mercredi 8 août 2012

un hébergement sur le Chemin

Après avoir franchi la longue banlieue, traversé l'usine BADOIT, oublié mes bâtons à l'office du tourisme où l'on m'a renseignée sur les possibilités d'hébergement, je me suis rendue au n° 10 du Lotissement du même nom que l'hôtel à proximité ; l'extérieur me semblant assez délabré, je pensais m'être trompée d'adresse.... mais non. Une femme d'allure relâchée a couvert les aboiements du chien pour me faire comprendre que oui, c'est bien ici qu'on accueille les pélerins.
J'ouvre le portail et je vois une baguette de pain frais à même le sol ; le chien marche dessus. Je demande si je dois la ramener ? que oui ! mais elle n'est même pas capable de ramasser ce qu'elle fait tomber...." entends-je à l'adresse d'une autre personne se trouvant à l'intérieur...
drôle d'ambiance. Le chien est certes bruyant mais c'est sa façon de manifester sa joie et son attente de caresses.
Taï'an....ce n'est pas le chien des dames...
J'obtempère et il se calme.
Je rentre... je sais bien que j'ai prévenu un quart d'heure avant de ma venue mais je vois un souk terrible dans le couloir, des moutons de poils de chien... la dame me fait entrer au salon.. j'avoue que j'avais envie de ressortir en me disant qu'il n'est pas possible que ces personnes soient officiellement reconnues comme des accueillantes jacquaires. La table servait à maintes activité,  des pelures d'oignons et autres légumes jouxtaient les papiers à remplir, des verres sales... une télévision grand écran débitait le programme et il a fallu hausser le ton pour s'entendre.
J'étais tellement fatiguée que je n'avais pas la force de rebrousser chemin, surtout que les deux femmes m'ont dit de déposer mes affaires devant la porte de la chambre que l'une d'elle allait me prêter ; elle était d'ailleurs en train de changer les draps (rassurant quand même !) ; j'ai proposé de faire mes courses et de revenir après, ce qui semblait convenir.
Ouf..... j'avais déjà prévenu que je ne mangerai pas avec elles....
en effet, je souhaite choisir exactement ce dont j'ai envie, chaque soir, parmi les possibilités que m'offrent les différents lieux évidemment et parfois le choix est restreint.
Ce soir c'est fête.... un supermarché...... bon, ça se discute....
Le plus souvent, je mange un bon fromage de chèvre ou de brebis, plus rarement de vache sauf quand j'en trouve qui soit visiblement fermier, des fruits, des yaourts, des graines, amandes et mon pain sec "fait maison" que je garde depuis des mois pour l'occasion :
tout ce que je n'avais pas et pourtant ! ce que j'avais me comblait
Un plaisir simple : un bout de pain sec aux graines, du fromage de brebis, une amande.... bien mâcher, longtemps.... ne rien faire d'autre que regarder autour de soi et apprécier le goût qui s'en dégage.
.... autant de plaisir que lorsque j'ai accès à l'opulence.... que j'apprécie aussi d'ailleurs, voir la photo prise chez moi !

quand je suis revenue à l'hébergement, l'aspirateur a été passé, juste autour de tout.... ma pomme qui a roulé sous le lit a pris la douche avec moi, tout comme mes habits du jour et les sandales, une façon d'utiliser moins d'eau.

Un hôte à la mine festive s'était rajouté entretemps et la bouteille de pastis a bien diminué. Ils ne m'ont pas demandé si je voulais boire avec eux. C'était tellement évident... et même signe d'une faculté d'analyse et de respect ; ils ne s'embarrassent pas de marque de politesse insensée ou conventionnelle.

Quoiqu'il en soit, l'ambiance était à fort décibels mais une chaleur humaine et une gaîté se dégageaient des personnes, contentes d'être ensemble et même d'avoir de la visite. J'ai écouté, ri, parlé, posé des questions et la curiosité, mélange des genres oblige, était réciproque et sans suspicion ou gêne.

Je me suis sentie à l'aise puisqu'on me laissait "être", m'exprimer, manger à ma façon. Nous n'avons pas besoin d'être "du même bord" pour co-exister pendant ces quelques heures.

le même soleil qui s'est levé, ailleurs et pas au même endroit....
 La nuit a été calme à l'extérieur, sonore à l'intérieur ; les ronflements provenaient du salon. Le chien m'a accueillie sans aboiement à mon réveil alors que les deux dames dormaient encore.

J'ai été très discrète mais l'une d'elle m'a entendue et s'est empressée de se lever pour me dire au-revoir, après m'avoir tendu un cahier un peu chiffonné pour y laisser quelques mots.

De mon passage chez les 2M je retiens la chaleur humaine, qualité essentielle de l'accueil ; "elles font ce qu'elles peuvent" à essayer de gagner quelque sou car je sentais bien que les moyens manquaient.

Monique m'a expliqué plus tard qu'elles sont "une figure du Chemin" ; je crois comprendre. Etre un pélerin impliquait à l'origine de demander l"aumône" et d'accepter ce qu'on nous offre ; la modernité implique trop souvent qu'on exige un confort dont on a pris l'habitude sans plus vraiment l'apprécier. Il n'est pourtant pas un dû. Ni même à la portée de tout le monde dans la vie quotidienne.

Entre l'arrivée à cet hébergement et le départ, mon "jugement" s'est transformé en "accueil de ce qui m'est proposé".
Une façon de célébrer la vie.

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