samedi 7 novembre 2009

MARCHER "utile et agréable"

MARCHER “utile et agréable”

Quel plaisir, quelle liberté quand on s’engage dans cette voie
Moment de calme, de beauté, de méditation, régularité dans les mouvements, introspection, admirer la nature, écouter les oiseaux, rencontrer des animaux, s’imaginer au paradis, n’avoir besoin de rien d’autre, quand il pleut : être content de pouvoir marcher quand même car souvent ce n’est que la projection d’un moment considéré comme potentiellement désagréable alors que lorsqu’on marche, même si le temps n’est pas au beau fixe - et à part une pluie battante couplée avec du vent, des grelons...- on se sent bien - conscience d’avoir des habits adéquats, c’est une chance, rarement froid puisqu’on bouge
pas faim pas froid, pas mal, voir, entendre, sentir, penser, bouger... que veut-on de plus ?
Quitter le travail stressé, fatiguée... et se retrouver sur le chemin, marchant, en pleine forme, arriver à la maison, content, l’esprit aéré, souvent j’ai l’occasion de parler quelques mots avec les villageois avant de rentrer, ce que ne me permet pas l’utilisation de la voiture - et souvent en rentrant, je continue dans ma lancée en passant la tondeuse, ou d’autres occupations physiques qui requiert de l’énergie, que j’ai largement retrouvée après les quelque 8 heures de travail, enfermée dans un bureau
Au début, les gens étaient certainement étonnés de me voir faire l’aller retour Bremmelbach-Wissembourg, en hiver avec une lampe frontale et une lumière sur mon sac à dos pour me signaler sur le court tronçon que je partage avec les véhicules ; puis au début je gardais ma frontale à la main en cas de “rencontre” avec un animal que je pourrais peut-être effrayer et dont j’ignore les réactions... les seules fois où l’ambiance me paraissait lugubre était quand j’entendais, par 2 X, japer un renard, que j’imaginais pris dans un piège... un japement d’appel de douleur qui m’a glacé la peau et rendue très triste ; pauvre bête
un jour aussi, un monsieur est descendu de son tracteur et s’est planté devant moi en me demandant si je n’avais pas peur de marcher ainsi seule dans la forêt, presque sur un ton de reproche... j’ai crâné en disant que “non” et que je saurais me défendre si’l le fallait... mais cet épisode m’a laissé un petit goût désagréable, pas vraiment de peur, mais une conscience d’interpeller les gens ou d’éveiller une suspicion.. Je ne sais pas comment l’exprimer
il m’arrive de prendre en main mon portable pour faire semblant d’être “en contact”, lorsqu’une voiture me dépasse qd je marche seule dans la forêt, entre Oberhoffen et Bremmelbach..
Rassurer les gens autour de moi qui me préviennent gentiment des dangers à marcher seule quand on est une femme, me tenant au courant des faits divers que j’évite soigneusement de lire dans les journaux...
Je porte un short... cette façon de m’habiller peut aussi susciter des réactions... mais voilà, mon pas est déterminé, énergique - je me sens bien dans ce que je fais - je n’ai pas l’air apeurée, ne le suis d’ailleurs pas, tout cela devrait avoir une influence positive sur d’éventuelles pensées négatives

mes motivations :
le goût de la liberté, la vraie, celle qui me rend indépendante, non pas de ma condition humaine, mais celle qui me permet de faire mes choix en conscience
cadeau pour mon corps qui bouge au grand air
l’esprit est libre de vagabonder
quand je marche, c’est un moment privilégié que je passe avec moi-même, face à moi ; dans ma tête, il m’arrive de refaire le monde
je chante, je révise mon texte à apprendre pour l’atelier théâtre
je parle mentalement
des idées émergent
Ecologiquement, le plaisir de ne rien prendre à la terre, de ne pas rajouter à la pollution
plaisir des yeux en toutes saisons
levers du soleil que j’admire - l’aube de brume colorée - en hiver le ciel étoilé par grand froid
la pluie qui devient une amie (quand je n’ai pas oublié mon coupe-vent)
braver le froid qui n’est pas désagréable lorsqu’on s’habille en conséquence
contentement de vivre une époque qui m’offre tout ce confort d’habits qui me permet de jouir pleinement de la nature
parler avec des gens rencontrés dans les villages
ainsi une dame âgée qui chante, assise devant la porte d’entrée ouverte
faire un brin de conversation
caresser un âne ou un cheval dans un enclos
dire bonjour aux poules qui traversent la rue du village
voir les bébés grandir au fil des années.... des enfants devenir ados
Suivre l’évolution d’une construction, les plantes dans les jardins bien entretenus, lorgner les belles salades, remarquer des détails dans l’architecture d’une maison
images fugitives : tel ce panier de bois régulièrement posé devant la porte d’entrée chez une dame âgée : on pense donc à elle et à son confort, qu’elle puisse se chauffer sans avoir à s’éreinter à transporter le bois
ne plus être effrayée par cet homme sans abri qui dormait sous une tente plantée à proximité de Wissembourg
remettre le scarabée sur ses pattes alors qu’il se débat vainement, couché sur le dos de sa carapace, éviter à un vers de terre de se dessécher au soleil, tant la traversée du chemin caillouteux et sabloneux est longue pour lui
Faire un bouquet de coquelicot pour embellir les locaux austères du Tribunal

Etre conscient qu’à la base, les motivations peuvent n’être qu’en rapport avec notre petite personne , pour peu à peu englober d’autres considérations plus vastes
s’occuper de son corps - se lancer un défi - réduire le coût des transports, la pollution -
puis on remarque qu’un certain plaisir s’installe, gratuit, inconditionnel

Au début les gens critiquent certainement par inconscience, peut-être que d’une certaine façon on peut se sentir interpellé, exhorté à faire des efforts qu’on n’a pas envie de fournir de prime abord ; il est tellement humain de préférer “se la couler douce”
sauf qu’on oublie qu’avec une certaine habitude, on vit sûrement autant dans la douceur, sinon davantage, qu’en utilisant sa voiture, en étant stressé sur la route, harassé de devoir travailler toujours plus pour se payer les moyens d’une vie “confortable”

une vacuité qui permet de se laisser remplir par des sensations oubliées, odeurs, bruits au loin,
goût de l’effort, aller au-delà de soi
Souvent dans ces moments je ressens la grâce d’être en parfait accord avec le monde environnant et intérieur - je n’ai plus besoin de rien, tout est donné, dans l’instant

écueils : vouloir imposer sa façon de voir les choses, critiquer les gens qui ne “font pas cet effort”
ne pas tomber dans le prosélytisme, tout en allant vers le partage de cette expérience tellement enrichissante à tous niveaux
ne pas se laisser impressionner par les éventuelles critiques
Rester souple : il y a des jours où marcher n’est pas possible pour diverses raisons (fatigue, manque de temps, météo..) Savoir aussi décider de prendre la voiture à bon escient sans tomber dans la mauvaise conscience

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