dimanche 13 décembre 2015

UTOPIE ? Un monument qui ne recense pas les morts mais qui parle de générosité, d'espoir, de paix... de fraternité


LE MONDE 13-12-2015

je crois qu’il faut se l’avouer, nous ne sommes pas à la mode, nous ne sommes pas dans l’air du temps. Nous, c’est ce petit groupe de gens réunis qui ont été embarqués par le réalisateur Christian Carion (il est difficile de résister à sa fougue chaleureuse), soutenu par le producteur Christophe Rossignon, pour exaucer un rêve.
Un rêve ancien. Celui du caporal Louis Barthas. Il faisait partie des soldats qui avaient fraternisé avec les Allemands, à Neuville-Saint-Vaast, près d’Arras (Pas-de-Calais) au cours de la première guerre mondiale. Ces soldats qui, dans les deux camps, avaient stoppé la guerre pour imposer un moment de camaraderie, de fraternité. Et Barthas s’était dit que ce serait beau qu’on édifie un monument, rappelant ce moment d’audace, un monument qui ne recense pas les morts mais au contraire nous parle de paix, d’espoir, de générosité.
Le 17 décembre prochain, à 10 h 30, sera inauguré le monument dont rêvait le caporal Louis Barthas, à l’endroit même où il l’a imaginé. Sous le haut patronage du chef de l’Etat, dont, au moment où j’écris ces lignes, on ne sait pas encore s’il viendra, se réuniront des personnalités du monde politique, culturel et aussi des contributeurs de la société civile qui ont souhaité participer financièrement à l’édification de ce monument à la paix.
« Oui, nous communions dans le chagrin, le deuil des victimes. Mais cela ne nous empêche nullement de rêver à autre chose, même si cela paraît utopique »
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/13/celebrons-ces-soldats-de-1914-qui-ont-ose-fraterniser-avec-l-ennemi_4830736_3232.html#TiY1KQ5fsMS0trbt.99



extrait "CARNET DE GUERRE" Louis BARTHAS

« Ah si nous n’étions pas tous des lâches…..ceux qui la veulent la guerre viendraient ici à notre place. Nous verrions alors ! C’est trop tard, dis-je à mon tour, c’est avant qu’il fallait voir clair…. » « Souvent, je pense à mes nombreux camarades tombés à mes côtés. J’ai entendu leurs imprécations contre la guerre et ses auteurs, la révolte de tout leur être contre leur funeste sort, contre leur assassinat. Et moi, survivant, je crois être inspiré par leur volonté, en luttant sans trêve ni merci, jusqu’à mon dernier souffle, pour l’idée de paix et de fraternité humaine. »


http://fr.ulule.com/noel14/
extraits
Description du projet
" Dans le petit coin de l'Artois où je suis né, le souvenir du premier conflit mondial est partout.
Après s'être retirée, la guerre a laissé au milieu des champs des cimetières au gazon impeccable. Les cultures ont appris à épouser les contours de ces espaces où reposent des gamins de 20 ans venus d'Australie , de Nouvelle-Zélande , du Canada , de Grande-Bretagne et d'ailleurs.
Chaque automne, mon père et moi ramassions des obus ramenés à la surface par les labours. Nous les portions dans nos bras pour les déposer à l'entrée de nos champs. Ensuite, une 4 L de la préfecture venait les charger comme des pommes de terre pour les emporter mystérieusement. Des chercheurs ont estimé que pendant sept siècles encore, la terre racontera, à sa manière, la guerre de 1914-1918.
Les 11 novembre, j'allais chanter La Marseillaise avec mes camarades de classe sous le regard glaçant d'un poilu en pierre, juché sur une colonne dont nous devions lire , à haute voix, chaque nom et chaque prénom.
Nous habitions dans des maisons dont aucune ne datait d'avant les années 1920.
Parfois l'une d'elles s'affaissait car construite sur une ancienne sape souterraine creusée par les soldats. Ces sinistres étaient considérés comme un dommage de guerre et l'Etat indemnisait la famille …1914-1918 n'était pas seulement une date inscrite sur les pages de mon cahier d'écolier. C'était le décor de mon enfance.
Plus tard, j'ai lu des témoignages de soldats, des livres d'histoire sur cette guerre qui a changé le monde.

En 1992, j'ai découvert les fraternisations de Noël 1914, dans le livre d'Yves Buffetaut, Batailles de Flandres et d'Artois (Tallandier, 1992). J'apprends que des soldats français ont applaudi un ténor bavarois le soir de Noël, que d'autres ont joué au football avec les Allemands le lendemain, qu'il y a eu des enterrements en commun dans le no man's land, des messes en latin.

Diane Kruger et Gary Lewis dans "Joyeux Noël"
Rentré chez moi, j'ai compris plusieurs choses. Les fraternisations de Noël 1914 impliquèrent un nombre considérable de soldats, en plusieurs endroits du front, toutes nationalités confondues.
Les états-majors ont été pris de court par ces « débordements ».
Ils se sont employés à remettre de l'ordre en déplaçant les unités «contaminées», selon l'expression d'un officier supérieur de l'époque.
Des Ecossais, engagés volontaires, furent renvoyés chez eux après deux semaines passées à prendre le thé avec les Allemands, à jouer au foot ou à organiser des visites de tranchées de part et d'autre pour comparer et améliorer les conditions de « travail ».
Personne ne fut passé par les armes pour fraternisation, car trop de gens étaient mêlés à l'affaire. Le « fusillé pour l'exemple » n'avait pas encore été inventé.
Il fallut tout de même casser les fraternisations et, côté français, leur mémoire surtout. N'avait-on pas éduqué tout un peuple pour qu'il puisse, le moment venu, offrir sa jeunesse au champ d'honneur ?
Et, l'espace d'un soir, tout ce travail a été réduit à néant à cause d'un chant venu d'en face, du son d'un harmonica ou d'une cornemuse, d'une bougie qu'on a allumée là-bas pour guider ceux qui s'avançaient, sans armes, sur le no man's land.
Partis le 3 août, ces hommes avaient tout oublié à la Noël ? C'était à n'y rien comprendre .
En Grande-Bretagne et en Allemagne, les journaux ont relaté les phénomènes des fraternisations. Sur les rives de la Tamise, des photos furent publiées par la presse.
En France, pas une ligne sur le sujet. Les journaux avaient été transformés en outils de propagande au service de l'armée et du pouvoir.
Les fraternisations ne pouvaient trouver un quelconque écho.
Mais pourquoi personne n'avait-il parlé de ces fraternisations, une fois le conflit terminé ? Aucun ouvrage sur le sujet, aucune recherche… Je ressentais ce silence comme une deuxième punition à l'égard des hommes de Noël 1914.
Ce sentiment d'injustice a fait naître en moi le désir profond de réaliser le film Joyeux Noël.

J'ai alors retrouvé les mêmes postures qu'à l'époque, toutes proportions gardées. Une minorité au sein de l'armée française m'a empêché d'avoir accès à un terrain militaire pour reconstituer le champ de bataille.

La Grande Muette ne pouvait être « partenaire d'un film sur des rebelles », m'a-t-on expliqué.
Rebelles…
Le même mot se retrouve dans les comptes rendus de 1914.
La mort dans l'âme, nous nous sommes exilés en Roumanie et le film s'est fait, malgré tout, avec l'énergie de tous, acteurs et techniciens.
A la sortie du film, j'ai été pris à partie par quelques historiens qui se sont sentis visés lorsque je disais ne pas comprendre l'absence de recherches sur le sujet.
On m'a reproché d'en faire trop à propos d'une anecdote. Il n'y aurait eu que deux soldats qui se seraient serré la main, mon film portait sur ces deux-là…
Quelques mois après la sortie du film, on m'a demandé de réaliser un documentaire, afin d'authentifier les faits de fraternisation présentés dans le film.
J'ai voulu retourner aux archives militaires pour filmer les preuves. A Vincennes, je fus accueilli par un jeune civil qui avait préparé tous les dossiers que j'avais consultés, avec quelques difficultés, treize ans auparavant. Il me demanda si je voulais voir d'autres choses.
Et il me montra les archives du 2e bureau, les services secrets français.
Je fus abasourdi en découvrant que l'état-major avait dépêché sur les lieux des fraternisations des officiers des services secrets, pour savoir et comprendre.




Barthas, Louis (1879-1952)


 http://www.crid1418.org/temoins/2008/02/09/barthas-louis-1879-1952/
barthas.jpg
1. Le témoin
Né à Homps (Aude) le 14 juillet 1879, fils de Jean Barthas, tonnelier, et de Louise Escande, couturière. La famille s’installe ensuite à Peyriac-Minervois dans le même département. Louis Barthas est allé seulement à l’école primaire, mais il a été reçu 1er du canton au Certificat d’études. Grand lecteur : dans son témoignage de guerre figurent de nombreuses citations tenant à l’histoire (Valmy, Crécy, Attila, Turenne, Louis XIV, Louis XVI, Napoléon, chevalier d’Assas, César, les Francs et les Wisigoths), à la littérature (Victor Hugo, Anatole France, Goethe, Mme de Sévigné, Courteline, André Theuriet, Dante, Homère), à la mythologie (Bacchus, Damoclès, les Danaïdes, Tantale, Mars, Vulcain, Borée).
Marié. Deux garçons, 8 et 6 ans en 1914. Tonnelier et propriétaire de quelques arpents de vigne.
Il se dit lui-même chrétien, il est de culture catholique (Jésus, le Calvaire, Sodome et Gomorrhe). Anticlérical sans excès (allusion aux rigueurs de l’Inquisition, au supplice du chevalier de la Barre).
Adhère au parti socialiste (très nombreuses allusions anticapitalistes). Antimilitariste.

Sa situation ne change pas après la guerre. Il meurt à Peyriac-Minervois le 4 mai 1952.

POUR ALLER PLUS LOIN :
http://audealaculture.fr/sites/default/files/Archives/carnet_14-18_interieur.pdf

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