samedi 4 octobre 2014

Aller à la rencontre de l'autre, créer des liens

Sylvie et Jean-Louis, des amis de MUTZIG
leur blog : http://www.tour-europe-velo.eu/larticle-dantonio/
Un tour d’Europe en bicyclette pour ouvrir des portes et des possibles:

Ils sont arrivés samedi à Korinos, petit village de bord de la mer, en Grèce, à 440 kms au nord d’Athènes, proche de Katarini et du Mont Olympe. Ce dimanche soir, ils devront se reposer à Stomio, 80 kilomètres au sud, en suivant toujours la côte. La fin de ce tour de vélo en Europe (http://www.tour-europe-velo.eu/), que Sylvie et Jean-Louis Frison ont commencé le 30 Mars, est prévu dans un mois et demi: le 29 Octobre ils devront arriver à Cannes; le 30, le voyage en train jusqu’à Strasbourg et d’ici, le lendemain, ils partiront a Mutzig, 25 kilomètres à l’ouest de Strasbourg, pour la dernière étape, de nouveau en vélo.
«Nous avons le sentiment d’ouvrir des portes et des possibles», ils disent à RELIGIONLINE, après avoir parcouru 13.800 des 17 mille kms prévus et traversé 20 pays – y compris le Portugal, en Avril (http://www.tour-europe-velo.eu/portugal-tu-nous-etonnes-et-nous-surprend/). Ici, ils sont entré à travers Almeida (http://www.tour-europe-velo.eu/ola-a-almeida/), et ensuite sont passés par Fundão, Coimbra, Tomar, Lisbonne, Fatima, Batalha, Aveiro, Porto et Braga. Le 25 Avril, à Lisbonne, 2000 kms parcourus, ils ont vu, sans compter, 30.000 œillets lancés sur la Praça do Comércio par un hélicoptère (http://www.tour-europe-velo.eu/les-oeillets-rouges-de-lisboa/).
Actuellement, ils ont déjà visité dix capitales européennes et utilisé dix monnaies différentes de l’euro (il y a d’autres curiosités qui peuvent être vérifiés ici – http://www.tour-europe-velo.eu/diverses infos de notre voyage/).
L’une des questions qu’ils se posent est celle de la méconnaissance que nous, Européens, avons les uns des autres. Ce tour, ils disent, a aidé à se rendre compte qu’on ne connaît pas ses voisins:
«Nous avons tous un certain nombre de clichés, préjugés, fausses idées. Et la rencontre et l’échange permettent de réajuster ces a priori.» En Août, rappelant le 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale, ils ont écrit sur leur blog que «ce que nous vivons actuellement témoigne de l’importance à développer les points de rencontre et d’expression, en respectant les spécificités de chaque pays et de chaque personne». Il faut «oser aller à la rencontre de l’autre, en toute simplicité», ils ajoutaient. (http://www.tour-europe-velo.eu/faites-que-jamais-ne-revienne-le-temps-du-sang-et-de-la-haine-barbara-gottingen/)
Au moment où l’ on définit la nouvelle Commission européenne et que l’Union reste étouffée dans une profonde crise économique, financière et politique, ils ajoutent que la redistribution des richesses ne doit pas passer juste «par le mérite et le travail, mais peut prendre sa source dans l’investissement du lien social.»
Agée de 53 ans, Sylvie est assistante sociale dans une institution gérée par l’Association des Paralysés de France, qui accueille des personnes avec des difficultés physiques ou sensorielles. Jean-Louis, 51 ans, est le directeur d’un établissement médico-social où sont accueillis 80 enfants avec des déficits cognitifs, géré par l’Arsea (Association Régionale Spécialisée d’action sociale, d’éducation et d’animation).
Au départ, l’itinéraire prévoyait un passage à travers l’Ukraine (http://www.tour-europe-velo.eu/parcours-tour-europe-velo-prevu/). Mais les vents de la guerre qui soufflent sur le pays ont amené à modifier l’itinéraire au cours des dernières semaines, descendant de la Pologne à travers la Hongrie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie, avant d’entrer en Grèce.
«Le passage en Ukraine nous a été découragée et nous ne voulions pas mélanger notre tour avec cette situation politique compliquée qui s’aggrave pendant des mois», ils justifient. «Ce conflit remet en question la stabilité européenne installée après des années de diplomatie.» De ce qu’ils entendent des gens, ils sentent «l’agitation et la peur du Président de la Russie et un sentiment de tristesse avec l’idée que les populations ukrainiennes (et donc européennes) sont prises en otage par une minorité violente». Cette procédure «est contraire à notre démocratie», disent-ils.
L’interview, menée par email, après une autre étape de ce tour original, est publiée ensuite dans son intégralité:

P. – Avec les 13 000 kms déjà parcourus, qu’est-ce que vous a plus touché au niveau de la connaissance des différents peuples et des cultures?
R. – L’intérêt des personnes que nous rencontrons ; les personnes nous interpellent dans la rue : «Que faites-vous ? Où allez-vous ? D’où venez-vous ? » Les personnes remarquent la présence de notre drapeau européen, puis le drapeau brodé puis la plaque              « Europe» à l’arrière du vélo.
A notre niveau, ce tour a pour ambition de faire rêver et de créer des liens; nous avons le sentiment d’ouvrir des portes et des possibles. Les personnes semblent se projeter dans notre histoire. Nous ne sommes ni des grands sportifs, ni des aventuriers mais tout simplement un couple ordinaire d’une cinquantaine d’années. En somme, chaque personne pourrait imaginer réaliser ce tour d’Europe, ce n’est ni un exploit ni une performance mais un désir, un rêve que nous réalisons.

P. – Il y a une Europe des peuples, au- delà de l’Europe politique?
R. – L’Europe est une entité concrète, de peuples, d’histoires, de cultures, de façons de vivre, de langues… nous découvrons ces réalités et nous les partageons avec les personnes qu’on rencontre. Notre blog (http://www.tour-europe-velo.eu/) est un moyen d’échanges et de communication de notre expérience

P. – Dans l’actuel contexte de renaissance des nationalismes et de la xénophobie, la connaissance mutuelle entre les peuples et les cultures c’est le plus important pour contrarier cette tendance?
R. – Sur le plan européen et national, nous sommes en train de constater un repli des personnes sur elles-mêmes (voir les résultats des diverses élections et la montée des nationalismes). Ce qu’on vit pendant ce tour fait apparaître que les personnes rencontrées sont très réceptives à notre projet, ouvertes – ce qui ne va pas du tout dans le sens du vote, parce que les personnes ont-elles peur de perdre leur confort. Pouvons-nous maintenir notre niveau de vie ou n’y a-t-il pas un choix à faire par une meilleure redistribution des richesses ? Cette redistribution ne passe pas uniquement par le mérite et le travail mais peut prendre sa source dans l’investissement du lien social.

P. – On peut dire qu’il y a une dimension culturelle et spirituelle qui rallie les peuples? On peut arriver à cette compréhension à vélo?
R. – Le vélo est un moyen de déplacement économique et accessible au plus grand nombre; à vélo, nous restons accessibles aux autres et allons à leur rencontre. Cette démarche de proximité est souvent saluée et soutenue, par des formules d’hébergement comme le camping, les Warmshowers (réseau international d’échanges entre cyclotouristes ; système basé sur la gratuité), des programmes comme Erasmus (d’accueil d’étudiants étrangers) ou la route de St Jacques de Compostelle et les rencontres internationales qu’elle permet. – Il y a d’autres cyclos qu’on rencontre qui parcourent aussi l’Europe. Nous constatons également que les gares sont noires de monde et les autoroutes saturées. Les européens ont un grand besoin de se déplacer.
L’Europe des peuples se construit au travers des nombreuses relations qui se développent entre des groupes de personnes comme les étudiants (Erasmus,) les échanges économiques et le développement des médias. Tous ces aspects positifs connaissent également leur revers puisque toute cette ouverture des personnes peut favoriser le repli des personnes sur elles-mêmes. La télé et l’accès à internet permettent de faire l’Europe à partir de son salon.
Tous ces exemples montrent qu’une Europe des relations est en train de se créer, que certaines personnes ont un désir de se rencontrer.

P. – Quelles conclusions vous avez à partir de ces constatations ?
R. – Au fil de notre parcours, nous nous apercevons que nous ne connaissons pas nos voisins. Nous avons tous un certain nombre de clichés, préjugés, fausses idées. Et la rencontre et l’échange permettent de réajuster ces a- priori.
A notre modeste niveau, nous avons le sentiment de contribuer à une meilleure connaissance des peuples et de transmettre aux personnes rencontrées le même envie de découvrir leurs voisins européens.

P. – Même sans parler quelques langues ?
R. – Malgré ça, nous arrivons à échanger: les gens ont envie de nous faire connaître ce qu’ils vivent, leurs richesses historiques, la beauté de leur région… Beaucoup sont fiers de l’endroit où ils vivent et qu’ils souhaitent valoriser.
Aujourd’hui, nous ne ressentons pas d’animosité entre les nations. Par exemple, nous avons pu discuter avec des Sud- Coréens en vacances en Europe pour parcourir le chemin de St Jacques de Compostelle. Nous leur avons demandé ce qui les étonnait le plus en Europe. Ils sont impressionnés par notre degré de liberté, alors que chez eux, ils ont un sentiment de grande dépendance au travail et de vivre un stress permanent, tant par ce lien au travail et par une excessive densité de la population en particulier dans les grandes villes.
Le vélo rend possible la rencontre en mettant les gens à proximité: nous sollicitons et, donc, nous sommes en interaction. Mais comment créer des projets entre pays, entre personnes de plusieurs pays ?

P. – Est-ce que l’Europe des peuples existe au-delà de l’Europe économique ? Comment la faire vivre ?
R. – Actuellement, nous découvrons l’histoire des autres pays et leur situation géo politique. À travers cette histoire et la connaissance du passé, nous nous rendons compte que de nombreux échanges ont eu lieu à la fin du Moyen Âge lors de la construction des cathédrales. Quelques 270 cathédrales ont été construites entre le 13.ème et 15.ème siècles en Europe ce qui a induit des déplacements importants, d’échanges de techniques et de créations. La Renaissance impulsée par l’Italie a apporté une nouvelle impulsion et dynamique. Nous constatons bien qu’une partie de la population est ouverte à l’échange et au déplacement alors que d’autres sont dans le repli et la peur et surtout sans projet.
Ce tour d’Europe nous conforte pace qu’il est devenu un projet fort pour chacun de nous deux, pour notre couple, pour la connaissance des autres, de l’histoire et de la géographie, des coutumes et du quotidien des personnes rencontrées. Ce projet fait défaut à de nombreuses personnes qui vivent ce repli et qui déclenche leur peur.

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