jeudi 18 juin 2015

le vélo comme mécanique d'intégration

Une nouvelle qui nourrit au lieu d'abattre !

A Lyon, le vélo comme mécanique d'intégration

M le magazine du Monde | 
Apprendre à se déplacer à bicyclette pour mieux s’intégrer. C’est ce que propose cette  “vélo-école” lyonnaise qui accueille des jeunes femmes issues de l’immigration. L’occasion pour beaucoup d’entre elles de réaliser un rêve d’enfance et de gagner en indépendance.
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Jeff Pachoud/AFP
Jeff Pachoud/AFP JEFF PACHOUD/AFP
Le vélo ne s’oublie pas, dit l’adage. Encore faut-il avoir appris à en faire. A Lyon, l’association Pignon sur rue forme chaque année dans sa « vélo-école » près de 150 personnes, « des grandes débutantes à 95 % », détaille Marine Bigo. Il s’agit souvent de « femmes issues de l’immigration » qui ont rarement eu l’occasion, enfant, de se mettre en selle. « L’idée, explique la conseillère mobilité, c’est de les amener à circuler en ville », notamment pour se rendre au travail. En tout, près de vingt-cinq heures de leçons sont encadrées par des bénévoles d’un club cycliste local. Et la liste d’inscriptions ne désemplit pas.
Wassila, 52 ans, a attendu plusieurs saisons avant d’obtenir une place. Cela faisait un moment que son fils de 9 ans insistait pour qu’ils puissent partir se balader ensemble. A 19 ans, elle a quitté son « petit patelin de Tunisie » pour la France. « Quand j’étais jeune, se souvient-elle, le vélo était carrément interdit pour les filles. » Son père, qui veut s’affranchir de cette « mentalité de campagne », finit par lui acheter une bicyclette. Mais le veto maternel a vite raison de cette audace : « Il l’a revendu car ma mère avait peur... pour la virginité de sa fille ! Et aussi que je passe pour un garçon manqué, que plus personne ne veuille ma main. »

SORTIR,  LIRE UN PLAN, PARLER FRANÇAIS

Ce 4 juin, elles sont quatre à s’entraîner au côté de Wassila. Casque vissé sur son voile, Samia, la trentaine, a émigré d’Algérie il y a douze ans : « Maintenant, là-bas, il y a des clubs de vélo où les filles pratiquent entre elles. Mais elles ne sortent jamais dans la rue, c’est mal vu, anormal. » C’est la troisième séance du groupe, l’équilibre et la confiance s’installent petit à petit. Jocelyne, l’une des bénévoles, aide Bobette à s’élancer. Cette Congolaise de 32 ans a commencé le vélo sur le tard, puis elle a fait une chute et n’a pas osé s’y remettre depuis. Pour Ibrahim, Camerounaise de 28 ans, savoir pédaler, c’est « un rêve d’enfance ». Elle vient du nord du Cameroun, où cet apprentissage n’est pas relayé à l’école – c’est le cas en France, où il est utilisé comme outil dans l’enseignement du code de la route. Les élèves présentes aujourd’hui sont toutes soutenues par leurs conjoints. Mais il n’en est pas toujours ainsi : « L’année dernière, un mari est venu se planquer derrière les arbres, pour nous observer, raconte Jocelyne. On est allées lui parler, il n’est pas revenu. »
Financée par le Fonds social européen et la Ville de Villeurbanne, la vélo-école prévoit, en fin de session, l’utilisation d’une borne de vélo en libre-service. « L’accès au Vélo’v à Lyon est une vraie ligne de fracture, estime Sylvie Genin, directrice du centre social Cusset, à Villeurbanne, qui organise ces formations à l’usage du vélo. Notre public nous dit souvent qu’il s’en sent écarté. » Pour certaines apprenties, la vélo-école est l’occasion de parler français, de se servir d’un plan ou de préparer un itinéraire. De discuter environnement et gestion du budget familial. C’est d’abord, constate Marine Bigo, un moyen de « sortir du quartier à la force de ses jambes, toute seule »« D’être à égalité, enfin », dit Wassila.
Par Maïté Darnault

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