les gens rentrent et sortent sans cesse, les « cuisiniers » changent en fonction des disponibilités de chacun. La mendicité semble absente, il y a des victuailles étalées partout, une riche diversité.


Nous nous engouffrons dans une galerie marchande, curieuses de voir les habits à la mode népalaise, les sous-vêtements, les ustensiles de cuisine, des articles kitsch, les télévisions à écran énormes ...histoire de savoir ce que consomme le népalais de base, à quoi rêve les femmes ? La mode européenne a contaminé le pays, notamment par des articles de marque. Je fais une tentative d'achat de baskets... j'abandonne car les grandes tailles de mes garçons ne sont pas disponibles.


Lasses et affamées, Fabienne et moi achetons des petites bananes (17) ; il s'agit de notre repas de midi. J'aime manger ce qui me plaît, librement, suivant l'envie du moment.


Nous sommes témoins de quelques coupures de courant, somme toute assez rares. Dans ma mémoire cela était plus fréquent à l'époque, il y a déjà plus de dix ans.


Le sachet de bananes est vide...qu'en faire ? le simple geste de le jeter dans la rue ? avec les peaux de bananes ? est difficile à faire ! Fou-rires... finalement Fabienne s'en charge et malgré le contexte, je sens une gêne m'envahir, j'ai l'impression de salir ce quartier.... alors que des kilos de détritus jonchent le sol...


Je vois les espèces de « cornichons plantes », ressemblant à des perroquets ; mon père nous en ramenait, on les mettait tout autour d'un verre rempli d'eau. Leur aspect rappelle vraiment l'oiseau et je m'imaginais qu'il s'agissait d'un animal quand j'étais petite. Ici c'est un légume comestible, j'ignore son nom.


Patan est une ville bouddhiste, Bakhtapur hindouiste. Aucune tension entre ces deux conceptions de vie n'est perceptible.


Je me lève vers 5 heures, j'en profite pour me remémorer les évènements de la journée précédente.


Echopes sombres proposant des ustensiles d'un autre âge, de la récupération tout à fait naturelle. N'importe quoi semble trouver son utilité dans ce pays.


Les mécaniciens népalais sont aussi noirs que les ramoneurs en Alsace !


On peut manger à toute heure, les repas sont préparés, cuits dans la rue, il y a des légumes, des beignets, de la viande, des galettes. La faim se fait sentir rien qu'à l'odeur alléchante des plats exposés, colorés et variés.


Ici, on précise : roupies népalais ou tibétains ; ces derniers ont plus de valeur.


Hier soir nous étions auX restaurantS : le groupe était divisé en plusieurs sous-groupes, il y avait des malades, des couples désirant se retrouver, les fans de pizza, les adeptes de la nourriture authentique népalaise... et les inclassables !


Je me laisse porter, emportée par les évènements successifs, je baigne dans les infos – contre infos qui circulent, suppositions et réalité se côtoient, difficulté à se projeter ne serait-ce quelques heures, dans le futur... cet état de « nonchalante irresponsabilité» m'est plutôt agréable, je m'y complais assez, cela me repose de ma vie occidentale trépidante de laquelle je me sens d'ailleurs complètement déconnectée au point que je peux me demander sincèrement si la reconversion est encore possible ?.. en revenant « sur terre », je me suis rendue compte, trop tard, que les porteurs sont partis ; je ne les ai pas salués, remerciés..


Il faut cependant rester un minimum vigilant pour les choses importantes, par exemple confirmer un vol, rassembler les affaires et médicaments à donner.


SAMEDI 2 MAI 2009


Matinée libre et transfert à l'aéroport, vol vers Franfort.


Dernière immersion au coeur de KATHMANDOU, ultime fièvre d'achat... choses incontournables, une façon de ramener un petit bout de ce pays, faire sonner un bol tibétain dans son salon, préparer le thé népalais, parfumer le riz en utilisant les épices orientales ...


DIMANCHE 3 MAI 2009


Transfert à l'aéroport.


Il fait lourd. Nous sommes fouillés plusieurs fois. Attendre. Etre en symbiose avec le milieu malgré tout. Sentir, voir, respirer, la conscience de se nourrir, tout embrasser, être d'accord à la fois avec le mendiant, l'homme à l'air important portant son attaché case, le chien galeux, le bébé qui pleure, les maisons délabrées ; tout ce tableau est un ensemble de vie, cohérent ou insensé selon notre conscience ou notre degré d'acceptation de l'incompréhensible, rien n'est statique, tout est dirigé vers le devenir de l'homme, de tous les hommes, du monde, de l'univers et plus vaste encore.


Pesées des bagages... dommage que les personnes ne passent pas sur la balance, le poids global ayant sensiblement baissé à la fin du périple - malgré les bons plats offerts par nos valeureux cuisiniers - , cela nous permettrait de ramener plus de choses.... et motiverait pour les cures d'amaigrissement !) A suggérer !


Escale à BARHEIN : nous sommes immédiatement dirigés vers la galerie marchande, respirer de l'air frais n'est pas pour aujourd'hui ; à défaut, nous « admirons » les produits de luxe astiqués scintillants, rutilants, éclairés par une lumière agressive, impossible de ne pas voir, même en fermant les yeux. Les Bahreinoises sont pour la plupart entièrement voilées, d'un chic impressionnant, habillées de tissus noir fluide, à la démarche très féminine. Les hommes semblent fiers d'accompagner leur beauté. F les prend en photo, l'air de rien. Fou-rires....


Petit calcul pour ne pas endormir le côté gauche du cerveau....

KATHMANDOU 19 h – BAHREIN 21 h10 (2 h 10 + 2 h 45 = environ 5 heures)

BAHREIN 1 h 10 – FRANCFORT 6 h 40 (5 h 30 + 1 h = 6 h 30)

Arrêt BAHREIN : 4 heures, soit à peu près 11 h 30 de vol.


Nuit paisible, deux repas ayant au moins le mérite de tromper l'ennui, s'il n'a pas celui de nourrir sainement.


Heureusement que je ne prends pas beaucoup de place, je plains les corps volumineux qui sont obligés de se plier dans cet espace minuscule.


Par le hublot, on peut apercevoir des puits de pétrôle qui flambent en permanence.... quel gâchis ! Une interminable route, complètement éclairée à 3 heures du matin, étalage de richesse énergétique.


Et pour clore, un magnifique lever du soleil sur un tapis de nuages blancs, cotonneux. Je ne serais pas étonnée de voir apparaître un Bisounours faisant du toboggan sur un arc en ciel et atterrir en chantant dans cette douceur vaporeuse.


Aller à la rencontre de l'inconnu, d'habitudes de vie différentes, découvrir des paysages de très grande beauté, tant sur le plan des cultures organisées en terrasse, que de la flore à son apogée à telle époque de l'année, les magnifiques petits villages traversés, et bien sûr établir d'autres liens avec ce peuple népalais et les enfants parrainés, parfois depuis de nombreuses années, perdre nos préjugés, nos peurs en cours de route. Etre curieux des différences : voici un aperçu des motivations, des belles raisons de voyager, au-delà du consumérisme exotique qui ne ferait que creuser un peu plus le fossé des différences au lieu de nous enrichir de part et d'autre.


Ecrire, c'est voyager, différemment, à l'intérieur de soi. C'est aussi un partage.

MERCI