samedi 26 septembre 2009

SANCTUAIRE DES ANNAPURNAS - 18 AVRIL AU 3 MAI 2009


SAMEDI 18 AVRIL 2009


Haguenau – Francfort en bus puis envol vers KATHMANDOU avec Gulf Air.


C'est la première fois que je n'arrive pas à préparer de façon efficace mes affaires. Je fais, je défais, je refais mes tas, je me ravise, j'allonge la liste, je barre, je stresse... et pourtant les choses essentielles à ne pas oublier (passeport...) ne sont pas nombreuses !


J'attends F, j'ai peur d'avoir mal compris : elle est sensée passer la nuit ici et nous devons aller ensemble rejoindre le point de départ ?... sinon, catastrophe ! N'ayant pas de voiture.... les heures s'écoulent...

Ouf, elle vient à 23 heures, guère plus calme que moi ;


Je me couche à 2 h, le réveil sonne à 4 heures, retard, nous nous perdons dans Haguenau, j'appelle D, non ce n'est pas vers Marienthal tout de suite, nous dépassons le parking Antoni sans le voir, puisqu'il y a Emmaüs après... demi-tour, heureusement que P nous fait signe ; évidemment l'attente pour les personnes dans le bus était désagréable, idem pour la femme-chauffeur qui doit tenir ses engagements horaires, je comprends... l'ambiance s'en ressent puis la tension se relâche, tout le monde est content de partir.


Aéroport, pluie, peu de monde, douane, vérification allégée ; j'ai quand même dû boire le reste de l'eau aromatisée aux gouttes aux essences de Phytaroma, cela ne se gâche pas ! D'autres personnes ont dû sacrifier le shamppoing malencontreusement rangé dans le sac de cabine, un spray « jambes lourdes », alors qu'au contraire, les douaniers n'ont pas su détecté le couteau d'un voyageur...


Peu de passagers, nous prenons nos aises ; allonger les jambes dans cet habitacle est un luxe rare et fort apprécié.


Histoire de repas : l'assiette végétarienne pourtant aimablement commandée par Nicole n'est pas facile à avoir, comme d'habitude. Je suis toujours étonnée de la complication qu'entraîne la demande, simple et claire, du moins pour moi, d'un repas sans viande... quand on ne me sert pas une tranche de jambon en remplacement de la viande ! Ou un carré de saumon... en 20 ans les mentalités évoluent très doucement, enfin la compréhension de l'autre n'est pas aisée quand on sort un tant soit peu du schéma habituel. J'en parle mais n'en suis pas affectée et cela me donne l'occasion d'être plus consciente du fossé qui nous sépare dans la compréhension de l'autre, qu'il y a encore tellement d'efforts à faire dans divers domaines, moi comme d'autres. Soyons vigilants.


Oh, miracle ! Après un peu d'attente, on me tend une barquette de tortellini aux épinards, que c'est bon, même le goût insipide d'un repas aseptisé arrive à me ravir, le petit pain doré posé délicatement, à l'aide d'une pince métallique désinfectée, par l'hôtesse arborant un grand sourire, « Miracle à 8 000 mètres d'altitude », pourrait être le titre du film au ralenti quand j'observe les plus petits gestes et expressions, quand je hume les odeurs diverses de repas – mais cela ne se sentirait pas sur l'écran ! -, de parfums plus ou moins agréables – l'huile essentielle de lavande venant utilement à mon secours... avoir le temps d'observer, de regarder, de ressentir, de fermer les yeux, d'imaginer, d'ETRE tout simplement, un luxe que je vis trop rarement – prendre l'avion, être enfermée dans cet habitacle qui pourtant pourrait être prison, est en fait un moyen d'évasion, autre miracle ! Le repas servi sur un plateau, dans des petits ramequins et mignonnes tasses bordées d'un liseré bleu, des couverts en plastique de bonne qualité ; est ce qu'on les jette après utilisation ? Je me souviens, attendrie, des dinettes de mon enfance. Je ne résiste pas à la tentation d'en garder un exemplaire.... il y a quelques années, j'ai empoché une couverture, que je me suis d'ailleurs empressée de déposer dans une benne à récupération de vêtements – mauvaise conscience ? - quelque clochard en aura profité, peut-être pas pour se protéger du froid car elle est trop fine, mais peut-être des regards de gens pressés voyeuristes et tellement dans la certitude de garder pour toujours leur statut de nantis – je suis du nombre -. Me voilà presque élevée au rang de Robin des Bois puisque je détrousse Gulf Air pour améliorer les conditions des sans-abris... enfin n'exagérons rien.


Nous arrivons à Barhein ; mon sac est resté coincé dans le tapis roulant, heureusement sans l'abîmer. Les femmes portent des djellabahs, noirs mais magnifiquement brodés pour certaines, confectionnés dans un tissus souple, tombant – rien à voir avec ma robe de greffier d'il y a 30 ans, rêche, lourde.... - leur habit sensé les protéger de la concuspiscence laisse imaginer leurs formes féminines pour certaines et je sens bien qu'elles en sont conscientes... Mahomed est-il d'accord ? C'est beau. Ce n'est pas toujours l'ostentatoire qui est le plus séduisant : leçon aux femmes occidentales. Enfin, à chacun ses armes... même s'il ne s'agit pas d'un combat ! Simplement une façon d'exister, parfois dramatiquement pathétique lorsqu'on voit des filles à peine adolescentes se promener à moitié dévêtues pour attirer une certaine sorte d'amour, ne faisant réagir que les individus cherchant une autre sorte d'amour-compensation ? leur rencontre parfois irrespectueuse, basée sur un total mépris de l'autre, peut aboutir malheureusement à des histoires narrées dans la rubrique des faits divers. Vies brisées.


DIMANCHE 19 AVRIL 2009


Le clavier du contrôleur à l'aéroport affiche les lettres de notre écriture, AZERTI, jusque là rien d'étonnant ; par contre sur l'écran apparaissent des hiéroglyphes orientaux, comment est ce possible ? C'est en tout cas très beau et rien n'est apparemment impossible à programmer en informatique (sauf le programme permettant à une badgeuse de tribunal de comptabiliser les heures de travail sur 4 jours !... clin d'oeil aux « polémiticiens » de la Justice pour qui tout ce qui est nouveau est compliqué)


Longue attente du bus. Enfin il arrive mais le groupe doit déjà se scinder en deux. J'attends, pourquoi pas ? Et bien non, Fabienne et moi sommes appelées à combler les petits espaces dans l'habitacle de l'automobile... « avantages et inconvénient d'être petit » pourrait être le titre d'une prochaine dissertation.


Sur le trajet vers l'hôtel où nous passons une nuit s'étale toute la richesse d'une ville pétrolière : gratte-ciel imposants, voitures toute neuves et haut de gamme, routes en parfait état, tout est illuminé, décoré.


Le repas est pris sous forme de buffet, le choix est immense et on trouve même des graînes germées! Pensées au pauvre P. qui est malade... allez, je profite de ta part et je me ressers ! Par contre les desserts, même si esthétiquement engageants, sont trop sucrés à mon goût. La petite bouteille d'eau coûte 2,50 euros ! .... quand je pense au gachis de cette matière précieuse à l'arrosage des terrains de golf aménagés en plein désert...


Des téméraires sortent pour prospecter les alentours ; le devant de la scène urbaine est soigné, contrairement aux arrière-cours où apparaît un laisser-aller, objets divers qui traînent, des détritus éparpillés.... la richesse étalée sert surtout de vitrine.


Les femmes sont absentes de la vie au-dehors ; les soirées appartiennent aux hommes qu'on retrouvent surtout fumant le narguilé dans les bars, entre eux. Quelle tristesse !


La nuit n'est pas reposante. Des sonneries non identifiées se faisaient entendre, la musique de disco interminable, les courants d'air froid d'une « clim » qui se bat difficilement avec la moiteur ambiante....Fabienne s'est levée à 1 heure du matin, croyant qu'il était 3 heures, heure prévue de lever ! Elle a pris sa douche dans la foulée, puis s'est recouchée. S'en suivaient des rêves de stress, de retard... bref, le lever a été un soulagement, ainsi que de quitter cette chambre désagréablement climatisée, à l'odeur de rance dans les lourdes tentures aux motifs d'une autre époque, lourdes à tout point de vue ; le couvre-lit confectionné dans le même tissus lourd pèse désagréablement sur les pieds.


Je voudrais préciser que mes descriptions, même si elles paraissent parfois « négatives » ne sont absolument pas le reflet d'un mal-être, pas du tout : j'aime vivre ce qui EST, autant que possible, Bahrein ne serait pas Bahrein si j'y retrouvais l'intérieur de mon petit appart aménagé à mon goût et les rues bien connues de Strasbourg ou de Wissembourg... ou l'unique rue de BREMMELBACH ! C'est tout l'intérêt d'un voyage et des rencontres avec des personnes aux goûts et priorités différents, dans des milieux inhabituels. Remise en question parfois destabilisante et une plus grande ouverture d'esprit à la clé, n'est ce pas le sens d'un voyage à la rencontre de l'Autre ?


Que la « clim » apporte un confort immédiat est indéniable, mais à quel prix en énergie ? Quand on voit que souvent les portes des magasins équipés restent ouvertes ? Sur le plan sanitaire en fragilisant nos muqueuses sensibles, en transportant des germes, en créant de grands écarts de température que nos corps doivent gérer ?


Que les repas édulcorés, aseptisés, dans des barquettes garanties « sans germes », (plutôt sans vie ?), soient doux pour la langue, les aliments traîtés se gardent plus longtemps dans nos réfrigérateurs trop remplis, mais à quel prix sur le surcroit de toxines que doit évacuer le corps pour éviter l'empoisonnement ou la dégénérescence trop rapide ?


Que la présence d'appareils ménagers soulage le travail lourd quotidien, que l'utilisation d'une, même deux voitures, est nécessaire à la famille, mais à quel prix ? « travailler plus pour gagner davantage » ...pour pouvoir faire face à nos besoins de plus en plus importants ?


Soyons plus conscients de la portée de nos actes pour assouvir notre désir, par ailleurs légitime, de bien-être ; mais à quand le bien-être pour tous ?


Longue attente à l'aéroport de Barhein, embarquement à 6 heures. J'en profite pour écrire dans mon cahier qui prend déjà les couleurs locales. Je me rends compte qu'après le passeport, c'est l'objet le plus précieux, celui que je n'aimerais pas perdre ; je m'empresse donc d'écrire un mot sur l'intérieur de la couverture, en anglais, priant celui qui le retrouverait de me le renvoyer en France, en mentionnant soigneusement nom et adresse.


Pendant le vol, je suis surprise de percevoir des effluves de lavande ; tout d'abord j'ai pensé que la Compagnie « Gulf Air » a eu la bonne idée de diffuser cette agréable senteur apaisante, par souci du bien-être des passagers.... mais je me suis rapidement rendue compte que mon flacon d'huile essentielle était en train de se vider peu à peu dans la poche de mon sac à dos...


A peine avons-nous décollé de BARHEIN que nous atterrissons déjà au QATAR, où s'opère la relève d'une équipe de travailleurs bengalais. Les ouvriers retournant chez eux affichent une grande fatigue et leur apparence est moins soignée.


Ce pays, vu d'avion, a l'air d'un immense désert. Nous redécollons aussitôt.


Le petit déjeûner tardant, je puise dans mes réserves de pain fait-maison, dur mais ayant au moins le mérite de se conserver longtemps, d'être léger, facilement transportable. L'eau emportée de l'hôtel, agrémentée avec les gouttes aux essences de Phytaroma (je n'hésite pas à faire de la publicité pour ce produit car il me sert, à l'occasion, à la fois de dentifrice, de désinfectant d'appoint puisqu'il contient des antiseptiques puissants tels la lavande, la cannelle..., de parfum rafraichissant, de produit inhalant en cas de début de rhum, on peut faire des gargarismes....).


Le repas arrive : petit déjeûner ou déjeûner ? c'est comme on veut. Il est près de midi à l'heure de Kathmandou et 9 h au Qatar ; on nous propose du thé, du yaourt, chapatis, légumes épicés, omelette, un délice.


En première classe avion, la plupart des sièges sont inoccupés et les toilettes libres alors que de notre côté il faut être vigilant pour ne pas rater son tour au WC. Quel déséquilibre, juste pour une question de moyens financiers ? Pourquoi l'homme qui dispose de plus d'argent voit-il ses besoins plus facilement assouvis, pourquoi est-il plus agréablement installé ? Un travailleur, fatigué par trois mois de mission, loin de sa famille, n'a-t'il pas autant, sinon davantage, mérité le confort ? Un PDG qui sort de son bureau desin, climatisé et qui retourne dans sa villa avec toutes ses commodités pourrait, dans l'absolu, laisser son endroit confortable à l'ouvrier qui quitte les baraquements pour retourner dans son bidon-ville. Faudrait en faire l'expérience ; peut-être que l'homme qui ose partager ses privilèges ne s'aimera que davantage.... mais nous nous cramponnons, tous autant que nous sommes, à nos petits avantages, aussi petits soient-ils.


Vrac :

Le Nouvel An népalais a lieu le 9 avril et dure 10 jours.

100 roupies équivalent à peu près à 1 euro.

Le décalage horaire est de + 5 h 45 par rapport à la France.


Petit lexique glâné, phonétique : MA = je ; CHA = oui ; CHAINA = non ; KAHA = où ? ; DINUHOS = SVP...


A l'aéroport de KATHMANDOU, j'observe les douaniers avenants, calmes, plein d'humour, ils paraissent philosophes, contents de ce qu'ils font ; les vérifications et interrogations ne sont pas source de stress comme trop souvent, aucun abus de pouvoir, juste ce qu'il faut pour bien faire le travail : l'un vérifie, l'autre tamponne, un troisième appose sa griffe, un autre apporte du thé et des petits gateaux secs. Les visas sont rapidement délivrés.


Nous nous rendons à l'hôtel dans un mini-bus, le trajet me rappelle des souvenirs de mon précédent passage : rien n'a grandement changé. Densité humaine énorme, couleurs éclatantes, détritus qui jonchent le sol, les petites échoppes sombres....Ah ! quand même une nouveauté : les téléphones portables !


Et une file interminable à la station-essence ; les clients sont souvent à pieds et portent des jerricans. Le carburant pèse lourd dans leur budget ; il est sûr que pour nous, le prix à la pompe est très bas (... si quelqu'un s'en souvient.... il faut le rajouter, merci !)


OH.... des poulets enfermés, forte densité sur peu de place.... autre nouveauté mais pas une avancée ! nous ne sommes vraiment pas un bon exemple dans cette matière ; combien faut-il encore de déclaration d'épidémie pour comprendre que la viande que nous mangeons doit être de bonne qualité, émanant d'animaux ayant vécu une vie « digne » de leur condition ? C'est à dire sans souffrance qui, maintenant nous ne pouvons plus l'ignorer, acidifie la viande ; nous faisons partie de la chaîne, il faut y penser si tant est que la conscience de la souffrance ne suffirait pas pour nous raisonner et respecter non seulement les personnes qui nous sont proches et que nous aimons, mais aussi les étrangers, les animaux et par extension notre milieu de vie.... il est grand temps ! Qu'apprenons-nous à nos enfants ? Que leur laissons-nous ? Chacun à son niveau peut s'interroger, c'est déjà un grand premier pas. De toutes façons personne ne peut s'ériger en juge pour évaluer le degré de conscience de son prochain.


Lors d'une pause, quelques personnes, dont moi, avons traversé un pont en bois et pensions que notre cher chauffeur allait nous récupérer de l'autre côté, histoire de remettre un peu en mouvement nos pauvres membres enkylosés qui vont quand mettre bientôt être mis à contribution ! En marchant, nous avons goûté nos premières minuscules, mais oh combien gouteuses, bananes, ; un délice... peut-être que la gourmandise nous a fait oublier la discipline du groupe : « restez groupiert », adage bien connu. On a dû nous rappeler à l'ordre.


Le guide nous présente notre périple futur ; il nous confie « en apparté » que certains de ses collèguess ont obtenu leur diplôme en versant des backchichs...


Notre arrivée a été fêtée le soir ; nous nous sommes rendus dans un restaurant où l'on nous a servi un dîner somptueux : pop corn, alcool de riz, potatoes, momos, sanglier, épinards, choux-fleurs, riz-dal-bat, espèce de raifort terriblement fort ! champignons, sauce.. en dessert un yaourt très sucré au léger goût de chèvre, le tout dans une ambiance musicale, yéti déguisé embrassant surtout les hommes... à leur grand désarroi ! un « paon » humain, un « yak »...


LUNDI 20 AVRIL 2009


Petit déjeûner avec légumes, lassi, omelette, pomme de terre, céréales, thé – café , tout le monde y trouve son compte et moi je traîne 1 heure à manger tout le bol de lassi, boudé par la plupart des personnes du groupe, MERCI !


Visite de la ville de Kathmandou avec Dahnne, guide touristique parlant français.


Tout d'abord en route pour le célèbre SWAYAMBUNATH, l'un des premiers sanctuaires bouddhiques du monde abritant le plus ancien stupa de la vallée et où l'on peut actionner plus de 200 moulins à prière portant le mantra « om mani padme hum (oh toi, joyau dans la fleur de lotus) ; le bus nous emmène jusqu'en haut et nous n'empruntons les innombrables marches, 365 très exactement, que pour descendre, entre les statues et les petites échoppes improvisées qui fleurissent de ci de là, exposant des pierres, des colliers, des objets de dévotion, de la décoration, des petits instruments de musique etc...


BODNATH, lieu de pélerinage bouddhiste le plus important de la vallée de Kathmandou, avec son stupa de 40 mètres de haut. En fin d'après-midi des pélerins tournent autour de l'édifice, plusieurs dizaines de fois, dans le sens des aiguilles d'une montre en faisant également tourner les moulins à prière ; ce qui me semble toujours être un geste plus mécanique que dévotionnel et me laisse un peu coite mais pourquoi pas ? Nos pratiques à nous, dans nos Eglises, peuvent certainement aussi paraître étranges à des yeux exotiques


Puis nous visitons PASHUPATINAH, haut lieu de pélerinage hindou et ses gahts au bord de la rivière où ont lieu les rituels de bain et les crémations ; échoppes de fleurs, images divines, bâtonnets d'encens, bijoux... et une odeur spéciale, pas vraiment désagréable, qui flotte dans l'air. Ambiance naturelle de recueillement, pas de chagrin bruyant, un immense respect, une acceptation de la vie et de la mort. On se concentre sur le rituel, les gestes sont lents.



Nuit

Petit déjeuner à l'hôtel SAMSARA


MARDI 21 AVRIL 2009


KATHMANDOU – GORKHA en bus privé, environ 5 heures ; visite de l'école primaire des Kamis et rencontre avec les enfants auxquels l'association verse une bourse scolaire. Les parents et les enseignants sont présents. Les salles de classe sont sobrement aménagées, tables et chaises vétustes, un tableau noir très abîmé, quelques dessins et posters au mur. On sent pourtant que ce lieu est respecté et qu'un transfert de connaissance est possible. Les résultats ne sont certainement pas en rapport direct avec les moyens dont on dispose, sinon en France nous serions tous surdoués !Moment simple de fierté partagée.


Le temps est mitigé, le vent se lève, il fait sombre d'un coup et la pluie se met à tomber fort, c'est le déluge. Entrés au lodge, nous admirons les trombes d'eau impressionnantes, la couleur du ciel orageux, le jardin assoiffé qui boît ; nous chantons. C'était un beau moment passé à l'abri dans un endroit avec une vue magnifique sur les montagnes encore boisées à cette altitude. Le jardin, bien entretenu, aux allées décorées avec goût, des fleurs de toutes les couleurs, des plantes variées, des petites bordures en bois, de belles vasques, une terrasse surplombant la vallée : un petit paradis.


Nuit à l'hôtel GURKHA INN.


MERCREDI 22 AVRIL 2009


Je me lève tôt et me promène, il est 6 heures ; l'effervescence règne déjà dans ce village. Les ouvriers qui construisent un pont en contrebas sont à pieds d'oeuvre et se partagent minutieusement le travail ; pour pelleter par exemple, l'un prend la pelle en main et l'autre tire sur la corde à laquelle la pelle est attachée, ce qui aide le pelleteur qui économisera ainsi son énergie et son dos. Les gestes sont lents et réguliers et leurs visages éclairés.


Sur la place du marché, une radio égrène les nouvelles du monde ; les gens écoutent et vaquent en même temps à diverses occupations, balayer, essuyer une table, transporter des paniers, se coiffer, boire de l'eau chaude ou un thé.... l'agitation n'est qu'apparente, une certaine sérénité ambiante domine et je ne peux m'empêcher de m'imaginer le centre-ville de Strasbourg avec tous les gens qui courent dans tous les sens, avec une mine d'importance, tellement préoccupés par la projection dans l'avenir, ou bien ruminant le passé ; mais où sont-ils au moment même ? Je me surprends à regarder des pantins absents... mais certainement que je parais ainsi à d'autres yeux...


Petits tableaux :


Un homme qui s'échigne à casser un énorme rocher avec son seul outil qui est un petit pic et un marteau : il est concentré, muscles bandés, le visage crispé par l'effort, la peau tannée, plus rien d'autre ne compte que frapper, frapper, entamer ce rocher qui devra bien servir à quelque chose ; j'imagine les heures, les jours, les années qui vont passer et j'observe cet homme, patient mais ne ménageant pas ses efforts qui, inlassablement, répète les mêmes gestes. Pendant une vie, ou plusieurs. Labeur transmis, dépassant l'échelle humaine.


Je pense à la contruction de cathédrales qui s'étalait sur plusieurs siècles. Les ouvriers ne se souciaient pas de savoir s'ils allaient profiter visuellement ou pratiquement de l'objet de leur labeur, non ; ils étaient naturellement intégrés dans une entreprise qui les dépasse. N'est-ce pas à ce prix qu'on crée des chefs d'oeuvre ? Fruit de l'abnégation d'hommes et de femmes engagés, confiants, qui savent instinctivement que chacun de nous fait partie d'un tout, qu'il ne sert à rien d'amasser pour soi, que si l'on veut laisser un sillage après notre mort, celui-ci est creusé au seul prix d'un dépassement de soi, pour une mise en commun, une mutualisation des efforts.


Dans notre monde actuel, sommes-nous encore capables d'édifier des chefs d'oeuvre ? Bâtisses qui sont érigées le temps d'un mandat électoral, à grand renfort de publicité pour haranguer les mécènes qui deviennent, eux aussi, célèbres, qu'on remercie dans tous les journaux parce qu'ils donnent gracieusement une minuscule part de leur excédent qui pourrait faire vivre décemment un village entier..., jusqu'à ce qu'un autre prenne le relais, établisse d'autres règles de beauté apparente pour supplanter l'ancienne entreprise déjà oubliée, vite, car la mode passe et des plus jeunes, formatés à être rentables et efficaces tout de suite, arriveront sur le marché de la peur de manquer de tout ce dont on dit devoir posséder pour être heureux, et surtout : être aimé ? Quelle illusion !


Un femme se lave à la fontaine du village, le long de la route. Elle porte un poncho qui lui permet d'être libre de ses mouvements tout en procédant à une toilette minutieuse à l'abri des regards et pourtant elle offre l'image d'elle même. En décrivant cette scène, je la fais en quelque sorte voyager à travers le monde.


Le paysan travaille son petit lopin de terre, en étage, clairement délimité ; il utilise une charrue, un boeuf, il ne se presse pas. Un tracteur ne serait d'aucune utilité sur ce terrain escarpé, en forte pente.


La cuisine construite à l'avant des bâtisses, en plein air, couverte mais ouverte à tout vent et regards admiratifs, une cuisinière modelée dans de la terre orangée, aux formes arrondies, presque féminines.


L' homme travaille dur, le visage est serein, concentré, l'expression satisfaite d'un humain, reconnu comme tel, qui se sent à sa place et fait partie d'une même symphonie, en harmonie avec d'autres mondes, minéral, végétal, animal. Je crois qu'en deux semaines je n'ai entendu aucun cri de colère, ou dispute... pas la moindre mine d'agacement.


La vie de groupe, belle occasion d'évoluer : veiller à ne pas amplifier des rumeurs, à ne pas colporter des suppositions qui colleront très vite à la peau de l'intéressé qui l'ignore parfois pendant longtemps, ne pas voir à travers le filtre d'une autre personne mais, au contraire, avoir le courage d'exposer sa vue après avoir pris le temps de s'analyser soi-même, faire la part des choses entre ce qui blesse notre sensibilité exaspérée par un vécu passé et l'impact réel que peuvent avoir une attitude, un mot, un geste.


Détecter ce qui nous vexe, nous blesse, dans l'autre et chercher pourquoi ; très souvent on trouve en soi le rapport avec un vécu... et à ce moment-là nous savons qu'il est vain et stérile d'en tenir rigueur à la personne, simple « détonateur », d'ailleurs à son insu.


Nous, les habitants de pays « hyper » développés, ne détenons pas la palme de la meilleure façon de vivre ; certainement pas lorsqu'on voit le taux de chomage, le nombre de suicides, même chez les jeunes, la consommation de psychotropes ou autres drogues, le besoin effréné de consommer, à tous niveaux...


Premier lodge ce mercredi, très bel endroit entouré de montagnes ; un pont s'étant effondré, des ouvriers sont en train de le reconstruire, sans hâte, scindant les travaux pour attribuer un petit rôle à chacun, d'où une lenteur apaisante, une espèce de danse vue de loin, une mouvance harmonieuse. Les gestes sont précis, répétitifs. Dommage que le générateur faisait autant de bruit, amplifié par l'écho dans les montagnes.


UNE FACON ORIGINALE DE TRAVAILLER que j'ai déjà relatée auparavant : un ouvrier pellete tandis qu'un autre reforme le tas, celui-ci tient la brouette, le suivant la stabilise, tous les 2 mètres on se relayer pour porter un seau de béton etc etc... à tel point que pour une tâche, non moins d'une dizaine de manoeuvres sont occupés : une façon d'alléger le travail, de favoriser une solidarité, l'attention à l'autre, d'enrayer le chômage? de garder pour chacun la dignité d'être utile ?...


lecture 3 :


Nous nous promenons dans l'unique rue, des enfants nous suivent ; voici un poste de police perché sur un monticule de terre. L'agent nous demande de justifier notre présence, mais nous n'avons bien sûr pas le permis de trek sur nous. Nous expliquons en détail notre voyage et déclinons le nom de notre guide. Nous avons le temps et la curiosité de voir qu'à la place de nos noms sont transcrits les prénoms, et que les dates de naissance ne correspondent pas forcément à la bonne personne dans leur gros registre noir ; le secrétaire s'est trompé plusieurs fois de ligne. Nous rions. Peu à peu la confiance s'installe, leur travail est accompli, nous pouvons passer dans la partie moins touristique du village.


Un combat de coqs, excités par les cris des badauds, mais heureusement stoppé lorsque l'agressivité entre les deux animaux devient dangereuse pour l'un d'eux. Je me sens rassurée de ne pas voir le perdant s'effondrer sous les coups de bec impitoyables. L'attroupement se dilue et chacun retourne à ses tâches, non sans nous interroger du regard. Ce spectacle était-il organisé spécialement pour nous?


Il est merveilleux de se sentir bien dans un endroit inconnu où il suffit d'être là, sans se justifier, sans chercher d'autres contacts que d'être, simplement, présent, entièrement. Ne pas connaître la langue permet parfois le lâcher-prise, ne pas vouloir savoir, ou forcément s'exprimer, juste ressentir.


Le temps s'égrène lentement, mes yeux captent des expressions de visage, des couleurs d'habits, des formes de corps, mon nez sent des odeurs de transpiration, d'épices, de fleurs, mes mains touchent la peau rugueuse des menottes d'enfants non moins curieux de nous toucher, des tissus, mes pieds foulent un sol inégal, évitent les flaques d'eau de la dernière pluie ; j'ai l'impression de faire partie d'un film qui tourne au ralenti mais qui met en jeu la vie où chacun veut vivre à sa place, tout simplement, sans spéculer, sans chercher autre chose, sans désir d'ailleurs. Et voilà qu'une gamine m'invite à rentrer dans une ronde dansante, les rires fusent, j'essaie de leur apprendre « un, deux, trois main droite »... ils s'appliquent, moi aussi. La parole et l'action ont repris le dessus.


Il me vient l'idée que je pourrai demander à la couturière du village de rallonger mon short, un peu court pour les us et coutumes locaux. Bim me conseille d'aller la voir tôt le lendemain (avant 6 heures) et c'est ce que je fais.


Le rideau en métal de l'échope est encore baissé. Nous frappons ; une femme ouvre, j'explique mon désir dans un anglais approximatif à la couturière qui comprend encore plus approximativement.... Bim vient à mon secours et l'éclaire en népalais. Elle sourit, elle a compris, elle est d'accord. Je choisis le tissus parmi les chutes qu'elle me présente, je lui demande le prix : 100 roupies ! 1 euro.... je suis contente, elle me sert fort la main, heureuse de ce travail inespéré. Elle me dit de revenir dans une heure.


Je retourne au lodge et admire le magnifique lever du soleil sur le village qui se réveille. Les ouvriers se préparent au labeur, des chiens glânent les restes dédaignés par leurs congénères noctambules, le vendeur de bracelets est déjà à son poste, au courant du départ matinal des acheteurs potentiels. Il tente sa dernière chance de faire une affaire, ll reste bredouille.


Je récupère mon short relooké, magnifiquement original, ce sera sans nul doute mon préféré en France.

GORKHA – POKHARA en bus privé, environ 3 heures puis jusqu'à NAYAPUL (1 070 mètres) où démarre le trekking. Marche BIRETHANTI (1 025 mètres). Nuit en lodge.

JEUDI 23 AVRIL 2009


BIRETHANTI – GHANDRUK (1 900 mètres), 7 heures 30 de marche.


Une multitude de marches à gravir, sous la chaleur ; arrivée, une belle surprise nous attend : une échoppe avec des objets magnifiques, bijoux, pierres... la fatigue ne nous empêche pas de négocier. Et pas uniquement les femmes !


Une inscription : « Humanity is the only religion and love the only priest ».


Nous arrivons au prochain lodge, après avoir pris le repas en route.


Il y a des vaches au Népal mais pas de fromage.


Une femme tisse sur le bord de la route, en pleine circulation


La montagne est silencieuse, à part les bruits de vie, les animaux, les enfants.... et le ronflement des générateurs le soir... pour notre confort !


Les femmes s'habillent de blanc lorsqu'elles sont veuves, pendant 6 mois dans les hautes castes. Elles ne reprennent généralement plus de mari, sauf parfois le frère du défunt. Le guide me précise que le nombre moyen d'enfants par femme se situe aux environs de 3...? cela me paraît peu.


Gandruk, Hôtel Montain Wiew, altitude 1 939 mètres ; nous sommes partis de 1 025 mètres.


Je demande de l'eau chaude pour remplir ma gourde ; les chapatis sont excellents, le lassi me manque déjà.


Dans leur jardin on trouve beaucoup de légumes, poireau, chou, oignons...


Les bouteilles d'eau génèrent beaucoup de déchets, il est donc préférable de boire l'eau du robinet en ayant pris soin de la purifier. Pour ôter le goût de chlore, j'ajoute des gouttes aux essences de PHYTAROMA, elles me servent aussi de dentifrice « sans eau », de parfum à l'occasion, d'antiseptique, composées de menthe poivrée, girofle, thym, lavande, cannelle.


F et moi visitons un musée GURUNG, une caste. Beaucoup d'objets y sont exposés, des habits, ustensiles de cuisine, bijoux, outils, photos. Les Gurung sont surtout cultivateurs et éleveurs, vivant dans les villages d'altitude.


VENDREDI 24 AVRIL 2009


GANDRUK - CHOMRONG (2 170 mètres)


Nuit agitée, aboiement de chien, litanies non identifiées, voix d'hommes, nos voisins, qui discutaient, je me souviens m'être levée, avoir ouvert la fenêtre et dit « what's happening ? ».... j'ai parlé anglais !


Je ne ressens aucun décalage horaire, réveil vers 4 h 30, c'est l'aube, je somnole jusqu'aux environs de 6 heures, heure où j'ai déjà une chance d'apercevoir les prémices du lever du soleil derrière les hautes montagnes ; j'écoute les bruits alentours, les porteurs se réveillent ; me lever tôt me permet de faire ma toilette avant tout le monde mais je suis consciente que cela peut gêner les porteurs ; je leur laisse bien sûr la priorité.


– moment magique – je fais ma « salutation au soleil » qui est un enchaînement de mouvements, étirements et travail musculaire, le tout en coordination avec la respiration.


Traversée de forêts de bambous et de rhododendrons, vallée très encaissée, risque d'avalanches, d'ailleurs on en perçoit une au loin, ce grondement est impressionnant et me donne conscience du danger bien réel.


Marches, escaliers interminables, il fait de plus en plus chaud à mesure que nous descendons dans la vallée qui emprisonne les rayons du soleil.


Oh.. je déguste un morceau de chocolat gracieusement offert par D, il me semble que c'est le meilleur que j'ai jamais mangé.... ! Belle leçon de tempérance générée par la rareté du produit.


Le repas de midi se compose de riz-dalbat, pommes de terre, tomates, choux, thé-café.


oh ! Un WC « normal » avec une cuvette, super ; je cherche le seau d'eau, en vain.... il n'y en a pas. Dommage, me dis-je. En sortant, je parle de mon problème à la suivante.... lorsque nous nous rendons compte que la chasse d'eau « classique » fonctionne ! J'avais oublié cette possibilité évidente à force d'utiliser les toilettes turques avec une simple arrivée d'eau par un tuyau d'arrosage ou juste un seau, parfois rempli d'eau. J'en ai ri. La rapidité de l'adaptation est surprenante !


Le temps se couvre généralement dans l'après-midi. La pluie arrive de façon soudaine. Je reste en sandales, elles sèchent plus vite que des baskets. F porte une jupe pour marcher ; cela peut paraître étonnant mais je pense que c'est bien pratique en matière d'aération et de liberté des mouvements.


En marchant il est parfois reposant de se taire et d'écouter simplement, sans prendre part à la conversation, à l'avant ou derrière moi.


Emmener un polaroïd en trek et prendre des gens en photos, avec leur famille, dans leur milieu, leur offrir la photo, est une bonne idée, cadeau très apprécié.


Les enfants réagissent parfois à mes « coucou-daaa », « ainsi font font font », comptines et chants, d'abord interrogateurs, curieux, dubitatifs, se déridant doucement ; ce langage visuel, sonore, expressif, est universel; c'est le Desperanto de base.


Les coccinelles pululent jusqu'à une certaine altitude ; tout d'abord je cherche à les éviter, mais impossible, on est obligé de marcher sur certaines...


Les porteurs transportent de lourdes charges, un bandeau sur le front les aident à répartir la charge et certainement à garder leur équilibre. J'imagine que les muscles de la nuque sont soumis à un entraînement de longue haleine avant de pouvoir les solliciter de la sorte. Heureusement qu'il y a les ânes, même d'allure maigre, en fin de compte animaux dociles et robustes, qui aident sans broncher au transport des marchandises.


Bim, notre guide, découvre des framboisiers et partagent les fruits, petit en-cas inespéré, insolite, doublement apprécié car rare.


Bien sûr, les touristes sont priés d'emmener leurs déchets afin d'éviter les amoncellements dans ces endroits difficilement accessibles aux éboueurs...


Arrivés au lodge, certains se lavent à grande eau les pieds et les cheveux au robinet, à l'extérieur ; quel délice. Un corps lavé à l'eau froide, puis frictionné vigoureusement, est rapidement envahi par une chaleur étonnante et enveloppante. C'est bien cette idée ancrée par des années d'une telle expérience qui me donne la volonté de prendre mes douches à l'eau froide, même en hiver, bien plus qu'une espèce d'ascèse. Les pieds et les cheveux, ce n'est pas tout ! Maintenant il faut faire la queue devant les deux douches, à l'eau chaude cette fois-ci.


La faim se fait sentir rapidement, nous nous installons autour d'une grande table dans une pièce où règne une chaleur humaine qui réchauffe les corps et les coeurs.


Après la marche, la toilette, le repas, la fatigue se fait sentir et personne n'a envie de veiller. Le calme règne rapidement dans les chambres voisines et même les plus bavards, qui ne sont pas forcément les femmes malgré leur réputation ; qu'on se le dise !.... s'endorment rapidement ; pas de fous-rires ce soir.... que des doux ronflements qui s'estompent dans la torpeur morphéique.


Tant mieux pour les porteurs qui attendent que nous libérions la table pour dîner rapidement et installer sommairement leurs quartiers de nuit.


L'activité reprend tôt, hommes et animaux se lèvent à l'aube. Nos guides avalent rapidement le dalbat et boivent de l'eau chaude pour se réchauffer. Le soleil, encore absent à l'horizon, se devine à peine mais anime et colore déjà les montagnes enneigées qui semblent prendre feu. Beau contraste d'éléments. Nous sommes à 2 300 mètres ; il neige rarement à cette altitude.


Dany nous apprend que la probabilité de pluie est nulle, c'est rassurant pour des touristes que nous sommes malgré tout, à l'affût des caprices de la météo et tellement habitués – et conditionnés... - aux prévisions (loin d'être infaillibles mais encore et toujours nous consultons cet oracle !).


La mode des pantalons « taille basse » a-t'il atteint le Népal et contaminé les ados de ce pays ? Ou alors n'est-ce que fortuitement qu'ils enfilent les habits apportés par les touristes ? Mystère.


SAMEDI 25 AVRIL 2009


CHOMRONG, Himalaya Hôtel (3 800 mètres).

Je ferme les yeux. J'aime entendre tous ces bruits de vie, la sonorité de voix d'hommes au travail, le bruit des casseroles, les chants d'oiseaux, l'eau qui coule... c'est l'heure de la toilette pour les porteurs, les pleurs d'enfant, rares, sans colère, leurs rires, plus expressifs, communicatifs, un chien qui aboit, le ronflement plus ou moins doux des compresseurs, les quintes de toux....


L'unique miroir, suspendu à l'entrée de la salle à manger-dortoir, sert à tout le monde au passage.


Les chats sont rares. Et quand j'en vois un, je ne peux m'empêcher de le toucher mais le pelage est la plupart du temps dur, passablement sale, dommage. Ce n'est pas la sensation de douceur que je connais si bien, moi qui ai toujours vécu avec des chats ronronnants, aux poils gonflés, lustrés, odorants, à l'effet si apaisant.


Les parapluies font office de parasols.


La marche est agréable, ombragée, les dénivelés tant positifs que négatifs sont réduits à des pentes douces. Les pauses sont moins fréquentes. Nous sommes maintenant de vrais « trekkers » !


J'aperçois de belles chèvres blanches à poils longs, un peu bouclés. Je suis toujours étonnée qu'on ne fabrique pas de fromage dans les fermes. Les poules et leurs poussins sont parfois capturés sous des paniers en osier, retournés. J'imagine qu'il ne doit pas être aisé d'enfermer toute la famille d'un coup.... à moins qu'on prenne d'abord la poule par surprise, et peut-être que les poussins se réfugient-ils d'eux-mêmes sous l'aile maternelle protectrice, même si elle les enferme ! À méditer...


L'eau est chauffée à l'énergie solaire, sans matériel sophistiqué, simplement dans de grandes cuves noires, parfois des outres, posées sur les toits.


Parfois on a envie de partager son vécu, son expérience, quoi de plus naturel et enrichissant ; par contre lorsqu'on insiste en disant plusieurs fois « t'as raté quelque chose », il faut avoir une belle dose de patience, peut-être aussi d'indépendance d'esprit, pour ne pas être agacé, ou se sentir comme écrasé... cela m'arrive parfois, mon exercice consiste alors tout d'abord à gérer mon impatience, puis à me souvenir que je suis satisfaite de ce que je suis et vis. Qu'un apport extérieur ne peut que me nourrir. Et garder à l'esprit qu'avant tout, mes ressentis m'appartiennent, je ne peux en aucun cas en donner la responsabilité à l'autre puisque, très souvent, il s'agit de réminiscences du vécu personnel.


On aperçoit un animal gambadant dans les montagnes, au-dessus du village, il s'agit certainement d'un chamois.


Le repas est « sobre » si l'on peut dire, frites, pâtes, sardine, fromage ; j'ai conscience de manger pour me nourrir ; je mange de tout à ce repas et j'en reprends !


Nous nous trouvons à 3 230 mètres d'altitude.


Nous avons traversé un torrent ; j'ai eu peur, il fallait sauter d'une pierre à l'autre, je ne me sentais pas rassurée, ne sachant pas si la pierre était stable, glissante.... surtout que si quelqu'un tombait à cet endroit, il ne pouvait se raccrocher à rien ; un à-pic à quelques mètres l'aurait engloutit en peu de secondes aucune chance d'en réchapper... il aurait été sage de tendre une corde. Mais tout cela n'est qu'appréciation... j'ignorais encore à ce moment là qu'au retour il fallait passer par le même chemin... mais chut !


En tous cas, mes sandales « waterproof » m'ont au moins permis de marcher dans l'eau, à côté des cailloux parfois, quand je doutais de la stabilité du rocher suivant ou s'il était trop éloigné pour être atteint par un seul pas. Je ne suis pas très grande...


Bagarre pour les chambres ! Heureux les couples à qui l'on attribue d'office et en priorité les chambres « à deux » et puis les garçons.... bien moins nombreux que nous les femmes « seules » mais non esseulées ! Voilà, on assume nos choix et nos situations et finalement il fait plus chaud dans notre unique chambre à 5, encombrées du fatras de tant de trekkeuses, sacs énormes, grosses chaussures..; et pour se lever la nuit, il valait mieux prévoir et mémoriser le chemin et les obstacles innombrables, sans parler de la porte qui grince, pas pire que les toux et ronflements nocturnes.


J'oubliais les fous-rires avant de sombrer, à nous retrouver dans cette situation de promiscuité extrême qui pourrait paraître insupportable et qui, pourtant, m'apparaissait ce soir comme un confort inattendu, chaleureux : je me suis « cocoonée » dans mon sac de couchage dans lequel j'avais déjà préparé mes habits à enfiler le lendemain à l'aube, et ainsi me glisser dehors sans bruit pour surprendre le lever du soleil et l'ambiance spéciale de la vie au réveil.


Merci à A.pour la lecture d'un texte de Lao-Tseu qui m'a bercée jusqu'au bord de l'endormissement.


Expérience de groupe : comme on peut mal se comprendre si on reste clivé dans ses schémas, marqué par les blessures du passé provoquant des susceptibilités incompréhensibles pour l'entourage ; parce qu'on se sent agressé, diminué ou parce qu'on a encore tellement besoin de l'approbation de la majorité ou du « plus fort ». Mécanisme difficile à détecter, en grande partie parce qu'on n'a pas envie de se remettre en question, dur chemin ! Et jamais fini de surcroit.....


L'important n'est-il pas déjà de pouvoir s'exprimer, répondre sans agresser, échanger vraiment, s'enrichir et évoluer ?


Les lodges qui nous accueillent sont tous superbes, établis dans des décors de rêve. Chacun a son charme propre, le fleurissement, l'agencement des chambres en bois, les terrasses, la sympathie des gens rencontrés, pouvoir découvrir chaque jour un autre endroit où se poser pour une nuit, profiter d'une eau presque chaude, un miroir, une poubelle (oui, c'est tellement pratique de pouvoir se débarrasser des petits déchets, on n'y pense pas chez nous... tout en ayant conscience qu'il faut absolument en réduire la quantité et ne pas laisser nos « ordures de touristes » derrière nous), l'odeur du repas qui se prépare, le temps offert pour écrire, des animaux quiets, des enfants curieux, un savon à disposition, autre commodité qui n'a l'air de rien, les mots échangés, même si la barrière des langues ne facilite pas la communication, peut-être ainsi va-t'on à l'essentiel, sans fioriture ni exercice de rhéthorique ! Ni bavardages inutiles et puis, quand on est parfois au bout de ses compétences en la matière, l'expression des yeux, les gestes inventés, créent une autre façon d'échanger où nous, les occidentalistes hyper-connectés WIFI et autres, sommes réduits à apprendre le B.A.BA d'un langage oublié ;


Aujourd'hui, pendant que nous grimpions des dénivelés importants, il me semblait qu'un oiseau nous encourageait par son cri qui était : Hu HUUUUuu, avec une intensité telle qu'il pouvait s'agir d'un sifflet admiratif ! Mine de rien, cela m'a fait sourir intérieurement, j'ai pensé à l'oiseau de mon enfance qui sifflait « tzitt esch doe » tu-tu-tu-u... traduction personnelle de mon père ; ce qui voulait dire « il est l'heure » ! je précise qu'il nous réveillait toujours tôt, même le dimanche, à 8 heures, ceci pour permettre à toute la famille de prendre le petit déjeûner ensemble, sans égard aux heures du coucher de chacun. Au delà des grincements de dents que cela suscitait immanquablement, surtout dans notre période d'adolescence, je dois convenir qu'il m'a donné le goût du réveil matinal, qui m'est profitable à tous points de vues. La campagne qui se réveille est magnifique, la ville calme, le temps est comme dilaté ; les heures matinales sont irremplaçables. Je peux dire que d'avoir le temps de se centrer le matin, permet de débuter la journée de façon positive, même si la vie, de plus en plus souvent, nous exhorte à la dispersion pour arriver à boucler tout notre lourd programme.


Merci à cet oiseau, non seulement de m'encourager dans cette montée abrupte et caillouteuse, mais encore de m'avoir emmenée dans mes souvenirs lointains d'enfance, de faire émerger des petits détails et de pouvoir les analyser à la lumière de mon expérience de presque 50 ans de vie.


Autre diversion à la rudesse de l'effort qui nous est demandé : la beauté alentour, j'aperçois une cascade, juste en face. Elle est projetée de la bouche de la montagne, d'une hauteur que je ne saurais évaluer mais impressionnante. Je suis comme hypnotisée par cette image qui me donne un peu le vertige. Pas uniquement physiquement, mais elle me met aussi en face de l'immensité de ce monde, moi, petit humain minuscule qui se déplace au prix de gros efforts, qui va aussi disparaître un jour sans que cela ait un impact notable sur cet univers dont je ne peux appréhender qu'une infime partie.


Et voilà, sans m'en rendre compte, l'ascension est terminée. Nous nous reposons. Les yeux continuent à profiter du spectacle : un torrent en contrebas charrie de l'eau boueuse. Celui dans lequel je me suis lavée hier soir était d'une clarté à me donner envie d'y plonger... mais rien que d'y tremper les pieds pendant quelques minutes m'en a dissuadée, elle était glaciale.


Nous traversons le premier névé, sans difficulté majeure. Ce matin j'ai quand même décidé de mettre mes chaussures, baskets améliorés, plutôt pour éviter l'incompréhension ou la suspiscion quant à la qualité de marche dans les sandales sur un terrain de montagne - si jamais il m'arrivait de glisser, ce qui pourrait arriver à tout le monde d'ailleurs - que par intime conviction, car mes « super-sandales » sont très bien adaptées à tous terrains, avec une semelle au crantage bien plus marqué que certaines chaussures de moyennes montagnes. Et que dire du confort, de la souplesse qui me permet de maintenir un équilibre là où un support rigide me le ferait perdre ?


Idem en ce qui concerne l'utilisation des bâtons : le fait d'avoir les mains et le corps plus libres me permet de m'aider en déplaçant mon centre de gravité sans entraves, quand cela est nécessaire, en prenant éventuellement appui sur des rochers, me sécuriser en touchant simplement une branche, m'y agripper s'il le faut, savoir que je peux me baisser si je sens que je tombe... tout cela n'engage que moi et je n'hésiterai pas à adapter mon matériel si besoin est, mais pour l'instant je me sens plus libre et à l'aise ainsi. Bien sûr j'ai déjà rencontré des situations où le bâton serait d'une grande aide, par exemple pour sonder la couche de neige à traverser, servir de 3ème pied à des endroits où il ne servirait à rien de se baisser puisqu'en cas de chute, on glisserait inévitablement sur une pente enneigée trop abrupte, et des descentes interminables, douloureuses pour le genou.


Aucun équipement n'est parfait ou adapté à tout le monde, façon standart. Chacun opte pour celui qui lui convient. Au moment même. S'il en a les moyens.


J'ai tellement faim aujourd'hui que j'engloutirai bien tout le paquet de bananes séchées.... mais il faut apprendre à gérer.


Oh Merci Mille fois pour les deux carreaux de chocolat offert ! Je l'ai laissé fondre sur ma langue, avec contact du palais pour avoir le maximum de sensations gustatives, par petits morceaux, avec de grands intervalles pour profiter au maximum du goût résiduel qui dure, dure... - je me souviens à peine de ma tendance à engloutir ce que j'ai à profusion à ma disposition... n'attendant même pas le temps qu'il fallait à mon esprit pour envoyer à l'estomac le signe de la satiété... - J'aimerais toujours me souvenir du plaisir éprouvé à attendre, puis apprécier, doser et retarder au maximum la prochaine minuscule prise, juste assez pour recommencer cette dégustation d'ascèse, qui n'a absolument rien à voir avec les privations.


Il faut donc avoir eu pour pouvoir passer à l'étape suivante qui est de maîtriser consciemment la consommation. Voilà pourquoi je sens un malaise quand j'entends une personne « nantie » se permettre de critiquer le clochard ou l'indigène du tiers monde parce qu'il convoite l'opulence affichée.


A table : les conversations vont bon train, les fous-rires fusent, parfois je n'en connais pas la raison mais ris quand même, les sujets se succèdent, se télescopent, c'est un peu incohérent mais qu'importe, je me sens libre dans ce brouhaha, libre d'écouter ci et là, de parler ou de rester silencieuse, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du groupe, merveilleusement moi-même.


Le dîner se compose d'une demi-pizza bien cuite, avec du vrai fromage, et d'un momo fourré aux pommes de terre ; quelle bonne surprise ! puis grand silence pendant que tout le monde se sustend, on n'entend plus que le bruit des couverts et une fois rassasiés, nous nous retirâmes tôt dans nos « appartements » car la journée a été « physique ». Ce soir, la lumière ne fonctionne pas dans la chambre. Les lampes-frontales sont bien utiles.


... je ne suis pas certaine de la correspondance des écrits avec les jours précisés....


DIMANCHE 26 AVRIL 2009


Un hélicoptère atterrit, impressionnant, sur une petite surface plane ; des hommes déchargent les affaires d'un group de nantis... mais pourquoi dis-je qu'ils le sont ? Pas plus que nous, accompagnés par des porteurs contents de travailler et avec qui nous pouvons parler. C'est une évidence.


Aujourd'hui, j'ai mal préparé mes affaires,j'ai oublié mon SG, mon Tshirt manches courtes, je ne trouve pas ma barette non plus... enfin, rien de primordial.


Nous marchons sur un « boulevard » pour trekkeurs, les allers-retours se faisant sur le même chemin ; il faut souvent laisser la place à ceux qui viennent en face. Parfois en nombre. Nous croisons quelques femmes accompagnées de porteuses. Leur charge est tout aussi impressionnante que celle des hommes.


Macha = poisson (Machapuchare...ressemble à une queue de poisson).


Nous atteignons 3 700 mètres d'altitude. Le lemon tee est réconfortant, un apport de calories apprécié après ces efforts.


Bil, le guide, a souvent mal à la tête ; il aime qu'on s'occupe de lui et qu'on lui propose des cachets.


Ma bassine a servi à tout le monde, c'est pratique pour faire un minimum de toilette.


Himalaya hôtel – Camp de Base des Annapurnas (ABC), 6 heures de marche, 4 130 mètres. Froid tout à fait supportable. Soleil, vent... on aperçoit des monticules de neige surmontés de terre dans laquelle de l'herbe réussit à pousser et qui, d'ailleurs, empêche la neige en-dessous de fondre, ils ont l'air d'énormes champignons, c'est une image insolite.


Merveilleux repas, fried rice (riz frit ) + thon ; pas de dessert mais I a partagé son chocolat au lait, j'ai eu double ration ! .... devinez pourquoi ? .... décidément, ma réputation n'est plus à faire et ma gourmandise avérée.


Le ciel se couvre rapidement, le vent se lève, la température chute brusquement. Nos deux amis alpinistes ne sont pas encore revenus ; nous scrutons en vain le paysage, à l'affût du plus petit point noir mouvant qui pourrait les signaler... rien. Dany, le guide, a l'air inquiet. Le thé détend un peu l'atmosphère et est source de chaleur bienvenue ; c'est bien peu de choses mais tellement précieux, réconfortant... je refais un tour dehors, j'aperçois un four solaire : c'est une manière efficace de cuisiner sans utiliser le bois, rare à cette altitude. Le refuge est parrainé par BATIBOIS.


Nous sommes à 3 à lire et à faire la sieste dans la pièce unique servant à la fois de coin cuisine, de salle à manger, de dortoir et de « salon ». Il fait froid. La radio est allumée. Des touristes arrivent, des chinois. Les cuisiniers fredonnent les chants entendus à la radio, mélodieux, agréables.


Je sors, l'air est glacé, l'eau également. Je me lave les mains qui se réchauffent tout doucement, grâce au fait que je bouge, le sang circule mieux,je me réveille de ma torpeur. Pas d'alpinistes à l'horizon. Dany part à leur rencontre.


Je retourne dans la seule pièce chauffée à la chaleur humaine. Nous lisons, écrivons, blottis sous un sac de couchage.


Je retourne dans le froid, histoire de me réchauffer un peu... cela paraît incohérent mais ce ne l'est pas tout à fait car en se forçant à bouger on se réchauffe. Je ne peux aller très loin et n'en ai d'ailleurs pas envie. Je refais le tour du « pâté de lodges » et je découvre à chaque fois d'autres endroits, là un stupa décoré de drapeaux de prière, ici on brûle les déchets dans un trou. J'enjambe une énorme flaque d'eau car à cette température il vaut mieux ne pas se mouiller les pieds


Nous sortons à tour de rôle pour scruter l'horizon quand, enfin, on les voit, petits points qui avancent au loin ; un porteur évalue le temps de marche qui leur reste à parcourir à 2 heures ! Cela me paraît long mais c'est l'illusion optique d'altitude.


Enfin ils arrivent, visiblement exténués, bleuis par le froid et l'effort, mais heureux d'avoir accompli cet exploit de grimper à plus de 5 600 mètres d'altitude. Une photo est prise pour immortaliser ce moment, en compagnie des non moins valeureux porteurs.


Puis suivent les réjouissances, c'est un repas de fête : énorme momo aux légumes, des pâtes assaisonnées, des frites... je mange tout....


Nous nous couchons à 20 heures. Je n'ai pas sommeil ce soir, effet de l'altitude ? Fous-rires sonores traversant les minces cloisons. Les pieds ont du mal à se réchauffer, puis le sommeil me gagne ; le matin, je me rends compte que j'ai passé la meilleure nuit du trek et que j'avais bien chaud dans mon sac de couchage sur lequel j'ai étalé tout ce que j'avais qui pouvait tenir chaud, les polaires notamment, mais aussi tee-shirt, serviettes... ; ce n'est pas le cas de F qui s'est battue toute la nuit, entortillée dans son sac ; hier soir elle avait emprunté une couverture aux porteurs en ne se rendant pas compte qu'elle pourrait peut-être leur manquer ? Je crois qu'elle a eu des remords toute la nuit, sans oser la ramener discrètement car ils l'auraient bien sûr refusée.


J'ai réveillé les gens trop tôt, trompée par la clarté du ciel alors que le soleil n'a pas encore pointé le but d'un rayon ; pourtant la montagne d'en face est déjà illuminée.... il fait – 5°, l'eau est gelée bien sûr. Quel bonheur de s'étirer dans ce paradis visuel et ce calme régénérateur. J'ai l'impression de plâner. J'ai tôt fait d'atterrir grâce à une susceptibilité – sensibilité, pour moi incompréhensible, puisque j'ai rendu service en prévenant une personne que quelqu'un l'attendait impatiemment. Tout cela est bien humain. Je suppose que ce voyage peut aussi nous mener aux limites de notre tolérance, plus facile à cultiver dans notre milieu habituel de vie. Je garde à l'esprit que les différences enrichissent si on arrive à dépasser les stades successifs qui peuvent être la surprise, la vexation, le besoin de se justifier, l'agressivité et dans les temps primitifs, le combat ! Nous n'en arrivons pas là, fort heureusement, quoique les mots peuvent être très blessants. Je continue mon exercice en me forçant à voir ce qui peut avoir été touché en moi ? L'introspection ne dure pas car le soleil teinte progressivement les montagnes et je suis fascinée par les couleurs changeantes. Je ne peux me lasser d'admirer ce tableau ; tout le reste est éclipsé ou reprend sa juste place.


Je cherche de l'eau à la cuisine pour me laver car le tuyau d'arrosage est gelé.


Porridge, toast, pas de chapati, je suis un peu déçue... touriste trop gâtée !


Nous nous remettons en route. Le chemin du retour est désormais entamé. Pour moi, à ce stade trek, j'ai envie d'accélérer le pas, il n'y a plus l'attente du sommum. Passage de névés : nous sommes initiés. Au fur et à mesure de la descente, nous nous allégeons, les polaires, bas de pantalons, chaussettes, bonnet, écharpe ne sont plus nécessaires. Les pierriers.... j'avais oublié ! Et la traversée du fameux torrent.... même là, j'ai l'impression d'être comme blasée.... dans le bon sens puisque j'avance sans avoir peur ! c'est plus facile.... question d'appréhension ou y avait-il vraiment plus de cailloux stables ?...


A midi nous sommes à 2 900 mètres d'altitude. Nous mangeons des chapatis gras, des pommes de terre baignant dans une sauce épicée, c'est excellent. Nous finissons par le thé. Rassasié, repus, c'est l'heure de la sieste.


Un porteur porte une bouteille de gaz sur le dos. Il ploit sous la charge mais sourit à grandes dents.


L'eau est tellement douce qu'on a du mal à se rincer les mains ensavonnées. Nul besoin de crème pour éviter de dessécher la peau.


Belle image que les racines des arbres qui poussent au bord du chemin ; elles ont tellement été foulées depuis des décennies, un siècle peut-être, qu'elle sont lustrées, polies : formes magnifiques, aux couleurs chaudes du bois, ce sont des oeuvres d'art à admirer tout au long de notre chemin, nul besoin de payer l'entrée d'un musée ici. Tout est accessible à ceux qui veulent simplement voir. Bien sûr, ce genre de « tableau » ne jouit pas de l'aura artistique dans notre monde moderne.... puisqu'il est impossible de lui attribuer une « valeur vénale » donc forcément inintéressant sur le plan économique. Il ne sera jamais considéré comme étant « incontournable à voir », tel ce tableau au dessin artificiel, à la mode dans les salons des gens cultivés, leur donnant prestige et pouvoir.


Mémorables bains de pieds dans le torrent, des cuvettes d'eau tiède tentantes, on pourrait presque s'y prélasser.


Des poubelles jusqu'à une certaine altitude. Au-dessus il est demandé aux marcheurs de transporter leurs déchets, c'est légitime. Eh oui, il faut avoir vécu cet épisode pour se rendre compte que les bouteilles en plastiques encombrent nos poubelles occidentales, même si pour l'instant encore nous pouvons royalement l'ignorer puisqu'une ou deux fois par semaine, le camion des éboueurs nous en débarrasse, dans l'apparence seulement. Nos yeux ne les verront plus mais quelque part elles achèvent leur vie de plastique en polluant le paysage ou l'air... le pire est que les citadins n'ont même plus le choix puisque l'eau du robinet est devenue inconsommable ; j'en ai fait la triste expérience en ce début d'année : après 3 mois de consommation d'eau javellisée ou pire, laps de temps durant lequel je voyais ma peau se deshydrater peu à peu, je me suis enfin et miraculeusement rendue compte de la cause du problème n'était autre que la mauvaise qualité de l'eau en ville... à partir du moment où j'ai commencé à filtrer l'eau avec un mélange de charbon et d'argile, ma peau a retrouvé son aspect normal. Je n'ose pas imaginer les dégats à long terme. Qu'en est-il de la surveillance sanitaire ? Peut-on un jour demander à certains technocrates de réviser leurs taux standarts et leurs connaissances obsolètes, basées pour partie sur des critères de rentabilité économique ? Et nous commençons tout juste à émettre l'hypothèse d'une toxicité du plastique qui enferme nos sources de vie.


Ce soir nous dormons au Bamboo Lodge. La douche coûte 70 roupies (O,70 euros) l'eau est chaude mais je continue à utiliser uniquement l'eau froide. Nous avons aperçu un singe dans un arbre. Dans les lodges on peut toujours acheter du coca et d'autres boissons en cannettes, mais l'eau en bouteilles se fait rare et je comprends, des barres de chocolat genre « Mars » mais pas de tablettes de pur chocolat, dommage ; des petits gâteaux pas très engageants, un bon thé au citron (lemon tee) et d'autres sortes, au lait, au gingembre etc... de la bière toujours ; le lassi ne se trouve qu'en ville.


LUNDI 27 AVRIL 2009


ABC – DOVAN 2 381 mètres

Notre guide Dany projette d'aller au Camp de base de l'Everest, 8 jours de marche... j'aimerai bien faire ce périple. La nuit tombe vers 19 heures. Il fait encore froid, un peu humide. Un porteur transporte de longues tiges de bambous.


Nos discussions quotidiennes : qui ronfle ? Comment est ton transit ? Ton sommeil ? Tes ampoules ? Tes genoux ont-ils supporté la descente ? Combien d'eau emmènes-tu pour la marche ? A quelle heure faut-il avoir préparé les bagages ? Le porridge est-il préparé avec de l'eau ou du lait ?


Sous la table il y a comme une tombe..... c'est en fait un espace où loger un radiateur en hiver, enfin à la fin de l'été je présume.


MARDI 28 AVRIL 2009


DOVAN – DJINU DANDA (1 800 mètres)


Je me suis réveillée à 3 heures... j'écoute les bruits, le torrent, les oiseaux un peu plus tard, les porteurs-guide commencent à émerger. On entend beaucoup tousser et cracher. Ils font leur toilette matin et soir. La propreté du corps leur importe, malgré l'état de leurs habits, ce que je comprends fort car il n'est pas facile de laver son linge en étant itinérant. De plus, nos bagages de touristes leur pèsent sans qu'ils ne souhaitent en rajouter pour avoir des changes... Sincèrement si je n'avais pas de machine à laver et de la place pour sécher le linge (même dans mon appartement, actuellement, je suspends les tee-shirts, pantalons, vestes, serviettes sur des cintres que j'accroche à la barre de rideau, devant la fenêtre ouverte, ce système est presqu'aussi efficace qu'une machine à sécher le linge et bien moins énergivore... petite idée en passant), je ne me changerais pas aussi souvent !


Il fait doux par rapport au matin précédent, 10-12 ° à 2 300 mètres d'altitude. C'est un plaisir de s'asseoir dans la cour et de regarder alentours le ciel qui commence à rougir ; la dame-tenancière du lodge pique une barre d'encens dans chaque pot de fleurs, veut-elle chasser les mauvais esprits ? En tout cas j'aime sentir ce parfum, surtout à l'air libre où l'oxygène ne manque pas, contrairement à l'encens brûlé dans une pièce qui peut vite devenir étouffant.


Je fais un tour dans le jardin : du chou, une espèce d'épinard. Un compost dans un coin, un coq qui a l'air de jouer le rôle d'un chien de garde. Les chèvres ne sont pas encore réveillée. Et le chat au pelage gras ? Derrières les lodges une cabane fume de tout côté, en France on crierait à l'incendie.... ici, c'est normal, c'est la cabane-cuisine, « on y frit des chapatis » m'informe Dany qui sort sa tête de la tente dans laquelle il a passé la nuit. Il y a « Boudha Guest House » à Bamboo le Bas, le village étant construit sur 3 niveaux, avec Bamboo le Haut et Bamboo tout court, comme en Alsace les Nieder, Ober et Mittel....


Une musique s'élève, je reconnais le célèbre Mantra « om mani padme om ».


Je gère l'eau : le demi-litre aseptisé le soir que je bois au réveil, puis je prépare ½ pour la matinée, idem à la pause de midi, auxquels ½ litres se rajoutent l'apport thé, eau pendant les repas.


Aujourd'hui nous montons pour redescendre, puis remontons pour encore rescendre plus bas, cela pourrait être décourageant. Nous repassons devant des lodges «connus ». Des abeilles construisent leurs ruches dans les arbres, des plats de piments sèchent au soleil sur les toits des maisons


Les oiseaux nous accompagnent avec leurs chants mélodieux, exotiques. J'ai quitté les socquettes pour être pieds nus dans les sandales; parfois les toilettes turques sont scellées dans du carrelage mais la plupart du temps elles sont posées dans la terre battue. Mais toujours un robinet avec un seau, un pichet, parfois une poubelle car, bien sûr il faut éviter de jeter le papier dans les toilettes, au risque de les boucher. La lumière est parfois en option non proposée.


Bernard a compté les marches pour monter à CHAMRUNG ; au retour, Alfred a vu son tee-shirt, donné à l'aller, sur un fil à sécher le linge.


Magnifique coq, fier, coloré.


Midi : chapatis, chou chinois en salade, frites sardines. Thé.Une chute de revêtement de sol/parquet en guise de nappe sur la table.


Le temps est brumeux, il fait moins chaud mais les rayons du soleil restent redoutables. Je bois un lemon tee. C'est un remontant, on recharge nos batteries après cette grosse montée. La descente, caillouteuse est tout aussi éprouvante.


Heureusement qu'une bonne surprise nous attend : les bains chauds « beautiful Wiew », 2 bassins, l'eau est presque brûlante. On se lave à l'eau chaude et au savon, quel bonheur, j'ai l'impression de me décrasser.... pourtant, après quelques minutes d'immersion, cette température devient désagréable pour mon corps, elle me ramollit. Je sors, fatiguée mais détendue.


J'admire le torrent écumant juste à côté, un brumisateur ; il serait si bon de s'y immerger après ce bain alanguissant. Bien sûr on joue à s'éclabousser... des gamins qui s'amusent.


Au retour, j'aperçois un très vieil homme, perché dans un arbre à plus de 10 mètres de haut ; je l'ai vu grimper avec une agilité incroyable.


Un chien se sert dans la poubelle, il retire sa truffe emprisonnée dans une boîte de sardine. Il la nettoie parfaitement, le recyclage en sera facilité.


Discussion de groupe, combien, comment, pourboire, distribuer habits ou non.... vive et engagée, qui dure. Nuls problèmes familiaux, professionnels, économiques à résoudre pour nous au Népal, alors les détails nous accaparent plus que d'habitude. Il faut encore et toujours débattre ? L'humain a donc bien du mal à vivre en paix.


OH un Wc cuvette.... pas de seau.... pas de pichet.... je sors, M est devant la porte, attendant son tour ; je la préviens ; elle s'esclaffe : « mais tire la chasse d'eau ! » ....


Je n'avais pas remarqué ce luxe... en une semaine j'ai oublié le fonctionnement des toilettes françaises...


Le népalais est à l'affût de tout ce qui peut nous être agréable, nécessaire, utile dans la mesure de ses possibilités. Cette propension, bien naturelle, dénote une envie de connaître l'autre, d'être à son écoute.


Par contre, rien ne peut « manquer vraiment » ; c'est ainsi, proposé avec le coeur, dans les limites de leurs moyens, avec une sincérité enfantine, sans calcul. Il m'arrive parfois de surprendre la lueur de contentement dans leurs yeux quand ils perçoivent notre étonnement de trouver tel ou tel objet, ou commodité, communs chez nous, dans leur petit village.


Heureux d'avoir ce qu'ils ont, pas plus.


Aucun regret de ne pas avoir tout, nulle trace de fuite en avant vers des acquisitions futures, typiquement occidentale, générant tellement d'insatisfactions.


« Le présent apaisé » pourrait être le titre du récit du vécu dans les villages montagnards du Népal.

Je pourrais rajouter « seul avenir possible pour tous ? » pour le deuxième tome !


Le dîner se compose de riz au chicken et pour moi, spécialement, un bol aux légumes variés et croustillants, huileux à souhait (préparation qui correspond à mon goût, parfaitement supportable si je me limite en quantité raisonnable, ce qui n'est pas difficile ici et c'est tant mieux) ; des oeufs durs équilibrent justement ce repas. Des fruits au sirop achèvent de nous régaler le palais.


La soirée est consacrée à la danse ; au fur et à mesure, l'ambiance s'échauffe, d'autres personnes habitant non loin viennent grossir simplement les groupes de danseurs et de chanteurs, sans que cela perturbe le « chef de choeur » qui n'est d'ailleurs pas toujours la même personne. On ne parle pas, tout se met en place au fur et à mesure des venues ; des touristes se rajoutent, certains se fondent dans les groupes, tels des caméléons ; habits, façon de danser, de chanter, ils ont adopté jusqu'à la coiffure locale et certainement l'odeur, mélange de feu, d'épices et de tissus imprégné de sueur ; le tout n'est pas malodorant.


La constitution de la chorale est visiblement improvisée. Certains chants sont relancés, inlassablement, par des voix différentes ; les regards échangés suffisent à créer un ensemble cohérent où les voix s'appellent, s'harmonisent, se répondent, se complètent. Les fausses notes sont impossibles.


Joie d'être ensemble, se comprendre sans discuter. Beau tableau que je ne me lasse pas d'admirer sans pour autant l'intégrer, tout en me sentant parfaitement à ma place, en harmonie. Sain voyeurisme qui élargit ma capacité d'aimer de façon inconditionnelle, sans désir autre que celui de faire durer ce moment magique. Symbiose qui n'appelle pas cette similitude basée trop souvent sur l'amputation d'une partie de soi-même ou le mimétisme énergivore.


Le corps me rappelle à l'ordre : je suis fatiguée, mes yeux sont lourds. Je dois encore tenir un peu : on nous décore de colliers de vraies fleurs, odorantes. Par contre, et je ne l'ai su que le lendemain matin, je me suis couchée avant qu'on nous serve un succulent thé au gingembre.


MERCREDI 29 AVRIL 2009


JHINU DANDA – POTHANA (1 990 mètres)

Nous redescendons à 1 400 mètres d'altitude (je pense à notre Ballon Alsacien), mais avant de démarrer, F et moi avons tout juste le temps de négocier quelques achats déjà repérés le soir, pour moi un petit pendentif représentant le « Noeud Infini ».


Nous traversons un pont suspendu, impressionnant mais ne présentant aucun danger. En 10 ans je pense que des progrès ont été réalisés dans ce domaine.


En marchant, je relève un autre point positif à ne pas m'encombrer de bâtons : le balancement des bras au rythme des pas m'aide à garder l'équilibre dans les endroits difficiles : le corps, souple, peut ainsi répartir son poids autour du centre de gravité, jouant avec les mouvements des membres, non entravés.


En chemin, un enterrement. Calme et palabres. Des groupes d'hommes : leur mine n'est pas triste, seulement sérieuse. La couleur de l'habit de deuil est le blanc. Une personne ayant perdu son conjoint s'habille de cette couleur pendant au moins 6 mois, Certains hommes se rasent le crâne.


A midi, Dany distribue les paquets d'habits que nous avons apportés ; il a constitué des paquets équitables, adaptsé aux besoins de chacun, une veste, un sweat, un pantalon, une chemise ou un tee-shirt par tête. Le village s'appelle « Simli Bazar »... nom évocateur.


Le pourboire est pareillement attribué, suivant une équité non pas mathématique, mais en rapport avec la fonction et l'âge des récipiendaires. Au népal, le salaire moyen d'un porteur se situe aux environs de 20 euros, une bonne rétribution est évaluée à 40 euros, le cuisinier et le guide ont eu chacun 50 euros. Tout le monde était content, nous aussi !


JEUDI 30 AVRIL 2009???


POKHARA – KATHMANDOU (7 heures de bus) retour à l'hôtel SAMSARA


POKHARA, à 900 mètres d'altitude, étape idéale pour se reposer et reprendre haleine après la vie trépidante de Kathmandou, ou départ de treks ! Beaux points de vue sur le Dhaulagiri, les Annapurnas et Machhapuchhare....


Retour sur piste 4/4 lourd, bus local, croisement difficile, mais toujours possible contrairement aux apparences, car leur « code de la route » est basé sur le respect des besoins et possibilités de l'autre, par le regard, les gestes, les klaxons utilisés sans retenus.


Beaux paysages, villages, enfants rentrent de l'école, les bêtes se promènent sur la route.


Voilà que le camion tombe en panne ; on ne peut plus changer les vitesses... Nous nous asseyons au bord de la route, pour certains dans le fossé. Les téléphones portables fonctionnent, des mécaniciens viennent en moto pour réparer sur place la courroie de transmission. Nous sommes à 24 avec les porteurs, certains ont voyagé sur le toit. Il ne fait pas froid, nous n'avons pas encore trop faim, pas d'avion à prendre, donc pas de catastrophe, patience ! Une heure passe.


Nous regardons passer un bus transportant les convives d'un mariage ; autre bus qui peinait tellement que je pensais qu'il lui arriverait le même sort.... on aurait pu prétendre à un rabais de dépannage... C'est l'heure de la sortie des écoliers ; ils souhaitent qu'on les prenne en photo.


Acrobaties pour faire pipi discrètement, sur le bas côté donnant sur un aplomb vertigineux.


Ah voici la moto-mécanicien qui arrive en trombe : le passager arbore fièrement une simple clé à molettes.


Les jeunes porteurs sont nonchalamment couchés sur le toit, observant placidement la suite des évènements avec curiosité et amusement.


Le moteur de la moto tourne toujours, les gaz polluent, cela n'a pas l'air de gêner les gens autour qui haussent la voix pour se faire entendre ; peut-être ont-ils peur de ne plus pouvoir démarrer ?


Après un long échange verbal dont le sens nous reste caché et quelques manipulations au coeur du moteur à l'aide d'une clé et d'un chiffon, et voilà que le bus redémarre en dégageant de grands nuages noirs. Un concert d'applaudissement retentit, mérité ! La carcasse ressucite... pour combien de temps ? Qu'importe, l'instant seul compte ; tout le monde s'engouffre dans l'habitacle qui nous semblait tout à l'heure bien exigü et qui, d'un coup, devient sinon acceptable, du moins un passage obligé pour poursuivre notre route. Nous félicitons et remercions ces magiciens au quotidien.


Nous continuons sur POKHARA (altitude 900 mètres), qui est une petite ville moins polluée et bruyante que sa grande soeur Kathmandou.


Le repas du soir est un classique népalais, délicieux : dalbat et lassi. Pour digérer, nous nous promenons vers le lac, en passant par le Palais Royal, bien gardé par des hommes en uniforme perchés sur les murs hauts, munis d'impressionnantes mitraillettes.


La nuit ne fut pas très calme, un singe hurleur - qui n'a pas volé son nom - et des moustiques ont peuplé mes rêves empreints de réalité. Cela m'a donné l'occasion de me lever tôt ; dans la rue, des vendeurs proposaient des petits pains européens, au chocolat, aux raisins secs. J'ai préféré manger... quatre oeufs et rien d'autre.... comment digérer cet excès ? Mon secret est d'éviter le mélange des aliments, ce qui facilite grandement la digestion.


Nous repartons sur la route. La façon de rouler des Népalais démontre que , même en l'absence apparent de respect du code de la route de base que nous connaissons, le bon sens fait des miracles, chacun prend l'autre en compte, évalue des possibilités et besoins propres ; le plus rapide dépasse et celui qui vient en face négocie en fonction de sa vitesse qu'il règle de façon à éviter la collision, c'est le bon sens qui ignore le crime de lèse-majesté ou la supériorité des grosses cylindrées ,ou mêmes des conducteurs sur les conductrices...., mentalités bien occidentales... cela marche.... presque toujours!


Nous nous arrêtons au bord de la route pour prendre le repas de midi, dans un « fast-food » où les gens défilent ; endroit assez désagréable, un peu comme nos arrêts sur les autoroutes. Les gens ne sont pas « présents » mais en route, poursuivant un but devant être atteint le plus vite possible. Manger au lance-pierre.... je me demande comment le corps assimile cette nourriture d'envie et de besoin uniquement.


La partie suivante du trajet est moins agréable, la chaleur se ressent davantage, la vue d'un bus renversé sur le bas côté ne rassure pas. Je somnole. Je n'ai pas la force de lire, ni même de parler. Je regarde, j'écoute, je dors, je m'étire, je bois.... moi aussi j'ai hâte d'arriver au but.


Autour de Kathmandou de nouvelles contructions s'élèvent, la ville s'étend. La circulation s'intensifie jusqu'à devenir quasiment impossible. Le bus nous dépose dans une rue transversale ; nous traînons nos bagages jusqu'à l'hôtel où je suis surprise du calme qui règne dans la jardin, à quelques mètres seulemtn de l'agitation citadine. Je pousse un ouf de soulagement. Douche, rafraîchissement, repos ; Fabienne et moi décidons de manger dans un restaurant népalais qui nous sert des momos, des légumes avantageusement assaisonnés aux épices exotiques, Je reconnais le gingembre et le massalé, qui est un mélange d'épices (coriandre, cumin, fenugrec, moutarde, girofle, curcuma). Et pour finir... devinez ? Un lassi bien sûr ! Après ce festin, nous faisons le tour du quartier tibétain ; les rues sont très animées, abondamment illuminées ; les échoppes ferment tard, vers 22 heures. Un petit orage éclate, il rafraîchit et purifie l'air lourd et poussiéreux.


VENDREDI 1er MAI 2009


Je me réveille avec l'horrible bruit du transformateur, vers 4 heures du matin. Je pense avec nostalgie aux chants des oiseaux, les conversations entre porteurs, même les aboiements de chiens au loin étaient doux à l'oreille par rapport à ce ronflement insistant et tellement nécessaire à la vie urbaine. .. prix à payer pour le superbe petit déjeûner-buffet, celui que je préfère, légumes, lassi, fruits et pour tous les goûts petits pains, confiture, saucisse, crêpes, thé, café, jus d'orange : je mange successivement avec plusieurs personnes... mon petit déjeûner dure près de deux heures... je ne sais pas ce qu'en pense le serveur.


Bel exercice relationnel : dès qu'on paraît différent (mais tellement semblable, cf un chant d'I Muvrini) ou qu'on « empiète » sur les plates-bandes d'un sachant professionnel/reconnu, on suscite des réactions plus ou moins virulentes. J'apprends à tempérer, à être plus discrète, à me laisser moins emporter par ma fougue naturelle dès que des sujets m'intéressent, à écouter et à considérer l'autre, à y voir plutôt un partage qu'une rivalité.


Journée libre à KAHTMANDOU – visite d'un centre créé par Alsace Népal.

Durbar Square et le Palais Royal, quartier qui a gardé son allure traditionnelle, aux anciennes demeures qui tombent en ruine pour certaines, par manque de moyen, vestiges d'un passé lointain, petites courettes avec des temples votifs individuels. La dévotion fait partie intégrante de la vie au Népal.


La Kumari est une jeune vierge choisie ; elle confirme rituellement le roi dans ses fonctions chaque année.


Trois gamins adolescents nous suivent, tour à tour insistants, gênés, moqueurs, je ne sais pas trop ce qu'ils cherchent mais un moment je fais volte-face et le leur demande : ils se regardent, un peu gênés : ils recouvrent vite leur sans-froid, ils se jettent des regards de connivence : ils souhaitent simplement qu'on leur parle en anglais, en français, ce que nous faisons de bon gré. Les rires fusent.


Le marché : extraordinaire palette de couleurs. Chaque personne joue son rôle. Tout le monde semble avoir quelque chose à proposer à la vente. Un porteur passe avec un réfrigérateur sur le dos, un rickshow grinçant nous dépasse, des immondices côtoient les articles proposés à la vente, on y vend légumes et fruits bien sûr, mais aussi des tissus, de la vaisselle, des bibelots .


Je repère un marchand de « lassi de rue » et me laisse tenter par cette boisson préparée de façon rudimentaire, les verres et ustensiles utilisés n'étant certainement pas d'une propreté irréprochable. Le goût est plutôt acide, la consistance plus épaisse ; malgré ma demande de lassi « without suggar » il y a eu rajout de sucre ... odeur et goût excellents pour ce breuvage qui fleure franchement la vache. Rien d'anormal, on apprécie bien le Munster dans nos Vosges.


Il y a une manifestation aujourd'hui ; je ne suis pas rassurée, impressionnée par le sérieux du défilé, les visages graves, reflétant une espèce de passion contenue qui pourrait déborder à tout moment; une ambiance tendue, peut-être une opposition au marxisme ? Ils brandissent des drapeaux rouges, avec une inscription blanche ; les manifestants s'arrêtent devant un immeuble officiel entouré de barbelés – les policiers gardent les alentours, mitraillettes en main – pendant ce temps les voitures ne roulent pas et les mobylettes se font rares, repos soulageant les oreilles.


Les ruelles sont étroites et on y trouve une peu de fraîcheur ; les toits, en tôle, se touchent ; certains immeubles sont d'une beauté à couper le souffle, en bois ciselé, des portes énormes et massives arborant des symboles bouddhistes et hindous ; ici pas de harcèlement commercial, une rue de dentistes avec des fausses dents dans les vitrines, des garçons jouant aux billes – un petit troquet de rue, on y cuisine des momos à tour de rôle, à peine deux petites tables, les gens rentrent et sortent sans cesse, les « cuisiniers » changent en fonction des disponibilités de chacun. La mendicité semble absente, il y a des victuailles étalées partout, une riche diversité.


Nous nous engouffrons dans une galerie marchande, curieuses de voir les habits à la mode népalaise, les sous-vêtements, les ustensiles de cuisine, des articles kitsch, les télévisions à écran énormes ...histoire de savoir ce que consomme le népalais de base, à quoi rêve les femmes ? La mode européenne a contaminé le pays, notamment par des articles de marque. Je fais une tentative d'achat de baskets... j'abandonne car les grandes tailles de mes garçons ne sont pas disponibles.


Lasses et affamées, Fabienne et moi achetons des petites bananes (17) ; il s'agit de notre repas de midi. J'aime manger ce qui me plaît, librement, suivant l'envie du moment.


Nous sommes témoins de quelques coupures de courant, somme toute assez rares. Dans ma mémoire cela était plus fréquent à l'époque, il y a déjà plus de dix ans.


Le sachet de bananes est vide...qu'en faire ? le simple geste de le jeter dans la rue ? avec les peaux de bananes ? est difficile à faire ! Fou-rires... finalement Fabienne s'en charge et malgré le contexte, je sens une gêne m'envahir, j'ai l'impression de salir ce quartier.... alors que des kilos de détritus jonchent le sol...


Je vois les espèces de « cornichons plantes », ressemblant à des perroquets ; mon père nous en ramenait, on les mettait tout autour d'un verre rempli d'eau. Leur aspect rappelle vraiment l'oiseau et je m'imaginais qu'il s'agissait d'un animal quand j'étais petite. Ici c'est un légume comestible, j'ignore son nom.


Patan est une ville bouddhiste, Bakhtapur hindouiste. Aucune tension entre ces deux conceptions de vie n'est perceptible.


Je me lève vers 5 heures, j'en profite pour me remémorer les évènements de la journée précédente.


Echopes sombres proposant des ustensiles d'un autre âge, de la récupération tout à fait naturelle. N'importe quoi semble trouver son utilité dans ce pays.


Les mécaniciens népalais sont aussi noirs que les ramoneurs en Alsace !


On peut manger à toute heure, les repas sont préparés, cuits dans la rue, il y a des légumes, des beignets, de la viande, des galettes. La faim se fait sentir rien qu'à l'odeur alléchante des plats exposés, colorés et variés.


Ici, on précise : roupies népalais ou tibétains ; ces derniers ont plus de valeur.


Hier soir nous étions auX restaurantS : le groupe était divisé en plusieurs sous-groupes, il y avait des malades, des couples désirant se retrouver, les fans de pizza, les adeptes de la nourriture authentique népalaise... et les inclassables !


Je me laisse porter, emportée par les évènements successifs, je baigne dans les infos – contre infos qui circulent, suppositions et réalité se côtoient, difficulté à se projeter ne serait-ce quelques heures, dans le futur... cet état de « nonchalante irresponsabilité» m'est plutôt agréable, je m'y complais assez, cela me repose de ma vie occidentale trépidante de laquelle je me sens d'ailleurs complètement déconnectée au point que je peux me demander sincèrement si la reconversion est encore possible ?.. en revenant « sur terre », je me suis rendue compte, trop tard, que les porteurs sont partis ; je ne les ai pas salués, remerciés..


Il faut cependant rester un minimum vigilant pour les choses importantes, par exemple confirmer un vol, rassembler les affaires et médicaments à donner.


SAMEDI 2 MAI 2009


Matinée libre et transfert à l'aéroport, vol vers Franfort.


Dernière immersion au coeur de KATHMANDOU, ultime fièvre d'achat... choses incontournables, une façon de ramener un petit bout de ce pays, faire sonner un bol tibétain dans son salon, préparer le thé népalais, parfumer le riz en utilisant les épices orientales ...


DIMANCHE 3 MAI 2009


Transfert à l'aéroport.


Il fait lourd. Nous sommes fouillés plusieurs fois. Attendre. Etre en symbiose avec le milieu malgré tout. Sentir, voir, respirer, la conscience de se nourrir, tout embrasser, être d'accord à la fois avec le mendiant, l'homme à l'air important portant son attaché case, le chien galeux, le bébé qui pleure, les maisons délabrées ; tout ce tableau est un ensemble de vie, cohérent ou insensé selon notre conscience ou notre degré d'acceptation de l'incompréhensible, rien n'est statique, tout est dirigé vers le devenir de l'homme, de tous les hommes, du monde, de l'univers et plus vaste encore.


Pesées des bagages... dommage que les personnes ne passent pas sur la balance, le poids global ayant sensiblement baissé à la fin du périple - malgré les bons plats offerts par nos valeureux cuisiniers - , cela nous permettrait de ramener plus de choses.... et motiverait pour les cures d'amaigrissement !) A suggérer !


Escale à BARHEIN : nous sommes immédiatement dirigés vers la galerie marchande, respirer de l'air frais n'est pas pour aujourd'hui ; à défaut, nous « admirons » les produits de luxe astiqués scintillants, rutilants, éclairés par une lumière agressive, impossible de ne pas voir, même en fermant les yeux. Les Bahreinoises sont pour la plupart entièrement voilées, d'un chic impressionnant, habillées de tissus noir fluide, à la démarche très féminine. Les hommes semblent fiers d'accompagner leur beauté. F les prend en photo, l'air de rien. Fou-rires....


Petit calcul pour ne pas endormir le côté gauche du cerveau....

KATHMANDOU 19 h – BAHREIN 21 h10 (2 h 10 + 2 h 45 = environ 5 heures)

BAHREIN 1 h 10 – FRANCFORT 6 h 40 (5 h 30 + 1 h = 6 h 30)

Arrêt BAHREIN : 4 heures, soit à peu près 11 h 30 de vol.


Nuit paisible, deux repas ayant au moins le mérite de tromper l'ennui, s'il n'a pas celui de nourrir sainement.


Heureusement que je ne prends pas beaucoup de place, je plains les corps volumineux qui sont obligés de se plier dans cet espace minuscule.


Par le hublot, on peut apercevoir des puits de pétrôle qui flambent en permanence.... quel gâchis ! Une interminable route, complètement éclairée à 3 heures du matin, étalage de richesse énergétique.


Et pour clore, un magnifique lever du soleil sur un tapis de nuages blancs, cotonneux. Je ne serais pas étonnée de voir apparaître un Bisounours faisant du toboggan sur un arc en ciel et atterrir en chantant dans cette douceur vaporeuse.


Aller à la rencontre de l'inconnu, d'habitudes de vie différentes, découvrir des paysages de très grande beauté, tant sur le plan des cultures organisées en terrasse, que de la flore à son apogée à telle époque de l'année, les magnifiques petits villages traversés, et bien sûr établir d'autres liens avec ce peuple népalais et les enfants parrainés, parfois depuis de nombreuses années, perdre nos préjugés, nos peurs en cours de route. Etre curieux des différences : voici un aperçu des motivations, des belles raisons de voyager, au-delà du consumérisme exotique qui ne ferait que creuser un peu plus le fossé des différences au lieu de nous enrichir de part et d'autre.


Ecrire, c'est voyager, différemment, à l'intérieur de soi. C'est aussi un partage.

MERCI

2 commentaires:

  1. Salut, j'ai commencé à lire. Bravo, on a vraiement l'impression d'y être, pour tes pensées négatives, c'est peut-être ton impression, mais moi je trouve que tu relates très bien ton aventure. Et je suis fascinée par tous les détails que tu as retenu.
    A+

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  2. Merci Edithe pour ce texte magnifique.
    C'est une superbe idée que de partager tes écrits avec un (potentiellement ) si vaste public.

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