vendredi 27 novembre 2015

Un réfugié syrien nourrit les sans-abri à Berlin

http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/27/un-refugie-syrien-nourrit-les-sans-abri-a-berlin/
Alexanderplatz (Berlin), le 26 novembre.
Alexanderplatz (Berlin), le 26 novembre. TOBIAS SCHWARZ / AFP
La photo a été vue près de trois millions de fois sur le site de partage d'images Imgurdepuis son ajout il y a trois jours. On y voit un homme qui semble occupé à cuisiner en pleine rue. Scotché à sa table, un message : « Rendez la pareille aux Allemands. » Sur une autre feuille, on peut également lire : « C'est un projet chrétien germano-syrien, pour aider les sans-abri ou quiconque en aurait besoin ici, en Allemagne. Notre but est de rendre la monnaie de leur pièce à ceux qui nous ont aidés (…). »
En réalité, le cliché vient de la page Facebook d'un Allemand, Tabea Bü, qui l'a posté le 22 novembre dernier. Il raconte avoir rencontré, dans une association de soutien aux réfugiés, un Syrien nommé Alexander Assali. Avec son post, Tabea Bü souhaite surtout rendre hommage à cet ami qui « [l']impressionne ». Il raconte dans son commentaire qu'il a pris la photo à Alexanderplatz (en plein cœur de Berlin) et qu'Alexander a dû fuir de son pays face à des menaces de mort, en « laissant sa famille derrière lui ». Tabea Bü ajoute qu'« il a tout perdu ».
Son histoire, reprise par de nombreux médias internationaux, fait aujourd'hui le tour du monde. Alexander Assali aurait fui Damas en 2007 à cause de ses « opinions politiques », révèle le site BuzzFeed. Il se serait alors réfugié à Tripoli, en Lybie, avant de rejoindre l'Allemagne l'année dernière. Aujourd'hui installé à Berlin, il aurait décidé, dans le cadre d'un programme de solidarité chrétien, de remercier l'Allemagne de l'avoir accueilli. Ainsi, depuis le mois d'août, Alexander prépare tous les samedis des plats traditionnels syriens et en distribue des portions gratuites aux sans-abri près du métro. « Nous voulons être un aspect positif de la communauté allemande », a-t-il confié au quotidien britannique The Independent

mercredi 25 novembre 2015

l'écologie pratique, sans politique, sans moyens, à la portée de tous



De la Pointe aux oies) Nous sommes en novembre et le soleil fait doucement tomber les manteaux sur la plage de la Pointe aux oies, près de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).
Sur le sable, des kitesurfeurs, des promeneurs mais aussi une soixantaine de motivés, sacs-poubelle à la main. Ils ne sont membres d’aucune organisation, beaucoup ne se connaissent pas. Ensemble, ils vont passer un bout de leur dimanche après-midi à ramasser les déchets de la plage, bénévolement, le sourire aux lèvres.
Le groupe des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Le groupe des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Leur venue est le fruit d’un bouche-à-oreille qui marche bien, depuis des années. Moi-même, j’ai été alerté par l’e-mail d’un lecteur de Rue89 qui vit dans le coin  :
«  J’connais un gars qui ramasse des déchets depuis plus de huit ans sur la Côte d’Opale. Ce gars-là ne fait pas ça pour être une star, ni pour le buzz, ni pour faire le beau à la COP21. Il n’a pas non plus décidé de sauver la planète : avec ses potes, il invite “les gens” à se joindre à lui, tous les mois, toute l’année, pour ramasser les déchets que l’on trouve sur les plages sensibles du coin. »

Un « groupe de potes »

Thomas Hemberger explique comment ramasser les déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Thomas Hemberger explique comment ramasser les déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Nous avons contacté ce fameux gars, qui s’appelle Thomas Hemberger.
Il nous a raconté comment l’aventure a démarré  :
« Au début, on était trois ou quatre à vouloir faire quelque chose et à se balader avec un grand sac-poubelle.
On s’est structurés et on a créé une association, Nature libre. On a commencé à être plus nombreux, des gens croyaient même qu’on faisait des travaux d’intérêt général !
En 2010, on a reçu des premières subventions, on a mis en place un vrai programme de ramassage, suivant les saisons et les marées. Depuis, on est entre 50 et 70 à chaque ramassage mais ça ressemble toujours à un groupe de potes, c’est super horizontal. »
Cette drôle d’organisation fonctionne très bien. En 2014, 6 tonnes de déchets ont été ramassées. La journée record : 180 participants, 1 760 kg de déchets.
Des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Des ramasseurs de déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
On a interrogé les présents, dont beaucoup viennent pour la première fois : qu’est-ce qui les motive à renoncer à tout ce que peut offrir un dimanche pour ramasser des déchets ?
Elisabeth, 67 ans, a entendu parler de l’opération en faisant ses courses dans un magasin bio  : 
Elisabeth ramasse les déchets à la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Elisabeth ramasse les déchets à la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
« Je n’avais rien à faire, je suis venue. Je ne pense pas être écolo pour la politique, par contre j’aime l’école pratique, dans mon quotidien. »
Plus loin, une famille m’explique  :
« On a vu ça dans le journal gratuit, on s’est dit que c’était une bonne idée pour les enfants, on devait aller à une brocante mais finalement on est venus là. »

« On se sent comme un petit héros »

Denis Blot est sociologue à l’université de Picardie. Il a commencé à venir aux collectes de déchets dans le cadre d’une étude sur les déchets sauvages pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Maintenant, il vient parce qu’il aime ça.
Je lui demande : mais pourquoi diable tant de gens consacrent leur dimanche à mettre les mains dans les rebuts ?
« Ce n’est pas facile de vivre avec la sensation que ce qu’on aime autour de nous se dégrade. Donc certaines personnes sautent sur l’occasion de faire quelque chose dès qu’elle se présente. Le nettoyage n’est pas extrêmement utile en soi, mais vivre sans serait difficile.
Nos meilleurs souvenirs de collecte, c’est quand il fait un temps pourri. L’an dernier, le 21 décembre, on était une petite dizaine, dont la moitié habillés en père Noël. C’était dur, il neigeait, mais c’est un super souvenir.
Dans nos vies, on n’a pas souvent l’impression de faire quelque chose de bien ; là, on se sent comme un petit héros. »
En discutant avec certains participants, on comprend petit à petit que ces sessions dominicales sont aussi un exercice de réflexion intense.

« Prisonniers de ce qu’on fabrique »

Jonathan – celui qui qui m’avait envoyé un mail – aime beaucoup ramasser les petits tubes que l’on trouve par centaines sur la plage. Il demande aux gens : « A votre avis, c’est quoi ? »
Des tubes de Coton-Tige dans la main de Jonathan sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Des tubes de Coton-Tige dans la main de Jonathan sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
Réponse : des tubes de Coton-Tige. On les jette dans les toilettes, comme si l’eau était une poubelle. Ceux-ci sonttrop fins pour être filtrés par les stations d’épuration, ils finissent dans les rivières puis dans la mer, qui en ramène inlassablement une petite partie sur la plage.
C’est l’occasion d’expliquer où part l’eau quand on tire la chasse, mais aussi de lancer de longues réflexions sur notre rapport aux déchets.
Et ça ne laisse pas indemne, comme me l’explique Jonathan  :
« Pour moi, ça a changé plein de choses. Je me dis que l’être humain est un génie pour fabriquer des choses mais qu’il ne sait pas du tout ce qu’elles deviennent. On est un peu prisonniers de tout ce qu’on fabrique en fait. Je n’achète plus rien d’emballé, grâce à ça je ne jette presque plus rien à la poubelle. J’ai débranché mon frigo aussi. »

« Décider de ce qui est naturel ou non »

J’accompagne Denis pendant quelques mètres. Je l’observe et ça me confirme que se baisser pour ramasser les détritus fait travailler les méninges  :
Laisse de mer à Audresselle
Laisse de mer à Audresselle - F. Lamiot/Wikimedia Commons/CC
« On essaye de ne pas toucher à ce qui est naturel pour ne pas l’abîmer. Par exemple, il y a souvent des filets de pêche coincés dans des algues dans la laisse de mer.
On n’y touche pas, parce que c’est un véritable écosystème, de nombreuses espèces en dépendent. Si on les retire, on aura un site propre mais ce serait un site mort.
C’est paradoxal, quand même. Ça veut dire que l’homme qui veut préserver la nature doit décider de ce qui est naturel ou non. »
Il m’emmène un peu plus loin :
« Ça, par exemple, c’est quoi  ? C’est un mélange de roches et de métaux sur lequel sont accrochés des filets en plastique et des algues. On ne va pas le jeter ! Je crois qu’on va devoir se résoudre à laisser une bonne partie de notre environnement devenir une hybridation entre du naturel et du manufacturé. »
Denis Blot s'interroge sur la nature des déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Denis Blot s’interroge sur la nature des déchets sur la plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89

Collecteurs de déchets anonymes

Thomas confirme que les participants réguliers se posent beaucoup de questions, et que ces sessions l’ont transformé :
« Quand tu te balades sur la plage avec un sac, tu comprends que la majorité des déchets vient de la terre, arrive dans la mer par les fleuves et les rivières, et est en partie ramenée sur la plage par la mer.
Tu ne peux pas chercher les coupables, tu es obligé de te dire que la solution, c’est de produire moins de déchets, tu comprends que c’est la société de consommation le problème.
On ramasse six tonnes de déchets par an. C’est pas ça qui va sauver le monde. Par contre, ça nous permet de construire une vraie relation avec notre environnement, on l’observe, on le défend un peu, on développe une vraie sensibilité, c’est très fort et très beau. »
Pour moi, le plus fort et le plus beau, ce n’est pas que tant de gens dévouent leur jour de repos à ce ramassage, ni même que mettre les mains dans la merde permette à certains de révéler un peu de la fraîche beauté du monde.
Capture d'écran d'évènements et groupes locaux consacrés au ramassage des déchets sur Facebook
Capture d’écran d’évènements et groupes locaux consacrés au ramassage des déchets sur Facebook
Non, le plus fort et le plus beau, c’est que des gens comme ça, on en trouve partout. Denis tente de faire un inventaire de ces collecteurs anonymes en France. C’est très difficile :
« Il y a des gens qu’on ne repérera jamais. Je pense à une personne dont on m’a parlé qui ramasse seule les déchets sur 3 km de plage.
Des gens comme ça, il y en a des centaines en France. Ils pourraient aller voir leur maire, pour dire “c’est sale là-bas”, mais ils préfèrent s’en charger eux-mêmes.
Ils se réapproprient ces espaces, c’est une forme de démarche politique. »

« Je me vois comme un sportif »

J’ai ainsi rencontré Ronald, qui ramasse des déchets dans la nature du côté d’Hesdin (Pas-de-Calais). Il a tenté de rameuter du monde via Facebook, mais pour l’instant, il est le plus souvent tout seul.
Frédéric Vincent, lui, nettoie seul les bords des routes près de Calais depuis quinze ans. Il m’a expliqué sa démarche :
« On me parle souvent de gens qui ont été vus sac-poubelle à la main en sortant d’un champ ou d’un chemin. Je pense que même si la majorité ne fait rien, il y a beaucoup de ramasseurs de l’ombre.
Moi, j’ai commencé parce que ça me dégoûtait de voir les merdes des gens un peu partout. J’étais en colère, je m’habillais même en tenue militaire.
En parlant avec les gens, j’ai compris que ça ne servait à rien de faire la guerre. Je fais maintenant de la sensibilisation dans les écoles, j’ai installé des panneaux sur les bords de routes.
Je ramasse toujours tout seul, c’est vrai que physiquement, je dérouille, mais je me vois comme un sportif qui travaille dur pour atteindre un jour une performance exceptionnelle, c’est-à-dire que les enfants du coin aient un monde meilleur. »
En l’écoutant, je repense aux mots de Jean Giono, vantant le travail solitaire d’Elzéard Bouffier, ce personnage de la fiction « L’Homme qui plantait des arbres » (Revue forestière française, 1973), qui, pendant toute sa vie, a tenté dans l’anonymat de restaurer la nature, en « reforestant » un bout de Provence désertique :
« En même temps que l’eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre. Mais la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement. [...]
Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique ? [...]
Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu. »
Thomas Hemberger rit en posant un casque déposé par la mer sur plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015
Thomas Hemberger rit en posant un casque déposé par la mer sur plage de la Pointe aux oies, près de Wimereux, le 8 novembre 2015 - Thibaut Schepman/Rue89
source
http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/24/ramasseurs-lombre-nettoient-nature-sans-sen-vanter-262249

dimanche 22 novembre 2015

Pour que plus aucun jeune n'ait envie d'en finir avec la vie


Ne pas dépenser l'énergie pour s'invectiver les uns les autres, voir qui a tort, qui a raison, qui aurait dû, ou pu faire autrement ; on ne change pas le passé.

Par contre, aujourd'hui : que peut-on apprendre des évènements ?

Comment faire mieux ? devenir meilleur ? .. NOUS au quotidien (puisque nous ne combattons pas sur le terrain, nous ne prenons pas de grande décision politique ou stratégique pour la plupart d'entre nous ; nous essayons simplement de vivre notre vie malgré tout.

Comment ?
Chacun en son âme et conscience oeuvrer, à sa mesure, pour qu'un jour plus aucun humain ne soit plus laissé pour compte.
Que plus aucun jeune n'ait envie d'en finir avec sa vie et celle des autres.

Bien sûr il s'agit là d'une entreprise titanesque qui va certainement au-delà de quelques générations mais agir comme le colibri

(l'histoire dit qu'il essayait d'éteindre l'incendie en transportant de l'eau dans son petit bec... il n'a que cette contribution à proposer mais il le fait, sans se demander si les résultats vont être à la hauteur ; il fait à sa mesure)

est peut-être davantage porteur - à plus ou moins long terme - que de se sentir impuissant et de déprimer ou alors de déverser sa haine sur son entourage, sur un "groupe", une catégorie de personnes, un mode de vie qu'on ignore...  de se calfeutrer chez soi, de se méfier de tout et de tout le monde.

En effet, que reste t'il de la vie quand la peur  nous guide ?

Que proposons-nous au nos enfants ? nos petits-enfants ? et les autres enfants, loin des yeux peut-être mais pas loin du coeur si on s'écoute vraiment.




vendredi 20 novembre 2015

Répondre à la haine aveugle par l'amour aveugle. MERCI ANTOINE

http://rue89.nouvelobs.com/zapnet/2015/11/18/repond-a-haine-aveugle-lamour-aveugle-262164

Depuis lundi, un post Facebook d’un jeune homme, Antoine Leiris, dont la femme a été tuée au Bataclan, a été massivement partagé. Ce texte est un monument de retenue et de dignité. Son titre résume son propos : « Vous n’aurez pas ma haine ». Il commence ainsi :
« Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur. Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. »
Fait rare, ce post a été repris en une de l’édition papier du journal Le Monde datée de ce mercredi.
Parce que, comme le souligne Antoine de Caunes sur Twitter, « cet homme [et ce qu’il dit] est aussi beau à l’oral qu’à l’écrit », nous vous invitons à regarder cet extrait de l’émission « C à vous » diffusée mardi soir sur France 5. Antoine Leiris revient notamment sur les réactions suscitées par son texte :
« Une personne m’a dit : “Je vous envoie mon amour aveugle”... Je trouve ça génial. On répond à la haine aveugle par l’amour aveugle. »

Mabrouk, Mathias et Marie

Difficile de lire cet article mais il rend compte d'une réalité.


http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/20/tunisie-petit-berger-assassine-peuple-abandonne-262206


C’est la fin de l’après-midi, dans les chemins escarpés et broussailleux du Jebel Mghila, au dessus du petit village parsemé de Celta.
La nuit commence à tomber sur les pas de Mabrouk et de son petit cousin, Hamed. Les deux garçons guident les brebis vers la maison où les attend leur famille en ce vendredi, jour de la Yawm-ul-Jumu’ah dans le calendrier musulman.
Les troupeaux de la plaine de Jelma
Les troupeaux de la plaine de Jelma - Laura Maï-Gaveriaux
Making of
Sur Rue89, l'histoire de ce jeune berger tunisien décapité a été racontée, en début de semaine. Cette semaine, Laura-Maï Gaveriaux, philosophe et « plume internationale indépendante », s'est rendue sur les lieux. Elle raconte ce qu'elle y a vusur le site Intégrales productions. Nous reproduisons son récit avec l'accord de l'auteur.
Dans cette région agreste, cerclée de montagnes, tous les enfants sont aussi bergers à leurs heures. Les quelques bêtes de la famille sont la principale source de nourriture, dans un endroit où l’eau courante n’arrive pas jusque dans les foyers. En novembre, à cette heure, il fait déjà froid.
Zaâra, la maman de Mabrouk, ne voulait pas qu’il mène les moutons aussi haut dans la montagne à cause des terroristes, dont on dit qu’ils s’y cachent depuis quelques temps. Celui-ci ne l’a pas écoutée. Avec son cousin, ils pressent le pas, pour rentrer sans tarder.
Quelques heures plus tard, Hamed apparaîtra par le chemin escarpé qui sort de la montagne, alors que la nuit est déjà noire, transportant un sac en plastique dans sa main. A l’intérieur, la tête de Mabrouk. Il avait 16 ans. Hamed en a quatorze.

Le deuil et la colère

Tandis que la France découvrait l’ampleur de l’attaque terroriste dont elle fut l’objet dans la soirée du vendredi 13 novembre, la Tunisie apprenait la mort sordide du jeune berger Mabrouk Soltani.
La délégation de Jelma se trouve dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, d’où est partie la révolution de 2011 en Tunisie, après qu’un étudiant chômeur se soit immolé par le feu en décembre 2010.
Dans cette région enclavée, cernée de montagnes, le quotidien des habitants est défini par la pauvreté, l’absence d’Etat, la violence et donc, le terrorisme.
Au lendemain du meurtre de Mabrouk, le superbe panorama naturel de Celta, était parsemé de véhicules militaires kakis, des uniformes sombres de la garde nationale, et de grosse voitures noires rangées en grappe. Elles transportaient les journalistes des médias tunisiens et les officiels, venus marquer «  la présence du gouvernement ».
Mais en milieu de journée, les officiels repartaient, après s’être fait «  dégager » par une population exaspérée, tandis que les journalistes se heurtaient désormais au refus de la famille de parler.
Ils avaient filmé la tête de Mabrouk conservée dans un des frigos du hameau, et l’image était passée au journal de 13 h, scandalisant la famille. En début d’après-midi, il régnait là-bas une atmosphère mêlée de deuil et de colère.
La mère de Mabrouk
La mère de Mabrouk - Laura Maï-Gaveriaux

Il a filmé le corps sur son téléphone

En haut du talus se niche la maison où vivait le jeune Mabrouk avec sa mère et quelques membres de sa famille. C’est Mansour, l’un des cousins de Mabrouk, qui nous y conduit.
Mansour est l’un de ceux qui étaient partis chercher le corps du berger, à 8 h, en haut de la montagne. Il a tout filmé sur son téléphone. Pour être bien sûr que personne n’oublierait que l’on a laissé la dépouille de son cousin toute la nuit sur place.
Au matin, aucun convoi de police ne s’était encore déplacé. L’abandon de l’Etat, jusque dans la mort des leurs, c’est ainsi que Mansour interprète ce qu’il a dû faire par lui même ce jour-là. Il n’est plus étonnant d’entendre les habitants de ces régions marginalisées vous dire qu’ils ne se sentent pas tunisiens.
Depuis plus de dix ans, tout ce que les jeunes expriment, quand on leur demande à quoi ils rêvent, c’est l’envie du départ. Quand les voies de l’immigration sont fermées, il restera toujours le djihad.

Éreintés par la misère

Dans la grande pièce de la maison, il n’y a rien que des tapis posés au sol et quelques tabourets sur le côté. Trois femmes sont assises par terres, sonnées, livides, leurs visages de labeur encadrés de leurs fichus colorés, des couleurs vives et des motifs floraux qui n’expriment en rien ce qui se joue ici.
La famille de Mabrouk
La famille de Mabrouk - Laura Maï-Gaveriaux
Zaraâ, la maman de Mabrouk, se tient courbée, dans son silence. Elle est aveugle. Sa grande fille et sa sœur se tiennent à ses côtés. Le père de Mabrouk s’est suicidé il y a déjà trois ans, éreinté par la misère. Depuis, Mabrouk avait quitté l’école pour s’occuper des bêtes et reprendre la tâche de nourrir la famille. De toutes façons, la première école est à 7 km, et l’on n’a pas d’argent pour acheter les livres.
On entend les clameurs de l’attroupement qui se constitue devant la maison avec l’arrivée des partisans d’Ennahdha, le parti islamiste défait aux dernières élections. Ils sont venus avec de la nourriture, ils sont nombreux, et ne sont pas les bienvenus pour les habitants de Celta.
Dans la maison, Zarâa commence à parler… d’abord quelques mots, cherchant sa voix, elle finit par se lancer dans le récit de la mort de son fils. Ça ne soigne rien, mais ça investit le silence.

Les terroristes, repliés dans les grottes

Dans les jours qui ont suivi, différentes actions militaires au mont Mghila ont permis d’isoler les terroristes et d’en abattre plusieurs.
L'armée au pied de Mghila
L’armée au pied de Mghila - Laura Maï-Gaveriaux
Parmi eux, la mort annoncée le 15 novembre de Mohamed Fathi Mideni El Hajji, un des membres fondateurs de la katiba Okba Ibn Nafaa, affiliée à Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Longtemps, c’était le principal groupe terroriste du maquis tunisien.
Mais Mohamed Fathi Mideni El Hajji est l’un de ceux qui aurait fait défection à AQMI pour se tourner vers l’Etat Islamique, ce qui paraît vraisemblable au vu du déroulement des évènements à Jelma. [...]
Pendant la «  décennie noire  » algérienne, on sait que l’ultra-violence était un outil pour les groupes terroristes désireux de faire valoir une allégeance officielle. Certaines actions pouvaient apparaître comme gratuites, sans connexion avec un plan politique réel, mais c’était un message par défaut, une façon de marquer sa présence.
Le meurtre de Mabrouk Soltani pourrait ressembler à une telle démonstration d’ultra-violence. Ne serait-ce que par le contexte, le mode opératoire, les mots lancés au petit cousin chargé de ramener la tête, de pure provocation, sans message politique réel.

La guerre est une multinationale

[...] A Paris, la nuit de novembre est tombée tôt dans le quartier populaire et vibrant du 11e arrondissement. Marie et Mathias se présentent à l’entrée du Bataclan. Ils ont pris des places pour le concert exceptionnel des Eagles of Death Metal, le groupe de rock californien fondé par le légendaire Josh Homme.
Originaires de la région de Metz, ils ont choisi de s’installer à Paris au mois de septembre, alors que l’un et l’autre entraient dans ce que le monde des adultes occupés nomme «  la vie active  ». Ils venaient de finir de brillantes études.
Si Paris et une ville aussi attirante, c’est pour la possibilité d’y voir des expos à chaque instant, pour ses bars à l’ambiance décalée de l’est de la ville, où l’on peut croiser des personnes de tous horizons. Et bien sûr, pour ses concerts sélectif. Ce n’est pas tous les jours que les Eagles of Death Metal passent en France, et la salle du Bataclan est parfaite pour ce genre de groupes au son très dense.
Mabrouk, Mathias et Marie, sont inextricablement liés dans les méandres d’une histoire immédiate dont on n’arrive pas encore à nommer les chapitres. C’est la multinationale de la guerre.

lundi 16 novembre 2015

Des Coeurs pour la Mosquée de BREST : pas d'amalgame



Brest. Encore des coeurs sur la mosquée !


image: http://www.letelegramme.fr/images/2015/11/15/brest-encore-des-coeurs-sur-la-mosquee_2617441.jpg
Brest.  Encore des coeurs sur la mosquée !
Ce dimanche matin, une guirlande de coeurs a été découverte sur le portail de la mosquée de la rue Victor-Pengam, à Brest. Cette délicate attention réchauffe les coeurs des fidèles, d'autant qu'elle s'était déjà produite après les attentats contre Charlie Hebdo en janvier dernier.
"J'arrivais pour préparer la première prière du matin. Il n'était pas encore 6h30. J'ai tout de suite remarqué la guirlande", témoigne Slimane Herrag, le président du Centre culturel musulman de Brest, qui a donc été le premier à découvrir ce beau message de tolérance. Comme en janvier dernier, sur les coeurs, on pouvait lire : "Partage ton coeur " et "pas d'amalgame ".
Une marque d'affection "qui va droit au coeur des fidèles ", rapporte Slimane Herrag. " C'est un geste très très fort de fraternité, et ça fait du bien. C'est la preuve qu'il y a encore des gens intelligents, pour qui le vivre-ensemble a du sens ", conclut le responsable du lieu de culte musulman.

© Le Télégrammehttp://www.letelegramme.fr/finistere/brest/brest-encore-des-coeurs-sur-la-mosquee-15-11-2015-10850834.php#8XIJdLZeFmaJ6pvd.99

dimanche 15 novembre 2015

DESSINER POUR S'EXPRIMER

http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/portfolio/2015/11/15/les-hommages-dessines-de-nos-lecteurs_4810388_4809495.html

A mes yeux, ils symbolisent la lumière dans la pénombre, l'éclaircie après l'orage et toujours la conséquence d'une volonté.




@Luzcargot





Il est arrivé avec son piano devant le Bataclan

il a joué "imagine".

Il est arrivé sur son vélo, tirant un piano à queue et s'est installé sans un mot à boulevard Richard-Lenoir, à seulement quelques dizaines de mètres du Bataclan, samedi après-midi. Là, rapidement entouré d'une petite foule de curieux et de journalistes, il s'est mis à jouer. Le titre choisi ? "Imagine" de John Lennon, un hymne au pacifisme. Vendredi soir, au moins 89 personnes ont trouvé la mort au Bataclan, une salle de spectacle parisienne


http://www.dna.fr/actualite/2015/11/15/il-amene-son-piano-et-joue-imagine-devant-le-bataclan

LA HAINE ET LA PEUR SONT DE MAUVAIS GUIDES

La haine est aveugle. La peur conduit à l'enfermement.

Il faut éviter de "récupérer" les évènements tragiques pour dire "tu as vu, c'est nous qui avons raison, qui sommes dans le juste".

Ne pas laisser déverser ce flot de haine qui, en temps "normal" est confiné en soi mais existe bel et bien.

Personne ne choisit de naître en France, à Lhassa ou en Syrie ou partout ailleurs.
La religion n'est pas "bonne ou mauvaise" : c'est ce qu'en font les hommes qui fait la différence.

Penser qu'on a plus raison en brandissant une idéologie, un dogme conduit à une séparation.

Laisser libre-court à la haine, à la peur conduit à la guerre.
Et la guerre tue des innocents, des familles. Elle détruit tout, aveuglément.
D'ailleurs tant qu'il y aura une industrie des armes c'est pour les utiliser, non ?

Alors comment se protéger ? travailler sur la violence en soi. quand on cherche bien, on trouve ; après il faut avoir l'envie et le courage de se regarder en face. Ce n'est pas toujours facile.

Chacun a son rôle à tenir dans la société : les politiciens, les gens de pouvoir n'ont pas le plus facile, j'en conviens. Par contre, pour prendre les "bonnes" décisions, une simple question : "à qui cela servira-t'il ? à me rendre utile et crédible et par là à attirer les votes ? à nourrir le serpent monétaire ? ou alors à remettre l'humain - j'entends par la aussi l'écosystème, son lieu de vie - au centre? TOUS les humains ?

L'équation posée par la migration n'est pas insoluble.
Faire au jour le jour ce qu'il faut en mettant l'humain au centre.

Donner à manger à ceux qui ont faim, Un toit à ceux qui ont froid. Soulager ceux qui sont malades. Rendre la dignité à ceux qui l'ont perdue. Nous pourrions nous aussi un jour devoir frapper à une porte pour trouver refuge.

Sans aucune étiquette religieuse (cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas en avoir, mais la différence se fait par la question "qu'est-ce que j'en fais au quotidien ?")
l'étiquette n'est ni une assurance de bonne conduite, ni un stigmate.

A quoi ça sert de se protéger si par après nous voyons nos enfants partir en guerre, s'il n'est plus possible de marcher dans la ville sans avoir peur ?

Faire au jour le jour, à sa mesure, dans son domaine, ce que nous pouvons, sans spéculer sur l'avenir qui risque de ne plus exister.


samedi 14 novembre 2015

Une "pub" pour le voyage

lu sur un site de vente :

"je me sens comme à la maison"

je ne peux m'empêcher de répondre :

"mais alors.... pourquoi partir ?"



lundi 9 novembre 2015

Jolie histoire

Lu dans les DNA (Dernières Nouvelles d'Alsace°

Elle sauve une vie, un pâtissier lui offre un CDI

Une mère de famille n’avait pas hésité à intervenir, avec son fils, au milieu d’une bagarre à Béthune (Pas-de-Calais). Un pâtissier l’a appelée pour la féliciter de son geste… et lui offrir un travail.

La bagarre avait éclaté dans le centre de Béthune, vendredi soir. Photo DR/Matthieu Debailleul
La bagarre avait éclaté dans le centre de Béthune, vendredi soir. Photo DR/Matthieu Debailleul
Une habitante de Béthune (Pas-de-Calais) s’était interposée avec son fils, vendredi soir, entre un agresseur au couteau et sa victime.
Regrettant l’absence de réaction des passants, la mère de famille avait néanmoins fait fuir l'agresseur.

Son courage récompensé

Dimanche, cette femme a reçu un coup de fil prometteur. Celui de Jean-Claude Jeanson, un pâtissier de Lens, une ville non loin de Béthune. Après avoir lu l'article dans le journal local, il voulait simplement la remercier et… de fil en aiguille, il lui a proposé un travail. Allocataire du RSA, elle a immédiatement accepté.
« Je lui ai demandé ce qu’elle faisait dans la vie. Elle m’a répondu qu’elle élevait seule deux enfants, qu’elle n’avait pas d’emploi », a témoigné le commerçant dans la Voix du Nord.
Elle débute dans 10 jours