lundi 3 juin 2013

Prendre l'avion....



L’aéroport. Je me sens en vacances, mon esprit vacant pour accueillir le moment présent, avec curiosité, sans autre contrainte que celle de ne pas rater l’avion !
Juste attendre…. Ne plus penser… boire quand on a soif (de toutes façons il faut vider la gourde d’eau avec les gouttes aux essences qui ne passerait pas les contrôles… ) manger le pain grillé du matin… un bout de chocolat, le dernier car dans 5 heures il ferai trop chaud….. ?
….. un retard est annoncé…  nous sommes relativement bien installés, le température est bonne, on peut observer les gens, je ne m’ennuie pas… je perds conscience du temps…. Je n’ai pas de montre, je me laisse vivre… quand TOUT A COUP ! …. M, M et M sont attendus à l’embarquement, immédiatement… ils risquent de ne plus pouvoir embarquer ! «  je rêve…. Nous courons vers la Gate (porte) 27…. Et effectivement, tout le monde a passé au dernier contrôle sauf nous….. oui, nous sommes en retard… juste le dire. Pas d’énervement, pas d’agacement, c’est bien agréable ;
Après avoir franchi cette ultime barrière il nous fallait encore attendre… il est donc tellement urgent d’attendre  …..
Aucun siège n’est plus libre, tout est étriqué… je pense aux personnes corpulentes ; des enfants pleurent, l’eau est payante, la publicité sur tous les sièges… je me permets de retourner cette « quasi-agression », immixtion dans mes yeux et mon esprit, pour vanter une boisson CC trop connue…. du vin en précisant qu’il est limité à 2 verres par personnes, une barre hyper-sucrée, un paquet de chips puis une pub pour conseiller aux gens de manger moins sucré, moins salé, moins gras…. Images imposées à 20 cm devant mes yeux, je ne peux y échapper… on dit que « les yeux sont la fenêtre de l’âme »…. je regarde autour de moi, personne ne semble offusqué. C’est un paysage qui est rentré dans la normalité pour presque tout le monde. Je suis peut-être un peu moins « intoxiquée », n’ayant pas la télé, ne lisant pas les magazines à sensation, les journaux distribués gratuitement dans les trains (sauf de temps en temps pour me tenir au courant de la « nourriture médiatique » étalée à tous vents…. Pour asservir, forcer à l’allégeance devant les processus de rentabilité qui ne nourrissent plus que quelques uns d’entre nous ?)… mais chacun est « libre », enfin à la mesure de sa conscience. Le fameux libre-arbitre…. Si tant est que l’arbitre existe encore ….. ou connaisse les vraies règles….. ceci est une autre histoire.
Enfin, notre âme à intérêt à être bien stable si elle ne veut pas se laisser influencer par ces incessantes et subtiles tentatives de submersion mercantile… qui ne se limitent d’ailleurs pas à l’image ! … voilà que plusieurs messages diffusés dans cet habitacle restreint nous rappellent que nous avons l’unique chance d’acheter des cigarettes moins chères, de l’alcool, du parfum ou d’autres produits de luxe de marques trop connues.
Je regarde autour de moi, des oreilles se dressent, des regards s’allument, des portefeuilles apparaissent, on discute en attendant le passage du chariot magique qui trompe l’ennui, ou peut-être est-il aussi l’antidote à une angoisse diffuse ; j’assiste au miracle de la multiplication des …. Non pas des pains, mais pizzas, paquets de sucrerie, cannettes, cartouche de cigarettes, paquets en tous genre …. Je ne savais pas qu’un tel petit chariot pouvait contenir autant d’affaires et contenter autant d’affamés !
Dormez tranquille, braves gens ! nous nous occupons de tout, pourvu que vous consommiez ce que nous proposons… tout en nous occupant de votre « santé » !  prévenir des effets néfastes de l’alcool, en éduquant à la diététique….. car si vous mourrez de mal-vivre…. Vous ne serez plus nos clients… sans lesquels nous ne sommes rien, n’est-ce pas ?
…. La manière de consommer est bien l’arme politique la plus redoutable…. Tellement mal employée ; au profit des antidépresseurs, cure d’amaigrissement ou de dopage qui alimentent à leur tour tout un commerce juteux…
J’engage la conversation avec l’hôte de l’air (un jeune homme) : « mais oui, l’eau est payante mais c’est grâce à ça que vous voyagez moins cher aussi !  il faut que tout le monde s’y retrouve... »… me répond-il ; bien sûr si on en reste à la périphérie du cercle vicieux, là où les dégâts de notre système commercial sont déjà rentrés dans l’évidence incontournable. Il est trop jeune pour avoir vécu les décennies où l’espoir d’une vie au service de l’humain était encore permis, aux alentours des années 1980… puis tout s’est emballé très vite, du moins dans la perception que j’ai pu en avoir du monde « d’en-bas »…. Un jour j’ai compris que la rentabilité, le maître-mot « argent » s’est infiltré dans tous les domaines, même la médecine, même l’enseignement, même la justice….  Les acquis sociaux sont déviés de leur sens, mis à mal par la course à toujours plus, pour toujours moins de monde… on critique l’assistanat alors qu’il n’est souvent plus que la dernière ressource de vie dans cette société….. on préfère ignorer tout le cheminement, les galères des générations précédentes, pour se donner bonne conscience et encore croire que cela n’arrivera pas à nos enfants à nous, les gens qu’on aime…. Et les autres ? on préfère croire qu »ils n’ont pas assez travaillé » « qu’ils n’ont qu’à rester chez «eux » » etc etc…. parce que NOUS, nous y sommes pour quelque chose d’être nés dans une famille qui nous a appris le respect ??? qui est reconnue dans la ville, qui nous a permis de faire des études… non on préfère encore penser que ceux qui ont eu la chance de faire de longues études méritent aujourd’hui des salaires 50 X plus élevés.. parce que leur estomac, leur corps auraient besoin d’autres aliments pour vivre ? d’autres tissus, plus fins, pour s’habiller ? davantage de vacances pour se reposer ?, leur esprit plus fin pour apprécier les pièces de théâtre, les concerts d’opéra beaucoup trop chers pour beaucoup de monde… allons allons…
… donc ma discussion avec ce jeune homme s’est terminé sur un haussement d’épaules de sa part quand je lui ai demandé si c’est bien l’humain qui s’y retrouve… ou seulement le consommateur jouisseur nanti qui engraisse les dirigeants d’entreprise…
Il a continué, imperturbable et avec le sourire (heureusement !) à faire fonctionner sa machine à carte bancaire.
Tout le monde est donc content… moi aussi avec mon pain dur qui délivre toute sa saveur quand on le mâche longtemps, il faut le savoir pour l’apprécier.
La folie consommatrice s’est un peu calmée mais les odeurs en suspension de pizzas, chips etc persistent. Que dire des emballages hyper contrôlés, aseptisés, aux marques et couleurs agressives,  qui jonchent maintenant au sol… que de déchets…. Le bébé s’est calmé, les gens repus s’endorment. Je me sens bien, sur mon îlot… parmi tous ces gens qui font certainement de leur mieux, tout comme moi, dans d’autres domaines que j’ignore. Je ne me laisserai pas aller à juger et à condamner ; l’important est que je puisse vivre selon ma conscience de moi et de l’autre, et que je puisse partager ce que je suis. Le partage étant la seule richesse non vaine.

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