lundi 16 août 2010

cheminement de pensée

Pour respecter le cheminement de cette pensée, lire d'abord l'écrit de Guy SORMAN, puis la réaction de Yvon QUINIOU (le Monde 14/8/2010), reproduits en bas de page.

...trop souvent des amalgames faits et raccourcis empruntés par des gens qui publient pour des lecteurs qui n'ont plus le temps d'approfondir, donc lecture superficielle. Ce sont des écrits dangereux car ils véhiculent des idées qui ne sont fondées que dans l'apparence et qui n'ont d'autres buts que de discréditer ou de créditer des vues étriquées.

.... et les moutons avancent tous dans la même direction, nourris aux mêmes sources.

Eduquons nos enfants à l'esprit critique, la pensée libre ; qu'ils aient envie de chercher "leur" vérité par eux-mêmes et aussi le courage de les confronter dans le respect des autres et d'eux-mêmes.

Peut-être faudrait-il inventer un autre mot pour "communisme" , un mot qui véhicule ce que chaque humain devrait se laisser aller à ressentir profondément : l'autre, celui qu'on appelle ainsi, est un humain qui cherche à vivre, tout comme chacun de nous.
Nous n'avons pas tous les mêmes chances ni antécédents, mais tous nous voulons respirer, manger, nous sentir utiles, appréciés pour ce que nous sommes, pas pour ce qu'on fait de nous... et quand l'un ou plusieurs de ces besoins ne sont pas assouvis ou continuellement réprimés, certains n'ont d'autres moyens d'expression que la violence, l'asservissement de personnes plus faibles, le dénigrement pour se rehausser et se sentir "meilleurs"
N'est-ce pas simplement un appel à seulement EXISTER ? vivre dans la dignité ?
Je ne prononce pas le mot "Amour" qui est tellement dévoyé.
L'utopie, le rêve sont souvent fustigés mais peut-on simplement tendre vers un idéal ? sans peut-être jamais l'atteindre, me répond-on souvent. Et alors, est-ce une raison pour ne pas prendre consciemment cette direction ?
Oser parler de nos rêves au lieu de sombrer dans le découragement, partager nos idéaux avec nos enfants au lieu de leur asséner des "de notre temps.... maintenant tout est pourri...." mais évidemment il ne suffit pas de le dire : chacun de nos gestes, regards, paroles doivent aller dans ce sens, réellement, quotidiennement, inlassablement.
J'oubliais une chose importante : les résultats ne sont souvent pas à la hauteur de nos espoirs, ce qui fait que nous fatiguons et baisser les bras. C'est un autre écueil à franchir : ne pas attendre de "récompense", franchir cette étape de notre enfance. S'acharner à croire, non pas forcément en une Vérité Révélée, Religieuse, Politique, Idéologique mais simplement sentir que chacun de nous vit sur cette Terre pour finalement y passer le temps imparti de la façon la plus agréable et enrichissante possible, sauf que certains sont persuadés qu'ils doivent "prendre" pour "avoir". A force, ils oublient d'ETRE.
Un homme debout et digne. Se reflétant dans la souffrance de l'autre, ou imprégné par sa joie ?
Nous avons tous une responsabilité à ce niveau, aussi minime et "invisible" soit-elle.
La mer n'est-elle pas composée d'innombrables gouttes d'eau ?

Voilà la réflexion élargie suscitée par ces deux vues successives d'un fléau insidieux : l'inconscience de l'autre.
PS (humour) j'ai l'habitude de faire du "hors-sujet"
Edithe

texte publié par le Monde au réponse à un écrit de Guy SORMAN
Récuser Marx au nom des régimes communistes relève de l'amalgame ou de l'incompréhension (Yvon QUINIOU)
LEMONDE | 14.08.10 | 13h38 • Mis à jour le 14.08.10 | 13h38

La bêtise ou l'ignorance n'a pas de limites, mais elle a au moins un nom : Guy Sorman. Sa diatribe contre le communisme à l'occasion du procès - justifié, je le précise - d'un responsable des crimes des Khmers rouges (Le Monde du 10 août) témoigne d'une radicale incompréhension du projet de Marx, faute sans doute de s'être un tant soi peu renseigné à ce propos.

Une remarque préalable : sauf à verser dans le nominalisme qui fait du mot la chose, ce n'est pas parce que le régime cambodgien et les régimes "totalitaires" du XXe siècle qu'il dénonce se disaient "communistes" qu'ils l'étaient.

A ce compte, les chrétiens de l'Inquisition et des bûchers étaient chrétiens... alors qu'ils ne l'étaient pas ! Dans le cas présent, l'assimilation de ces régimes à l'idée communiste dont ils se réclamaient (cela est exact) tient à un double oubli, politique et théorique. L'oubli politique, d'abord : pour Marx le communisme était identique à une démocratie complète, dépassant la seule sphère politique des institutions, qu'elle intégrait, et investissant les sphères de la vie sociale et économique.

Corrélativement, cette démocratie intégrale, qui entendait même se passer d'Etat sur le long terme, avait pour ambition anthropologique de permettre la satisfaction des besoins de tous et, du même coup, d'actualiser les potentialités humaines qu'une société de classes mutile chez la majorité de ses membres. Marx n'a cessé de mettre l'émancipation individuelle au coeur de son projet, au point qu'il le concevait comme une association où "le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous" (Manifeste du Parti communiste, 1948) et non l'inverse ! Où Guy Sorman a-t-il donc vu que les régimes qu'il critique aient en quoi que ce soit ressemblé à cette définition du communisme ?

Le renforcement inouï de l'Etat, l'absence de pluralisme idéologique et de liberté politique, le contrôle collectif sur les consciences dans des domaines qui doivent en droit lui échapper comme la religion, l'art ou la science, enfin le recours à la violence meurtrière (même s'ils n'en furent pas les seuls responsables, ce que refuse d'admettre Guy Sorman) n'ont rien à voir avec le communisme marxien (et il n'y en a pas d'autre !), mais ils illustrent sa défiguration et l'illusion dans laquelle étaient ceux qui croyaient être sur la voie de sa réalisation.

Tout cela pèse encore d'un poids terrible sur notre situation politique et empêche d'admettre à la fois que l'idée communiste est généreuse, moralement exigible, et qu'elle n'est pas morte puisqu'elle n'a jamais existé dans les faits. Mais d'où vient cette dramatique défiguration ? C'est ici qu'intervient l'autre oubli, théorique, qui n'est d'ailleurs pas l'apanage de Guy Sorman puisqu'il est partagé par les commentateurs, voire les hommes politiques, y compris quand ils sont de gauche.

Marx, qui était un penseur matérialiste soucieux de comprendre scientifiquement l'histoire et pas seulement d'en dénoncer les injustices, a toujours estimé qu'une révolution communiste n'était possible qu'à partir des conditions économiques fournies par le capitalisme développé et à partir d'un ensemble majoritaire de salariés liés à la grande industrie.

Et si, à la fin de sa vie, il a envisagé avec Engels qu'une révolution pourrait se déclencher dans un pays arriéré comme la Russie, il a ajouté qu'elle ne pourrait réussir qu'avec l'appui d'une révolution en Europe l'aidant de ses acquis ! Sa théorie condamnait donc à l'échec, en quelque sorte par avance et sur la base d'un pronostic intellectuel, l'idée d'un communisme prétendant s'accomplir dans des sociétés sous-développées... ce qui s'est passé malheureusement au XXe siècle ; et les exemples de la Chine ou du Vietnam, se convertissant partiellement à une économie capitaliste, prouvent a contrario la justesse de cette vue.

Point n'est donc besoin d'affirmer que "la masse" ne veut pas du communisme et de suggérer ainsi que les hommes y sont par nature rebelles pour comprendre l'échec apparent de cette idée ; il suffit de réfléchir aux conditions historiques de sa réalisation telles que Marx les a conçues, qui nous montrent que le soi-disant "communisme réel" était un "communisme irréel", volontariste et utopique, voué à échouer.

En revanche, sur cette même base théorique et face à un capitalisme en pleine débâcle dont Guy Sorman ne dit mot (comme il ne dit mot des millions de morts dont il est, lui aussi, responsable ou des dictatures qu'il a engendrées ou soutenues), on peut penser sans naïveté que l'idée communiste peut resurgir en Occident, comme elle le fait à sa manière en Amérique latine, et qu'elle correspond aux possibilités objectives de notre développement historique, comme l'histoire du mouvement ouvrier en Europe l'a selon moi attesté au XXe siècle, sous la forme d'acquis qui avaient pour horizon une société postcapitaliste et portaient la marque de l'héritage marxien.

J'ajoute qu'elle est porteuse d'une universalité morale incontestable et qu'à ce titre on a le droit d'estimer, sans prophétisme, que la "masse" des hommes devrait un jour y reconnaître le visage apaisé de ses intérêts partagés.
M. QUINIOU philosophe

Texte de Guy SORMAN, 24 juillet 2010
Le Nuremberg du communisme.

Qunize mille victimes : trente-cinq ans de prison. Insuffisant , peut-être , mais historique cependant. Le 26 juillet 2010, à Phnom Penh, un certain Douch ( nom de guerre de Kaing Guek Eav) a donc été condamné à 35 ans de prison pour avoir dirigé de 1975 à 1979 un centre de torture qui fit quinze mille victimes. Douch fut l’un des rouages de la machine exterminatrice du règne des Khmers rouges. Contrairement au tribunal de Nuremberg qui, en 1945, jugea les dignitaires nazis, celui de Phnom Penh n’est pas géré par des puissances victorieuses : il opère au sein même de la Justice cambodgienne, sous le contrôle de l’opinion publique cambodgienne mais financé par les Nations Unies. On ne saurait douter de la légitimité et de l’objectivité de ce tribunal. La sentence a d’ailleurs été mal accueillie par les Cambodgiens qui, au regard des crimes commis par Douch, l’estimaient insuffisante. Celui-ci, évidemment, a fait valoir qu’il obéissait aux ordres de ses supérieurs : évidemment, puisque ce fut aussi l’alibi des dirigeants nazis à Nuremberg – Hitler étant mort- et celui de Adolf Eichmann à Jérusalem, en 1961.



Mais par-delà le cas de Douch qui n’était pas un dirigeant, qui juge-t-on à Phnom Penh ? On constate dans les médias occidentaux et asiatiques, comme dans les prises de position des gouvernements – particulièrement celui du Cambodge et de la Chine- une volonté certaine de réduire les crimes de Douch et de ses supérieurs à des circonstances locales. Une regrettable catastrophe se serait abattue sur le Cambodge en 1975, sous le nom de Khmers rouges et cette rébellion venue d’on ne sait où, aurait ravagé le Cambodge et tué 1,5 millions de Khmers. A qui, à quoi, devrait-on imputer ce que le tribunal a tout de même qualifié de génocide des Khmers par d’autres Khmers ? Ne serait-ce pas la faute des Américains ? Ceux-ci, en installant au Cambodge un régime à leur solde, auraient provoqué comme un choc en retour, une réaction nationaliste. Ou bien, ce génocide ne serait-il pas un héritage culturel propre à la civilisation Khmère ? Des archéologues fouillent, en vain, le passé pour retrouver un précédent historique. Mais , l’explication véritable, l’arme du crime , on la trouvera plutôt dans ce que les Khmers rouges eux-mêmes déclaraient : de même qu’Hitler avait décrit à l’avance ses crimes, Pol Pot (aujourd’hui décédé) avait expliqué par avance qu’il détruirait son peuple pour en créer un nouveau. Pol Pot se disait communiste : il le devint, étudiant, à Paris, dans les années 1960. Puisque Pol Pot et le régime qu’il imposa, se disaient communistes – et d’aucune manière les héritiers de quelque dynastie cambodgienne – il faut admettre qu’ils l’étaient vraiment, communistes.

Ce que les Khmers rouges imposèrent au Cambodge, ce fut bien le communisme réel : il n’y eut pas, ni en termes conceptuels ou concrets de distinction radicale entre ce règne des Khmers rouges et le Stalinisme, le Maoïsme, le Castrisme ou la Corée du Nord. Tous les régimes communistes suivent des trajectoires étrangement ressemblantes que colorent à peine, les traditions locales. Dans tous les cas, ces régimes entendent faire du passé table rase et créer un homme nouveau ; dans tous les cas, les « riches », les intellectuels et les sceptiques sont exterminés. Les Khmers rouges regroupèrent la population urbaine et rurale dans des communautés agricoles calquées sur les précédents russes, les kolkhozes et chinois , les communes populaires , pour les mêmes raisons idéologiques et conduisant au même résultat : la famine. Sous toutes les latitudes, le communisme réel patauge dans le sang : extermination des Koulaks en Russie, révolution culturelle en Chine, extermination des intellectuels à Cuba. Le communisme réel sans massacre, sans torture, sans camps de concentration, le goulag ou le laogaï, cela n’existe pas. Et si cela n’a pas existé , il faut bien en conclure qu’il ne pouvait en être autrement : l’idéologie communiste conduit nécessairement à la violence de masse parce que la masse ne veut pas du communisme réel. Ceci dans les rizières du Cambodge tout autant que dans les plaines de l’Ukraine ou sous les palmiers cubains : et les régimes communistes partout et toujours ne furent jamais qu’imposés par l’extrême violence.

Le procès de Douch est le premier procès, qui sera suivi bientôt par celui des hauts dirigeants Khmers rouges actuellement incarcérés, d’un apparatchik marxiste responsables dans un régime officiellement et réellement marxiste, léniniste, maoïste. Le procès du nazisme fut instruit à Nuremberg en 1945, celui du fascisme japonais à Tokyo en 1946, mais celui du communisme? Bien que le communisme réel ait tué ou dégradé plus de victimes que le nazisme et le fascisme réunis. Ce procès du communisme n’a jamais eu lieu, en - dehors de la sphère intellectuelle - pour deux raisons : d’abord, le communisme bénéficie d’une sorte d’immunité idéologique parce qu’il se réclame du progrès. Et surtout, parce que les communistes sont toujours au pouvoir, à Pékin, Pyongyang, Hanoi et La Havane. Là où ils ont perdu le pouvoir, ils ont organisé leur propre immunité en se reconvertissant en socio-démocrates, en hommes d’affaires, en leaders nationalistes, ce qui est le cas général dans l’ex-union soviétique.

Le seul procès possible et effectif n’a donc sa place qu’au Cambodge : mais ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas du procès des Cambodgiens par d’autres Cambodgiens : encore une fois, le procès de Phnom Penh est celui du communisme réel par ses victimes. Pour l’avenir, il faut imaginer, mais c’est incertain, un procès du communisme à Pyongyang, intenté par les victimes coréennes, ou un procès de Pékin, intenté par les victimes et leurs ayant-droits. Si ces procès devaient un jour se tenir, à Pékin ou Pyongyang, voire à Moscou ou à Kiev, on serait étonné par la similarité des crimes et par celle des alibis : partout des accusés sans courage se déclareraient victimes des circonstances ou des ordres d’un supérieur introuvable.

Une caractéristique étrange du communisme réel, révélée à Phnom Penh, est qu’après sa chute, aucun apparatchik communiste ne se réclame plus du communisme. Le procès de Phnom Penh montre combien le marxisme est très utile pour revendiquer le pouvoir, prendre le pouvoir et l’exercer de manière absolue: mais le marxisme comme idéal n’est revendiqué par personne , pas même par ses anciens dirigeants. Les Khmers rouges ont tué au nom de Marx, Lénine et Mao, mais ils préfèrent mourir comme des traitres à leur propre cause ou s’enfuir plutôt que mourir en marxistes. Cette lâcheté des Khmers rouges devant leurs juges révèle le marxisme sous un jour nouveau : le marxisme est réel mais il n’est pas vrai puisque nul n’y croit.

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