mercredi 4 novembre 2015

Aimons-nous vraiment ?


7 avril 2015
http://quetzal.over-blog.net/2015/04/aimons-nous-vraiment.html
Aimons nous vraiment ?
Pour poursuivre l'approfondissement sur la question de l'amour, voici des extraits sur cette question abordée par Arnaud Desjardins avec son recul envers la position des Sages (bouddhiste, HIndouiste, Soufi, trappiste).
La question de l'amour est un nid de confusion qui, dans un monde qui perd ses valeurs de profondeur, donne lieu à beaucoup de souffrances car les incompréhensions et donc les illusions nous bercent dans un état qui perd ses racines. Aimer c'est accepter l'autre, pas le subir, mais travaillé à un relationnel bienveillant même quand l'orage ou la grêle nous éblouissent. Aujourd'hui la conscience de la profondeur s'efface pour laisser une place aux logiques superficielles qui sont dictés par un mental qui divise et prend tous le pouvoir pensant qu'il est l'unique analyseur de la réalité. L'intelligence du coeur ne sépare jamais. L'égo sépare et cherche sans cesse des justifications pour donner de la validité à ses choix arbitraires. Les extraits qui suivent ne peuvent se soustraire à une démarche active pour conscientiser nos attitudes afin d'y apporter du changement. Aimer n'est pas facile contrairement à ce que l'opinion globale semble croire.
Christelle Giacomoni
"Mais quel contenu donnons-nous au mot amour ?
Dans la langue française, ce terme recouvre des réalités bien différentes, depuis
«aimer Dieu et son prochain» jusqu’à «aimer le chocolat au lait et aux noisettes». On peut tuer par amour : c’est le crime passionnel. Il y a ce que chacun aime ; il y a ce que chacun n’aime pas. Et très souvent, lors d’une déclaration d’amour d’un homme à une femme, «Je t’aime» veut dire, en vérité : «C’est par toi, plutôt que par une autre, que je veux être aimé.» C’est un amour qui paraît être offert mais, si nous sommes lucides et sincères, nous verrons que c’est un amour qui est beaucoup plus demandé qu’offert.
Il faut que vous observiez et compreniez comment vous fonctionnez à ce niveau. «J’aime ce que j’aime, et j’en attends quelque chose.» Et inversement : «Je n’aime pas ce que je n’aime pas.» Peu à peu va se produire une transformation.
Ouvrez-vous à l’idée d’un amour devenu un état d’être permanent. Une sentence
bien connue nous dit : «Le sage aime comme le feu chauffe et éclaire.» Le feu n’éclaire pas spécialement quelqu’un ou quelque chose, pas plus qu’il ne chauffe
spécialement quelqu’un ou quelque chose ; c’est sa nature de réchauffer et
d’éclairer. (...) Il s’agit donc d’un amour inconditionnel qui ne s’adresse pas spécialement à quelqu’un et que, pourtant, chacun ressent personnellement. Cet amour peut être de plus en plus stable, sans oscillation, sans contraire. Or, regardez à quel point nous pouvons détester quelqu’un que nous avons aimé parce que cette personne a été cause de souffrance pour nous.Un dénominateur commun de tous les enseignements spirituels est qu’ils nous demandent de renoncer au droit que nous nous sommes octroyé de ne pas aimer ce que nous n’aimons pas. Si vous voulez l’éveil, si vous voulez la sagesse, si vous voulez la béatitude, il faut renoncer à ne pas aimer ce que vous n’aimez pas et demeurer établis dans l’amour, indépendamment des personnes et des circonstances que vous rencontrez jour après jour. Si le pire criminel s’approche du feu, cela ne change rien au feu. Si quelqu’un injurie le feu, lui dit les paroles les plus insultantes qu’on puisse imaginer, le feu continue à chauffer et à éclairer. Autrement dit, l’état d’amour implique l’amour des ennemis, l’amour de tout ce et de tous ceux que nous n’aimons pas, non parce que nous allons spécialement aimer quelqu’un qui ne nous paraît pas du tout aimable et que nous avons tendance à critiquer, mais parce que nous sommes établis dans l’amour. « Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui», dit l’Épître de Jean dans le Nouveau Testament. Le Dalaï-Lama demeure donc en Dieu, même sans croire en Lui.
Aimer ne veut pas dire approuver : «Comment ? Vous n’allez pas me demander
d’aimer les nazis qui ont persécuté les juifs !? » Mais si. La réponse de tous les sages depuis toujours est nette et claire : l’amour des ennemis. Histoire superbe et véridique, un rinpoché tibétain, qui avait été déporté en Chine et torturé, a été libéré quand la politique est devenue un peu plus libérale. Le
Dalaï-Lama l’a accueilli et lui a demandé : «Est-ce que vous avez eu peur parfois ?» Il a répondu sans hésiter : «Ma plus grande peur, ça a été de ne plus aimer les Chinois.» Et, pour un authentique rinpoché tibétain, c’était plus cruel que d’être brutalisé. (...)
Pour l’instant, nous sommes loin d’être établis dans l’amour ; nous avons desréactions émotionnelles de rejet, de mépris, de rancœur même «Je lui en veux. Mais ce qui nous est proposé, dans notre propre intérêt pas seulement dans l’intérêt de ceux que nous allons aimer, c’est de nous stabiliser peu à peu dans la bienveillance inconditionnelle. Or toute notre expérience depuis l’enfance, c’est d’aimer ou de ne pas aimer quelqu’un ou quelque chose. Je le redis, l’amour véritable est un état d’être stable vers lequel la pratique nous conduit peu à peu. Ensuite, vient la mise en œuvre de cet amour. Vous allez consacrer plus de temps et d’énergie à vos propres enfants qu’aux enfants que vous ne connaissez pas et que vous ne rencontrerez jamais. Vous pouvez sentir un sentiment particulier pour une femme ou pour un homme, car il y a des nuances à l’intérieur de cet état d’amour.
Dans l’expérience ordinaire, quand nous prétendons aimer quelqu’un et que cette personne ne répond pas à notre attente – que ce soit l’homme dont vous êtes amoureuse ou que ce soient vos enfants – la réaction est : «Tu me fais souffrir, je t’en veux.» Les enfants sont cause de souffrance pour les parents, au moins à certains moments, et parfois de manière alarmante : un adolescent asocial et délinquant, c’est un calvaire pour son père et sa mère. Le mécanisme, tellement compréhensible, c’est : «Je t’en veux, donc je ne peux plus t’aimer.» C’est la même réaction chez un adulte que chez un enfant : « Vilain, tu me fais mal ! »Voyez cette mécanicité à l’œuvre en vous et décidez si vous voulez ou non la dépasser. Plus vous êtes établis dans l’amour, plus vous êtes heureux : l’un ne va pas sans l’autre. Tous les enseignements spirituels vous promettent un état heureux – tous, avec des mots différents suivant les langues –, un état heureux non dépendant des événements.
Vous ne pouvez pas aspirer à cet état sans comprendre clairement que toute émotion de non-amour vous en exile forcément. À l’inverse, nous avons l’expérience partielle que chaque fois que notre cœur est plein d’amour, fût-ce pour nos petits-enfants, nous sommes heureux. Chaque fois que nous sommes en état d’amour, nous sommes heureux.
Le fonctionnement mental habituel est de conclure : «Je suis empêché d’être heureux parce que cette personne est cause de souffrance pour moi.» Puis : « Je ne peux pas ressentir d’amour pour une personne qui est cause de souffrance pour moi.» Si vous voulez que le comportement de cette personne ne puisse plus compromettre votre état de béatitude, il faut, voyez-le sans réserves, que votre état d’amour pour elle ne soit pas affecté. Vous ne pouvez pas à la fois être établis dans cet état de béatitude auquel vous aspirez et en même temps conserver une émotion de non-amour pour qui que ce soit. C’est impossible. La voie remet en cause le fonctionnement habituel : « Ça j’aime, ça je n’aime pas. »
(...)
Notre société actuelle tourne radicalement le dos à cet idéal d’amour des ennemis. (...) C’est le non-amour qui règne dans l’humanité, et tout le monde en souffre, ceux qui condamnent et ceux qui sont condamnés. Mais ne vous demandez pas plus que vous ne pouvez aujourd’hui sinon vous allez échouer, vous vous en voudrez et votre manque d’amour va commencer par un manque d’amour pour vous-mêmes. Car intervient aussi le terrible non-amour pour soi-même : « Je viens d’être complètement ridicule » ou « je manque totalement de cœur » et, à ce moment-là, nous nous détestons momentanément. Car, en me conduisant ainsi, j’ai été moi-même l’ennemi de mon propre ego orgueilleux. C’est être en paix que d’être établis dans la compassion, y compris vis-à-vis de nous-mêmes, avec toutes nos faiblesses, nos infantilismes, nos pensées malsaines : nous voyons, nous reconnaissons, nous n’approuvons pas, mais nous demeurons stables dans l’amour, ce qui est exactement synonyme d’être établis dans la béatitude.
Regardez ce qui aujourd’hui, à longueur de journée, vous arrache à cet état, vous amène dans le jeu des dualités et des oppositions « (...) J’aime cette personne quand elle se conduit d’une certaine manière, je n’aime pas cette personne quand elle se conduit d’une autre manière. » Voyez vos empêchements à cette stabilité dans l’amour. Celle-ci est possible, mais elle nous demande de rééduquer certaines habitudes de réactions émotionnelles compulsives. (...) c’est à longueur de journée que nous avons l’occasion d’appliquer un enseignement comme celui-ci. Il y a autour de nous des gens qui nous en veulent, des gens qui nous nuisent : on peut se sentir persécuté par son beau-frère, son voisin ou même son conjoint. Revenez inlassablement à cette vérité de base : la division de l’existence en deux aspects, amical et inamical. Un sourire fait partie de l’aspect amical, c’est-à-dire rassurant, gratifiant. Mais, pour peu qu’un jour la pile soit usée et que le réveil ne sonne pas quand vous vouliez être réveillés, l’existence devient franchement inamicale : le réveil m’a trahi. Je devais me lever à sept heures pour prendre l’avion et je me réveille à huit heures et quart. Qu’est-ce que je vais devenir ? De chaque incident, demandez-vous : quel effet ça me fait ? Je le ressens comme plutôt amical ou plutôt inamical ? « Aimez vos ennemis » implique :changez complètement votre attitude par rapport à l’aspect inamical de l’existence. Toujours, même si ce n’est pas très grave.
Quelqu’un a dit ou a fait quelque chose qui vous contrarie, c’est l’aspect hostile de l’existence. Comme ces contrariétés sont banales et fréquentes, nous ne voyons pas le rapport entre cet aspect ingrat de nos journées et les grandes paroles de pardon et d’amour prônées par l’Évangile ou le Bouddha. Pourtant, elles concernent aussi ces cas si courants et, si vous ne parvenez pas à les appliquer dans des circonstances relativement anodines, comment pouvez-vous espérer les mettre en œuvre dans des circonstances vraiment graves où l’aspect cruel de l’existence, peut-être à travers un être humain, va vous faire très mal ? Soyez très attentifs à cette absence de neutralité et à cette qualification : bonne nouvelle, mauvaise nouvelle, comportement d’un autre qui me convient, comportement d’un autre, qui que ce soit, qui ne me convient pas.
Tout ce qui représente tant soit peu l’aspect inamical de l’existence, même sans que cela vous déchire ou vous bouleverse, c’est « l’ennemi ».
« L’ennemi», c’est tout ce que je n’aime pas sur le moment : j’aurais mieux aimé que ce soit autrement. Et c’est dans ces moments qu’il ne faut pas laisser échapper l’occasion de pratiquer.
Vous essayez d’avoir des pensées d’amour pour la situation ou la personne qui vous contrarie. Ce retournement, cette conversion est tout le temps à votre disposition. Vous en voulez à quelqu’un. Vous décidez et c’est déjà une attitude de disciple – « J’essaie de comprendre son comportement », mais vous ne pouvez pas comprendre son comportement sans cette attitude de retournement. Ceci, il faut que vous le vérifiiez par vous-mêmes, que vous soyez d’accord, que vous le tentiez. Sinon, au bout de vingt ans, vous serez déçus de n’avoir pas assez progressé. (...)
Quelqu’un a fait quelque chose qui vous contrarie, c’est tout. Mais le mental
commence à « penser » : « Pourquoi a-t-il fait ça, pourquoi a-t-il dit ça ? Ah
Je n’avais vraiment pas besoin de ça alors que tout est déjà si difficile. Ne viendra-t-il jamais un moment où il n’y aurait plus que des situations favorables, que des nouvelles réjouissantes ? » Ce moment ne viendra jamais. Ce qui viendra, c’est votre transformation. Alors souvenez-vous : simplement parce que j’en veux à cette personne, je suis dans l’erreur. En tant que disciple engagé sur la voie, je ne peux plus justifier d’en vouloir à quelqu’un, je sais maintenant que je me trompe. Cette personne m’est hostile ou, simplement, elle est mon « ennemie » parce que, sans m’en vouloir, elle a agi maladroitement : « Pourquoi a-t-elle donné ce coup de téléphone ? Maintenant, il faut que j’écrive pour dissiper le malentendu.» C’est là où il ne faut pas laisser échapper l’occasion d’effectuer le retournement de votre attitude à vous, de vous souvenir : « Aimez vos ennemis », aimez l’aspect inamical de l’existence.
« Aimez ce que vous n’aimez pas », comme le préconisait Gurdjieff.
Aimez la pluie le jour où vous vouliez qu’il fasse beau. C’est très simple, mais il faut s’en souvenir et accomplir ce geste intérieur qui va avoir une immense efficacité. Vous allez vous transformer et votre perception de l’existence va se transformer. Le mot « ennemi » disparaîtra de votre vocabulaire.
Trouvez vos exemples quotidiens concrets. (...) En vérité, nous avons à longueur de journées cette opportunité. Si vous êtes convaincus, vous le ferez. Et tout de suite, « l’autre » aura dans votre esprit priorité sur « moi ».
Quand quelqu’un fait quelque chose qui vous affecte, c’est vous qui êtes affectés.
En fin de compte, même si la personne s’est très mal conduite avec vous, c’est vous qui êtes perturbés. Est-ce que vous voulez rester contrariés, soucieux, en un mot malheureux ? Oui ou non ? Si vous ne voulez pas demeurer malheureux, alors décidez aussi que vous ne voulez plus donner à cette personne le pouvoir que son comportement a aujourd’hui sur vous. (...)
Les contrariétés, les ennuis, les déceptions sont notre pain quotidien nous sommes à la merci d’une personne qui nous a fait du tort, mais en fin de compte, c’est nous qui sommes affectés.
Il y a donc quelque chose de capital à comprendre : c’est ce retournement, cette conversion (en grec : metanoïa) de notre attitude au moment où une situation représente l’aspect défavorable de l’existence. S’il s’agit simplement de la pluie – j’en veux à la pluie le jour où avait été prévu un grand pique-nique au soleil –, ce n’est pas le même mécanisme qu’envers un être humain parce que, par rapport à l’être humain, il y a cet arrière-plan : il (ou elle) n’aurait pas dû, il aurait pu ne pas le faire. Essayer de comprendre le pourquoi du comportement des autres est déjà important, mais ce n’est pas toujours possible.
Par contre, si la vraie liberté n’est pas accessible maintenant, elle ne sera pas plus accessible demain. Si je décide que je ne peux pas retourner mon attitude maintenant, pourquoi serait-ce davantage possible d’opérer cette conversion dans un an ? C’est maintenant que tout se joue, dans votre propre intérêt, pour être libres du pouvoir que vous avez donné à l’autre de vous gâcher la vie, en tout cas de gâcher votre journée. Votre seule chance d’être libres, c’est cet amour de vos « ennemis ». « Mais quand est-ce que ça va s’arrêter ? » Ça s’arrêtera quand vous, vous changerez. Le monde suivra son cours mais il aura perdu son pouvoir de vous perturber.
Ces affirmations paraissent vraiment étonnantes « Mais je ne peux pas changer une émotion négative à l’égard de quelqu’un en amour pour cette personne. Si, en modifiant certains circuits intérieurs, inspirés par les paroles du Bouddha, de l’Évangile, de Swâmiji Prajnânpad. Et si une situation perd son pouvoir de vous contrarier, la voie est grande ouverte pour qu’un jour aucune situation ne puisse plus vous perturber intérieurement. (...) Si j’ai perdu ma paix, cela tient à moi. Qu’est-ce que je peux rectifier ? (...)
Mais celle-ci est tout le temps compromise par quelque chose qui vient la gâcher.(...)
En quelques semaines, vous découvrirez que vous avez le pouvoir de changer complètement votre vision des choses. La première pensée qui vous viendra à l’esprit sera : « Demeurer dans l’amour » et non plus « Quel con » ou même « Quel salaud ! ». Intellectuellement, vous découvrirez que c’est irréfutable, que c’est votre seule chance de vous libérer, de changer complètement votre vision des faits, de vous élever à un autre niveau d’être. Vous serez pleinement en communion, en « non-dualité », avec la personne qui autrefois aurait été cause, sinon de votre immense souffrance, du moins de votre contrariété. Une des clefs que nous a données Swâmiji était : quelle est sa souffrance à lui – pas la mienne, la sienne ? Car tout geste qui n’est pas inspiré par l’amour et la bonté est inspiré par la souffrance ou par la peur."
Extrait du chapitre - Demeurer dans l’amour- La Paix toujours présente.

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