L’aéroport. Je me sens en vacances, mon esprit vacant pour
accueillir le moment présent, avec curiosité, sans autre contrainte que celle
de ne pas rater l’avion !
Juste attendre…. Ne plus penser… boire quand on a soif (de
toutes façons il faut vider la gourde d’eau avec les gouttes aux essences qui
ne passerait pas les contrôles… ) manger le pain grillé du matin… un bout de
chocolat, le dernier car dans 5 heures il ferai trop chaud….. ?
….. un retard est annoncé… nous
sommes relativement bien installés, le température est bonne, on peut observer
les gens, je ne m’ennuie pas… je perds conscience du temps…. Je n’ai pas de
montre, je me laisse vivre… quand TOUT A COUP ! …. M, M et M sont attendus à
l’embarquement, immédiatement… ils risquent de ne plus pouvoir embarquer !
« je rêve…. Nous courons vers la Gate (porte) 27…. Et effectivement, tout
le monde a passé au dernier contrôle sauf nous….. oui, nous sommes en retard…
juste le dire. Pas d’énervement, pas d’agacement, c’est bien agréable ;
Après avoir franchi cette ultime barrière il nous fallait
encore attendre… il est donc tellement urgent d’attendre …..
Aucun siège n’est plus libre, tout est étriqué… je pense aux
personnes corpulentes ; des enfants pleurent, l’eau est payante, la
publicité sur tous les sièges… je me permets de retourner cette
« quasi-agression », immixtion dans mes yeux et mon esprit, pour
vanter une boisson CC trop connue…. du vin en précisant qu’il est limité à 2
verres par personnes, une barre hyper-sucrée, un paquet de chips puis une pub
pour conseiller aux gens de manger moins sucré, moins salé, moins gras…. Images
imposées à 20 cm devant mes yeux, je ne peux y échapper… on dit que « les
yeux sont la fenêtre de l’âme »…. je regarde autour de moi, personne ne
semble offusqué. C’est un paysage qui est rentré dans la normalité pour presque
tout le monde. Je suis peut-être un peu moins « intoxiquée », n’ayant
pas la télé, ne lisant pas les magazines à sensation, les journaux distribués
gratuitement dans les trains (sauf de temps en temps pour me tenir au courant
de la « nourriture médiatique » étalée à tous vents…. Pour asservir,
forcer à l’allégeance devant les processus de rentabilité qui ne nourrissent
plus que quelques uns d’entre nous ?)… mais chacun est
« libre », enfin à la mesure de sa conscience. Le fameux
libre-arbitre…. Si tant est que l’arbitre existe encore ….. ou connaisse
les vraies règles….. ceci est une autre histoire.
Enfin, notre âme à intérêt à être bien stable si elle ne
veut pas se laisser influencer par ces incessantes et subtiles tentatives de
submersion mercantile… qui ne se limitent d’ailleurs pas à l’image ! …
voilà que plusieurs messages diffusés dans cet habitacle restreint nous
rappellent que nous avons l’unique chance d’acheter des cigarettes moins
chères, de l’alcool, du parfum ou d’autres produits de luxe de marques trop
connues.
Je regarde autour de moi, des oreilles se dressent, des
regards s’allument, des portefeuilles apparaissent, on discute en attendant le
passage du chariot magique qui trompe l’ennui, ou peut-être est-il aussi l’antidote
à une angoisse diffuse ; j’assiste au miracle de la multiplication des ….
Non pas des pains, mais pizzas, paquets de sucrerie, cannettes, cartouche de
cigarettes, paquets en tous genre …. Je ne savais pas qu’un tel petit
chariot pouvait contenir autant d’affaires et contenter autant d’affamés !
Dormez tranquille, braves gens ! nous nous occupons de
tout, pourvu que vous consommiez ce que nous proposons… tout en nous occupant
de votre « santé » !
prévenir des effets néfastes de l’alcool, en éduquant à la diététique…..
car si vous mourrez de mal-vivre…. Vous ne serez plus nos clients… sans
lesquels nous ne sommes rien, n’est-ce pas ?
…. La manière de consommer est bien l’arme politique la plus
redoutable…. Tellement mal employée ; au profit des antidépresseurs, cure
d’amaigrissement ou de dopage qui alimentent à leur tour tout un commerce
juteux…
J’engage la conversation avec l’hôte de l’air (un jeune
homme) : « mais oui, l’eau est payante mais c’est grâce à ça que vous
voyagez moins cher aussi ! il faut
que tout le monde s’y retrouve... »… me répond-il ; bien sûr si on en
reste à la périphérie du cercle vicieux, là où les dégâts de notre système
commercial sont déjà rentrés dans l’évidence incontournable. Il est trop jeune
pour avoir vécu les décennies où l’espoir d’une vie au service de l’humain
était encore permis, aux alentours des années 1980… puis tout s’est emballé
très vite, du moins dans la perception que j’ai pu en avoir du monde
« d’en-bas »…. Un jour j’ai compris que la rentabilité, le maître-mot
« argent » s’est infiltré dans tous les domaines, même la médecine,
même l’enseignement, même la justice….
Les acquis sociaux sont déviés de leur sens, mis à mal par la course à
toujours plus, pour toujours moins de monde… on critique l’assistanat alors
qu’il n’est souvent plus que la dernière ressource de vie dans cette société…..
on préfère ignorer tout le cheminement, les galères des générations
précédentes, pour se donner bonne conscience et encore croire que cela
n’arrivera pas à nos enfants à nous, les gens qu’on aime…. Et les autres ?
on préfère croire qu »ils n’ont pas assez travaillé » « qu’ils
n’ont qu’à rester chez «eux » » etc etc…. parce que NOUS, nous y
sommes pour quelque chose d’être nés dans une famille qui nous a appris le
respect ??? qui est reconnue dans la ville, qui nous a permis de faire des
études… non on préfère encore penser que ceux qui ont eu la chance de faire de
longues études méritent aujourd’hui des salaires 50 X plus élevés.. parce que
leur estomac, leur corps auraient besoin d’autres aliments pour vivre ?
d’autres tissus, plus fins, pour s’habiller ? davantage de vacances pour
se reposer ?, leur esprit plus fin pour apprécier les pièces de théâtre,
les concerts d’opéra beaucoup trop chers pour beaucoup de monde… allons allons…
… donc ma discussion avec ce jeune
homme s’est terminé sur un haussement d’épaules de sa part quand je lui ai
demandé si c’est bien l’humain qui s’y retrouve… ou seulement le consommateur
jouisseur nanti qui engraisse les dirigeants d’entreprise…
Il a continué, imperturbable et avec le sourire
(heureusement !) à faire fonctionner sa machine à carte bancaire.
Tout le monde est donc content… moi aussi avec mon pain dur
qui délivre toute sa saveur quand on le mâche longtemps, il faut le savoir pour
l’apprécier.
La folie consommatrice s’est un peu calmée mais les odeurs
en suspension de pizzas, chips etc persistent. Que dire des emballages hyper
contrôlés, aseptisés, aux marques et couleurs agressives, qui jonchent maintenant au sol… que de
déchets…. Le bébé s’est calmé, les gens repus s’endorment. Je me sens bien, sur
mon îlot… parmi tous ces gens qui font certainement de leur mieux, tout comme
moi, dans d’autres domaines que j’ignore. Je ne me laisserai pas aller à juger
et à condamner ; l’important est que je puisse vivre selon ma conscience
de moi et de l’autre, et que je puisse partager ce que je suis. Le partage
étant la seule richesse non vaine.
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