... j'ai cherché le domicile d'un jeune que je dois voir dans le cadre professionnel.
Un
quartier....comme dévasté par la guerre.... de la matière
brûlée, des déchets, des portes d'entrée en fer pleines de graffitis...
La rue n'existe plus, elle est en travaux ; "c'est de bonne augure" me
dis-je ; j'ai fait la réflexion à une dame à qui j'ai(re) demandé mon
chemin : "ça va être beau !". Elle m'a répondu "ouai, mais pour combien
de temps ?"
Pas pratique d'y circuler à Vel'hop !
2 petits garçons, dont l'un, au retour, m'a souri ; il m'a dit "B'jour Madame"! il m'a
tendu la main... j'ai tapé dedans, tout naturellement, comme je les ai
déjà vu faire entre copains.
un groupe de jeunes gens
désoeuvrés, tous de peau très mate, ils fumaient et blaguaient, j'étais
certainement pour partie leur sujet de conversation au fur et à mesure
que je m'approchais : je n'avais pas peur de leur parler, j'étais juste
un peu impressionnée, vu le nombre et tous les regards dans ma direction
: je me suis sentie, moi, étrangère, dans ce monde lunaire.
Enfin j'ai trouvé l'immeuble ; le numéro ne correspondait pas à celui marqué sur la décision officielle.
Quelques
gribouillis sur certaines sonnettes, des mots sur les boîtes aux
lettres ; j'ai pensé à la chanson de Cabrel "j'ai laissé quelques mots
sur le mur du couloir qui descend, oh, pas des injures...."
je suis donc montée presque jusqu'en haut, un couloir sombre coincé
entre deux murs sales, éclairés par une lucarne par étage ; j'ai
rencontré deux fillettes et leur ai demandé où habitait M. C.... elle ne
savaient pas au juste mais l'une d'elle me dit, avec un grand sourire
et en jetant son papier de bonbon par-terre, : "si tu vois "NS.... RY
et ben c'est chez moi !" elle était fière de partager son lieu de vie.
Elles dansaient, joyeuses, sur les marches
Je les ai remerciées.
j'ai sonné à quelques portes, au hasard, avant
de trouver enfin le mari de la mère ; celle-ci est venue tout de suite
après ; ils m'ont fait rentrer dans leur logement qui sentait fort la
cigarette. Ils m'ont parlé de leur fils ou beau-fils. Vous savez, la
promiscuité, c'est difficile, j'ai 3 autres enfants, vous comprenez.
Bien sûr que je comprends.
vous savez, il est revenu de l'orphelinat
avec des chaussures trouées ; on ne lui donnait que 10 € par semaine ;
tant qu'il est ici, il doit me donner quelque chose, pour le manger ; je
lui fais le linge aussi. C'est dur pour nous aussi.
bien sûr, je comprends et c'est légitime.
Je me rends compte combien nous sommes conditionnés par notre lieu de vie.
je
m'imagine des gens des beaux quartiers devant vivre dans un tel
délabrement ; il faudra un jour échanger, oh, juste quelques heures, pour
comprendre.
Il nous est facile de dire qu'"ils" cassent tout de toute façon,
qu'"ils" ne travaillent pas, qu"ils" boivent et fument" leurs indemnités
de chômage....
mais nous, qu'aurions-nous à leur place ? si nous
n'avions pas appris le respect ? nous qui avions la chance
d'avoir des parents qui ont pu nous offrir un toit, des repas et bien
plus ?
Y sommes-nous pour quelque chose dans cette "chance" qui nous a permis
de vivre autrement que juste de "sur"vivre dans un monde où le plus fort
a plus de chance de s'en sortir, c'est-à-dire de manger à sa faim par
exemple ?
Le père, dans la conversation, m'a dit : "J n'est pas comme moi, il n'a
jamais fait de conneries, il n'a pas volé, je ne sais pas s'il va
pouvoir vivre seul avec ce qu'il gagne par mois" ; j'ai compris qu'il
s'inquiétait parce qu'il s'imagine que son beau-fils sera démuni dans ce monde où il faut se battre pour vivre...
Sur mon vélo, au retour, j'ai regardé le monde autrement.
la
laideur n'est pas seulement dans les quartiers défavorisés, comme on
les nomme ; elle est aussi, plus subtilement, dans toutes les choses que
nous ne partageons pas.
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