mardi 27 octobre 2009

matin gris-rose

Au hasard sur le site "le Monde à la Une" j'ai choisi un titre qui évoque l'humain, un ressenti, fatiguée de lire les résumé Clearstream et autres, l' histoire de fils de Sarko, les guerres, les rallyes de voitures, les bénéfices en baisse, les faits divers.... non pas que ces sujets ne me concernent pas, je vis dans ce monde et lui suis irrémédiablement lié comme tous, mais j'ai recherché une autre perspective, une vue paraissant plus anodine, intime, moins médiatisée.
J'ai trouvé une belle histoire.
Cette semaine, un clerc d'huissier m'a raconté l'histoire d'un village du nord de l'Alsace où les gens s'entraident, se prêtent des outils. Oui, ça existe, il faut en parler. Il n'y a pas que la morosité ambiante, économique, bien réelle malheureusement.
Ce matin, en courant le long des berges de l'Ill, j'ai vu un homme, jeune, muni d'une lampe de poche ; il fouillait dans les poubelles. J'ai senti l'indignité de cette société de plus en plus déshumanisée, je me sens concernée bien sûr. Que fais-je pour améliorer ce monde ? dans mon petit pré carré ? Il faut travailer sans relâche à cette prise de conscience.
Aprèslces ectures-réflexions, je m'imerge dans le quotidien de plus en plus lourd, le Tribunal ferme ses portes ; nous en sommes réduits à sauvegarder le strict minimum, un peu d'énergie pour continuer à travailler le mieux possible à servir les justiciables, qui auront davantage un numéro qu'un visage, une couleur de dossier qu'un regard expressif.
L'envie de "quitter la barque" effleure chacun de nous, à un moment ou à un autre, mais serait-ce la solution ? non car il ne resterait que les moutons, les anesthésiés de diverses façons et ceux qui trouvent encore intérêt à ce système qui exclut de plus en plus de monde ; ils sont donc obligés de se limiter à leur petite personne égocentrique pour sauvegarder leurs illusions et légitimiser leur attitude de déni, dénigrante parfois.
Mais la réalité nous rattrape à un moment ou un autre dans notre vie.
Notre SARKO terme générique) pourra-t'il indéfiniment fermer les yeux sur la violence des jeunes sans avenir, le desespoir des vieux avec qui on n'a plus le temps de parler, cette transmission de génération en génération qui ne se fait plus l'isolement du chômeur, la perte de la dignité humaine à trouver sa place dans une société dont la seule loi est la rentabilité, les écoles standartisées, les enseignants exténués, les hôpitaux "haute technologie" deshumanisés, les repas fast lyophilisés, exempts de germes et de toute vie, la pub qui présentent des produits inaccessibles à la plupart des ménages mais pourtant présentés comme indispensables, des prêts à la consommation liant les débiteurs à vie, la spéculation boursière qui permet parfois de gagner plus en un jour qu'en un an de labeur ?
Les maladies et autres "coups durs" dans la vie nous rappellent parfois dramatiquement à nous, qui ne sommes pourtant rien l'un sans l'autre.
En même temps, quand je lis "Silence", les livres de christiane SINGER, au hasard des conversations, quand je marche, quand nous chantons ensemble, des espaces d'espoir et de reliance se créent.
Le meilleur et le pire coexistent.
A nous de faire pencher la balance du bon côté. Par nos petits gestes, parfois anodins. Mieux que rien. Tout mais pas l'indifférence. Sans tomber dans la dépression qui guette qui est signe d'une conscience, parfois un passage obligé (Albert Schweitzer, Hermann HESSE et bien d'autres illustres penseurs ont passé par là. A ne pas anesthésier surtout. Les moyens nous sont offerts, bien plus accessibles que les outils de travail sur nous.
Edithe
voici le texte copié-collé, merci à son auteur pour le partage.
septième jour. A l’occasion d’une performance dans les grands magasins, l’artiste Artus de Lavilléon s’enferme dans deux boites en carton exiguës et revient sur sa vie. Sorte de biographie et d’archivage du quotidien, Artus a choisi délibérément de n’avoir accès à rien d’autre qu’une machine à écrire pour communiquer. Ses textes bruts sont récupérés chaque jour dans sa boite aux lettres et retranscris dans leur intégralité, sans aucune correction ni modification.

Ce qui me manque le plus, hormis Jessica bien sûr, la musique, la bonne musique. Je renfile mon costume blanc, mon pantalon qui commence à être très salle, surtout en bas des jambes, ma veste, ma chemise, et je retourne dans le cube.

L’homme doit avoir 16, 17 ans, quand un voyage scolaire l’emmène à Chartres. Il n’est presque jamais sorti de sa cité. Dans le bus, les blagues fusent. Le paysage le long de la nationale 1, que les statistiques décrivent comme la plus dangereuse de France, surtout à cause des magnifiques platanes qui la bordent, découvrant une France rurale où l’homme, encore un adolescent, n’a jamais mis les pieds. Entre sa cité et le lycée technique il n’y a pas grand chose, à part la zone industrielle et ses nombreux supermarchés. Les joints fumés avec les potes, les filles vite draguées, les petits vols pour combler l’ennui, comme n’importe quel adolescent, le regard malveillant qui pèse sur lui ou eux en plus. Pourtant premier de la classe en Histoire, on lui a proposé une orientation en CAP construction, en lui disant que ce serait plus facile, et il a accepté. D’une certaine manière, sa vie est déjà toute tracée. Ses parents n’auraient jamais pu lui payer des hautes études de toute façon et maintenant il est trop tard pour la bourse et tout ça. L’échec scolaire est évident, mais de quoi a-t-on besoin pour construire des murs ? Les murs des autres. Alors l’homme a commencé à s’occuper des jeunes comme lui, qui zonent sans relâche mais sont moins aptes, du fait de problèmes familiaux incessants, à distinguer le bien du mal. La pauvreté est terrible dans la cité dans laquelle il habite, en bordure d’une grande ville où il a cessé d’aller, mais où il retournera sans doute. Avoir comme tout le monde une télé, un magnétoscope ne suffit plus, il faut ce qui épatera le voisin. Mais comment se le payer ? Les murs décrépis, les trous dans la façade, les coups de fusils la nuit parfois, et les embrouilles continuelles, mais aussi la vie la vie la vie la vie. L’autoroute et sa monotonie, les grillages qui la bordent. La vitesse immobile des débuts de siècle. Arrivés à Chartres, le groupe débarque du bus dans un joyeux désordre qui dérange les gens du bar du coin, en ce début de semaine ennuyeux et identique. C’est une jolie petite ville, à moitié piétonne, que tout le monde sait chargée d’histoire, à cause des rois de France. L’homme se met à penser à Napoléon, aux mérovingiens, tous ces noms qu’il n’a fait qu’effleurer, avant d’être enfermé par l’état français dans un choix qui n’a jamais été le sien. « Apprendre un métier, c’est quand même beau » lui a-t-on répondu. Les gens qui ont construite cette cathédrale, les francs maçons ou les compagnons, des gens riches de toute façon. Mais pas les ouvriers. Lui est un enfant d’immigré, il se demande comment ça se passait à l’époque, et tente une vaine blague que son prof lui reproche méchamment. « La honte3. Il faut regarder, écouter et se taire. Un peu vexé l’homme se désolidarise un instant du groupe pour suivre des étranges marques gravées au sol entre les chaises. De toute façon, il va y en avoir pour des heures. La cité lui manque déjà. Alors qu’il est tout perdu dans ses pensées, l’homme sent une énergie étrange l’envahir, la beauté de la cathédrale opère sur lui. A force de regarder ses pieds, l’homme n’a pas réalisé qu‘il était arrivé, en suivant le labyrinthe, au cœur de l’église. Et quand il lève les yeux, c’est l’absolue beauté qui le touche. Comment décrire ce qui lui arrive autrement que par l’illumination ? Comme si Dieu, tout d’un coup, était descendu sur lui. L’homme est tout chamboulé quand il reprend le bus. Il y a certainement un terme religieux pour décrire ce qui se passe en lui, mais l’homme est déjà bien au-delà de toute religion. Comment expliquer l’inexplicable ? L’homme ne s’y essaierait même pas. Il a compris, c’est tout, mais pas simplement compris, tout compris. Lui, le monde, ce qui l’entoure.
Va alors commencer la période la plus faste et la plus prolifique de sa vie. L’homme en quelques mois, va résoudre un nombre incalculable de « problèmes » dans sa cité, son école, la vie de ses proches. Mais jamais il ne racontera Chartres. C’est son secret. Un secret qu’il partage avec moi sur la route de Beauvais. J’étais étonné par son accent de banlieue quand il commencé à me parler de la cathédrale et par tout ce savoir accumulé qui cadrait si mal avec avec son habillement et son expression générale, alors je lui ai demandé quoi, qui, comment.

« Alors tu vois, c’était un truc de ouf. Je pouvais tout faire. J’avais le truc tu vois. Moi je suis pas religieux hein, enfin en tout ca pas de cette religion là. De naissance en tout cas. Dans ma famille on ne mange pas de porc et on fait le Ramadan, mais c’est surtout par tradition. Ma mère est très dure et mes frères font n’importe quoi, mais je te jure, après Chartres, je crois que je leur ai sauvé la vie. Sans moi, je ne sais pas ce qu’ils seraient devenus. J’te dit, à ce moment-là, j’ai tout compris. Mes potes aussi, on venait me demander conseil de partout dans la cité. Enfin, c’était pas aussi évident, mais c’était comme ça. Du jour au lendemain. Tu sais le labyrinthe à Chartres, c’est pas une blague, mais c’est normal aussi, c’est construit sur un site tellurique qui est connu depuis l’antiquité. Dans la première traduction de la Bible, celle qui est en grec ou en hébreux (je ne me souviens pas de ce qu’il m’a dit), ils se sont trompés. Le message de Jésus, ce n’est pas « Suivez-moi et je montrerais le chemin » mais « Trouvez votre propre voie ». Ca n’a rien à voir. Mais cette erreur de traduction a bien arrangé l’église et les chrétiens. De toute façon, ils ont tout piqués aux païens. J’ai fait des recherches tu vois, même dans l’architecture il y a des trucs, tout le monde savait. C’est pour ça que les constructeurs de Chartres sont des génies. Ils ont laissé des indices. Tout ça c’est une histoire d’énergie. Mes potes ils hallucinaient comment je j’ai réglé tous leurs problèmes, mais un jour c’est parti. Je sais pas, j’ai tout perdu, alors je suis retourné à Chartres, mais ça n’a pas marché. J’ai commencé à apprendre, me renseigner. J’ai même été à Jerusalem, et en Angleterre. Il y a pleins de sites telluriques en Angleterre et dans la plupart des cas des églises sont construites dessus, en Ecosse, en Irlande… J’les ai toutes faites les églises importantes, et maintenant, je vais à Beauvais. C’est une cathédrale fantastique tu vois. C’est dommage qu’elle se casse la gueule. Elle a été construite sur des marécages, et son cœur est le plus grand d’Europe, mais ils n’ont jamais fini la flèche, alors je n’espère pas grand chose. C’était incroyable le moment où je comprenais tout. J’ai tellement pu aider mon prochain, ça me manque cette compréhension. Peut-être c’était Dieu, je ne sais pas. Je ne veux pas mettre un nom dessus. La religion devrait appartenir à tout le monde. Les astres, les énergies. Il ya tellement de sciences perdues… »

Je connais très peu la vie mon père.

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